Dimanche 2 octobre 2016
La CGT et Rojava : retour sur un buzz et une polémique
La publication mardi d’un message de la « Brigade Henri Krasucki » en soutien au 16 d’Air France sur le compte Facebook de la CGT des Cheminots de Versailles (« Procès Air France : message de solidarité de la Brigade Henri Krasucki au Rojava ») a provoqué une véritable tempête la semaine dernière.
Partagé plus de 1000 fois chez nos camarades cheminots, plus de 330 fois sur notre blog avec plus de 1100 lectures (et très certainement encore ailleurs), on peut imaginer que ce sont des milliers de militants qui ont lu cette information.
La réaction infâme de la Confédération (voir également l’article précédent) n’a fait qu’amplifier cette vague de lectures, dans la mesure où des grands medias (Libération, Soir 3, Huffington Post et bien d’autres) s’en sont fait à leur tour l’écho…
Tempête dans un verre d’eau comme le dit un de nos lecteurs ? Buzz médiatique ? Nous ne le pensons pas, au contraire c’est intéressant de comprendre ce qui s’est passé et de voir ce que cela a révélé.
Tout d’abord, l’information était immédiatement fiable et il n’y avait aucun doute sur son authenticité. Nous connaissions l’existence du Bataillon International depuis l’origine, et les camarades de la CGT Cheminots Versailles sont connus pour leur sérieux. Nous n’avons eu donc aucune hésitation à la relayer, à aucun moment nous n’avons imaginé que c’était un « fake » ou une manipulation comme l'ont imaginé certains. Il suffisait de suivre l’actualité du soutien au Rojava et en particulier celle du Bataillon international (voir encadré ci-contre).
Les camarades cheminots ont ensuite expliqué la source du message toujours sur leur compte Facebook, mais pas via la FSM comme on a pu le lire, ce qui aurait été pour le moins étonnant vu le contenu (critique explicite du dictateur), sachant que la FSM est carrément ambiguë (voire même soutien…) vis-à-vis de Assad… Non, le message provient des réseaux de solidarité entre cheminots européens, réseaux bien établis depuis des années, en particulier avec les cheminots britanniques qui ont participé à la création au Rojava d’une brigade anglaise, dénommée Bob Crow.
L’attitude honteuse de la CGT
Le communiqué de démenti de la Confédération a provoqué une deuxième vague de scandale. Il faut dire que les rédacteurs n’ont pas fait dans la dentelle.
- « Stupeur » de découvrir le message, soit. On n’attend pas vraiment des dirigeants confédéraux qu’ils s’intéressent vraiment au combat de libération des peuples (ceci est une petite provocation !). Mais « consternation », c’est en remettre une couche, pour bien montrer qu’on n’a rien à voir avec ces « individus »
- Confirmation dans la ligne qui suit, la CGT affirmant que les individus en question n’ont aucun mandat de l’organisation. Enorme gag !!! Qui aurait pu croire une seule seconde que la Confédération organise aujourd’hui des Brigades Internationales ??? Voilà belle lurette qu’elle a trahi ses engagements internationalistes du passé, et en particulier sa participation aux Brigades Internationales en 1936 en Espagne. Mais enfin, soit. Les camarades de la Brigade Henri Krasucki en donnent acte à la Confédération dans leur réponse (voir plus loin).
- La référence à Henri Krasucki est par contre une manipulation honteuse via un contresens historique. Avant d’être dirigeant de la CGT (on peut discuter de son rôle à cette place d’ailleurs), Krasu a été un jeune combattant internationaliste, juif polonais engagé dans la FTP-MOI, militant communiste dans la résistance antifasciste, qui a, oui, mené la lutte armée, a été arrêté, torturé (devant sa mère), déporté. Ce qu’on appelle un héros – et c’est comme cela qu’il reste dans la mémoire des anciens. Soulignons qu’à l’époque de ce combat, Henri Krasucki n’avait aucun mandat de la CGT – lol ! Mais réduire Krasu à un militant pacifiste et fraternel est juste une escroquerie. Nous ne sommes pas dupes.
Alors quelques hypothèses :
- La CGT est désormais tellement incrustée dans le pacifisme, le crétinisme légal, les institutions internationales, le rejet de la violence sous toutes ses formes et donc le respect de l’ordre existant qu’elle est aveugle à la souffrance et au combat des peuples pour leur libération, et s’opposera à toute contestation radicale du système capitaliste et impérialiste… A bon entendeur, salut. D’ailleurs, vouloir réduire la violence ouvrière légitime à Air France à une respectueuse « défense des libertés syndicales » ne relève-t-il pas du même registre ???
- Autre hypothèse, le communiqué est rédigé par des soutiens masqués de Assad et Poutine, dont nous savons qu’ils existent bel et bien dans la Confédération. Et ils se sont trop avancés en racontant juste n’importe quoi. Dans ce cas, le communiqué doit être retiré ou corrigé. C’est possible, mais la Confédération fait désormais l’autruche validant de fait la déclaration.
Le bataillon a répondu – de manière bien plus diplomatique que nous – au communiqué de la Confédération. Nous le reproduisons ci-dessous pour conclure cet article, sans clore le débat :
Camarades et amis,
Nous sommes étonnés du démenti qu’a dû fournir la direction de la CGT suite à notre message de soutien aux syndicalistes d'Air France en procès. La photo prise de la ville de Manbij et notre déclaration n'était destinée qu'aux camarades en procès pour leur assurer que même à l'autre bout du monde ils avaient du soutien, et aucun cas entrainer la CGT dans une quelconque polémique.
Non ce n'est absolument pas le syndicat qui nous a envoyé combattre en Syrie et ce n'est pas lui qui nous a organisé. Ce n'est pas le but de la CGT. C'est de notre propre chef que nous nous sommes rendus en Syrie pour combattre l'organisation fasciste DAECH au côté du peuple kurde.
C'est ici même que nous nous sommes rendu compte que nous étions plusieurs à être syndiqués à la CGT, ce qui a renforcé notre lien, et c'est simplement de camarades à camarades que nous avons voulu apporter notre soutien aux syndicalistes en procès.
Même d'ici nous pouvons suivre l'actualité de notre pays et nous sommes fiers du travail effectué par la CGT, particulièrement lors des dernières grèves contre la LOI TRAVAIL. Cependant nous n'avons aucun droit à nous exprimer au nom de la CGT. Nous nous excusons auprès de nos camarades si cela les a entrainés dans une polémique.
Cependant nous souhaitons répondre ceci à la direction de la CGT :
Tout d'abord nous ne pouvons être considérés comme un “groupuscule” car nous ne sommes pas une organisation politique,
Ensuite nous avons choisi le nom du camarade Henri Krasucki pour notre Brigade (ou takim ici) car nous pensons notre combat dans la continuité du sien. Internationaliste il a combattu l'occupant nazi en France dans les rangs des FTP-MOI, puis a continué son combat au sein du Parti communiste et à la direction de la CGT pour défendre les droit des travailleuses et des travailleurs. Ses valeurs de Fraternité et de Paix nous les portons ici contre l'organisation fasciste DAECH et pour la liberté des peuples de Syrie écrasés par tant d'années de guerre.
Durant la guerre d'Espagne ce sont par centaines que l'on pouvait compter les membres de la CGT partis combattre le franquisme aux côtés des républicains espagnoles.
Nous continuons leur combat.