Dimanche 8 décembre 2013
Centrafrique : la position de la CGT
La Confédération vient de publier un communiqué qui mérite d'être reproduit et discuté, après la nouvelle intervention française en Françafrique, baïonnettes hollandaises au canon.
Situation en République Centrafricaine
Communiqué de la CGT
vendredi 6 décembre 2013
La France a décidé une fois encore d’intervenir militairement dans son "pré carré" à savoir cette fois-ci en République
Centrafricaine, et une fois encore des questions fondamentales ne sauraient être éludées :
- Pourquoi la France se met-elle systématiquement en première ligne quand l’une de ses ex colonies se retrouve confrontée à des
soubresauts politico-militaires ?
- Pourquoi la France prend prétexte de tragédies, par ailleurs bien réelles, pour justifier ses interventions militaires, alors
que le vrai problème, souvent aggravé par ce type de décisions, réside dans le "vide de puissance" caractérisant certains pays africains ?
- Quels sont les facteurs qui expliquent la crise quasi structurelle qui secoue l’Afrique Francophone ?
L’argument de Laurent Fabius Ministre des Affaires Etrangères s’appuyant sur un "risque génocidaire" en RCA n’a vocation qu’à marquer les esprits du peuple français et à justifier ainsi une intervention militaire. Il y a des mots tel génocide à ne pas utiliser, à ne pas détourner de leur sens profond. En réalité si la situation est effectivement devenue dramatique à Bangui c’est qu’il n’y a quasiment plus d’Etat. La situation est plus proche de celle de la Somalie que de celle du Rwanda en 1994. La poursuite d’une telle politique de la France en Afrique ne peut à terme que mener dans une impasse.
La France qui garde une forte influence en Afrique subsaharienne devrait au contraire encourager systématiquement toute initiative
visant à consolider les transitions démocratiques au lieu de soutenir, souvent sans réserve, ses affidés, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition. A l’heure où se tient le "Sommet de
l’Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique", la CGT réaffirme au contraire son attachement à des logiques de paix, de solidarité et d’aide au développement pour l’Afrique.
Montreuil, le 6 décembre 2013
Ce communiqué est à double détente.
Nous pouvons nous retrouver dans les deux premiers paragraphes, en formes d’interrogations orientées, qui soulignent la
persistance de la « Françafrique », et le rôle de gendarme continental que prétend poursuivre Hollande et ses mercenaires pour Areva et autres Bolloré.
Oui, la question est pertinente : « quels sont les facteurs qui expliquent la crise quasi-structurelle qui secoue l’Afrique
Francophone ? »
Là où ça ne colle plus du tout, c'est d'abord que la Confédération ne répond pas à la question qu'elle
pose elle-même ! On reste dans le mystère...
Il n'y a que le dernier paragraphe qui se présente en forme de solution… Pour la Confédération, tout est seulement question de « transitions démocratiques »…
Impérialisme ? Matières premières ? Immigration ? Géopolitique continentale pour contrer l’Angleterre, la Chine, les USA et
autres puissances impérialistes qui veulent déplacer les bornes des zones d’influence ? Bourgeoisies locales corrompues et larbins de l’impérialisme ?
Silence radio… On retrouve des choses bien connues : la concurrence, la guerre économique, la mondialisation, tout cela n’existe
pas – il ne s’agit plus que de « démocratiser » et « d’humaniser » un système qu'on ne cherche pas à mettre à bas..
Si les sociétés africaines explosent, si les peuples africains sont passés à la moulinette des milices, de la corruption, des
bandes armées, c’est que l’impérialisme a tout fait, dès l’époque coloniale et ensuite, pour maintenir sa domination. Et ça ne se règlera pas en remplaçant des dictateurs corrompus par des
dirigeants honnêtes et patriotes. Patrice Lumumba, Thomas Sankara, Samora Machel et d’autres ont payé de leur vie leurs illusions à vouloir « démocratiser » la domination impérialiste, à vouloir
tenter de desserrer les liens de l'impérialisme.
L’intervention en Centrafrique n’a rien d’humanitaire. La France comme l’ONU se moquent comme d’une guigne des peuples africains, en Centrafrique comme auparavant en Côte d’Ivoire, au Rwanda, au Mali ou ailleurs. Le communiqué confédéral a parfaitement raison de souligner que si les exactions de la Séléka sont bien réelles, elles ne sont qu’un prétexte.
Mais il faut aller au bout du raisonnement, et développer une solide opposition anticoloniale et antiimpérialiste. Il faut dénoncer toutes les interventions de nos dirigeants, le maintien de la Françafrique, exiger la rupture de tous les liens avec les anciennes colonies ou nouveaux terrains d’intervention.
Le syndicalisme de classe ne doit pas se laisser impressionner par la propagande médiatique qui fait tout pour valider l’intervention, sous couvert d’humanitaire !
Troupes françaises hors d’Afrique !
Démantèlement de toutes les bases militaires françaises en Afrique !
Areva, Bolloré, Bouyghes, Alstom, Veolia, banquiers et autres monopoles, c’est vous qui êtes responsables de la misère et du chaos
!
Abandon de tous les intérêts économiques français en Afrique !
A lire également :
« Pourquoi François Hollande envoie des troupes en Centrafrique », sur Rue 89
« La Centrafrique est un pays
charnière », sur Arte-TV, un dossier assez complet
« Rapport Védrine-Zinsou : la guerre (économique) a
commencé », sur Jeune Afrique, sur les enjeux de la France en Afrique aujourd'hui – limpide !
« Centrafrique : nos légionnaires marchent dessus... cinquante ans de fiasco de la Françafrique », une tribune publiée dans Le Monde et reprise sur le site de la FILPAC-CGT