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21 janvier 2018 7 21 /01 /janvier /2018 18:01

Dimanche 21 janvier 2018

De quoi la Rupture Conventionnelle Collective est-elle le nom ?

 

Une mesure recalée de la Loi Travail, absente du programme de Macron et qui resurgit de manière inattendue dans les ordonnances, la Rupture Conventionnelle Collective.

Une mesure dont le caractère symbolique (faciliter les licenciements collectifs, sans aucun doute) a vite fait d’enflammer les esprits, au point d’en faire la pierre de touche des ordonnances et de la nature libérale du gouvernement Macron.

Évidemment, comme toutes les mesures des ordonnances, c’est un nouveau recul, une nouvelle mesure réactionnaire à combattre. Mais franchement, qui a pris le temps de réfléchir, un peu intrigués par ce nouveau consensus médiatique apparu aussi rapidement qu’il va disparaître.

 

Les Ruptures conventionnelles individuelles

Faisons les comptes, quand même. On a repris les chiffres de la DARES (plus qu’officiels, donc) on voilà ce que ça donne :

Plus de 2,8 millions de ruptures individuelles depuis la création en 2008. Elles sont passées de 191 000 en 2009 à plus de 400 000 en 2017, une moyenne de 35 000 par mois. Une paille...

Si la hausse permanente de ce quota provoque épisodiquement des réactions (quoique…) il n’y a vraiment plus une once d’indignation face à cette mesure créée par Sarkozy et poursuivie par Hollande.

 

Les plans de départ volontaire

Impossible cette fois de trouver des chiffres totaux, noyés dans les plans sociaux dont ils ne sont qu’une forme. Mais on a entendu parler des 5000 départs à SFR, des plans à Air France, à France Télévisions, à PSA, à Veolia, au Figaro, à AREVA, à la Région Ile de France, à la Société Générale, la SNCF… Quelle grosse entreprise n’a pas déjà connu de tels plans sociaux, pareilles vagues de départs, plus ou moins importants ? Alors combien au total ? Et bien, on n’a pas trouvé de chiffres, mais ce sont certainement des centaines de milliers de licenciements masqués qui ont ainsi lieu depuis des années… Et ce que vient d'annoncer Carrefour, c'est bien 2400 licenciements en PDV et pas en Rupture Conventionnelle.

En fait, les PDV n’étaient pas une nouveauté, ils sont validés depuis la fin des années 70 comme forme d’accord amiable dans le cadre d’un PSE, ou comme on disait avant « un plan de licenciements économiques ». Quoiqu’absents en tant que tels du Code du Travail, c’est une mesure pratiquée depuis des décennies pour « faciliter », sur la base du « volontariat » les plans de licenciements en poussant les gens au départ, moyennant une enveloppe « gonflée » par rapport aux droits sociaux légaux.

Au final, les ruptures conventionnelles collectives ne sont que la transposition légale dans le Code du Travail des PDV, simplement en les découplant de l’obligation d’un PSE.

 

Et la Rupture Conventionnelle Collective ?

Finalement ce n’est que la suite logique des PDV d’un côté, des ruptures conventionnelles individuelles de l’autre. De quoi protester, bien sûr, parce que l’ordonnance facilite les départs collectifs en se passant des formalités du PSE, mais certainement pas de quoi s’étouffer d'indignation : tout était déjà là, en gestation. On est bien loin du « coup d’Etat social » clamé par la France Insoumise…

D’ailleurs, il suffit de voir Pimkie : après l’hypothèse d’une rupture conventionnelle collective, la direction a fait machine arrière (Victoire ! ont cru bon de hurler certains…) pour revenir à l’hypothèse classique d’un PSE/PDV qui aboutira exactement au même nombre de chômeurs (208), mais avec les formes « d’avant ». La belle affaire…

L’indignation autour de la Rupture Collective ne serait-elle seulement que le masque de l’impuissance face au rouleur compresseur du gouvernement ? Macron n’avait pas prévenu, Macron ne joue pas le jeu, Macron exagère… Oui, peut-être cette indignation n’est-elle que le nom de l’impuissance face aux restructurations capitalistes…

 

Alors comment combattre ?

Nous voyons déjà nos critiques (juste, on les connait par cœur) : vous les gauchistes, vous critiquez et vous laissez faire… Facile, non ?

Non bien sûr. L’avantage (si on ose dire) c’est que l’ordonnance légalise les Ruptures Collectives alors que les PDV n’apparaissaient que par la bande (d’où sans doute l’absence de statistiques). Le capitalisme se dévoile, se met à nu.

Et la rupture collective se combat, comme se combattent les PSE, les ruptures individuelles ou les GPEC, tous ces instruments mis en place par le gouvernement pour faciliter les restructurations. Elle se combat, non pas d’un point de vue « légal », voire « législatif », mais du point de vue de l’intérêt des travailleurs : Non aux licenciements ! Travailler Tous et toutes, moins et autrement ! Un emploi, en toit, pour tous !

 

Pour approfondir, il faut comprendre l’objectif des patrons. Aller à la racine du capitalisme et de la guerre économique mondialisée, l’exploitation et le taux de profit, la productivité du capital.

Prenons l’exemple de PSA, spécialiste des PSE/PDV, et premier champion de la Rupture Collective, comme il se doit.

Voilà le tableau de la production du groupe, chaque année, à l’échelle mondiale (chiffres officiels, bien sûr) :

Production d'automobile rapportée à l'effectif
AnnéeNb Véhicules produitsEffectifsRatio
    
20163 146 382170 15618,5   +29,4%
20152 972 999182 15716,3
20142 938 372189 78615,5
20132 819 000196 88414,3

 

On ne saurait être plus clairs. La productivité ne cesse d’augmenter (la productivité augmente de 29,4% en 4 ans), et ces chiffres ne donnent pas le détail au niveau ouvrier… On imagine… [Mise à jour 24/01 : il faudrait en fait également tenir compte de la part du travail précaire inclus dans la production, et non compté dans les effectifs. Cela corrige certainement le chiffre, mais certainement pas la tendance...]

Pour produire de manière toujours plus productive, PSA a besoin d’un maximum de flexibilité : flexibilité des horaires pour tenir la production (Toyota, le concurrent, gère désormais les horaires au jour le jour, flexibles à 10 minutes près, étalés sur une période de 3 ans…), flexibilité du personnel d’un atelier à l’autre, précarité pour avoir d’un côté la souplesse d’adaptation d’une période à l’autre, voire même pour alimenter certains postes tellement durs physiquement qu’on n’y met plus que des intérimaires, interchangeables tous les 18 mois dès que les maladies musculo-squelettiques apparaissent…

Pour PSA, après les ruptures individuelles, après l’intérim (et la mise en place des CD Intérimaires), après la succession des PSE/PDV, la Rupture Collective c’est logique et évident. Pas de quoi s’indigner plus qu’hier… ce n’est qu’un instrument supplémentaire de la gestion de la productivité.

 

Alors, on comprend bien que le combat n’est pas l’indignation contre une mesure supplémentaire qui n’est que la suite des précédentes. Le combat c’est pour le CDI pour tous, l’embauche des intérimaires, le partage du travail, dans le combat contre la pénibilité au travail.

La CGT PSA a pris des positions courageuses, depuis longtemps dans ce sens. Positions renouvelées autour du projet de Rupture Collective, désormais ratifiée par tous les autres syndicats.

On trouvera ci-contre le tract à ce propos de la CGT PSA Mulhouse, qui fait le point et indique la voie à suivre. [Mise à jour 22 janvier] Et nous rajoutons le tract du 10 janvier de la CGT Sevelnord qui reprend les hausses de productivité sur l'usine de Valenciennes pour exiger les embauches.

 

Non aux Ruptures Collectives ou Individuelles, aux PSE/PDV !

Non aux hausses de cadences !

Embauche des précaires et des intérimaires !

Reprenons le combat pour la Réduction du Temps de travail, les 32h sans perte de salaire et sans aggravation, avec embauche correspondante !

C'est tout le capitalisme qui est pénible ! Résistance Collective !

 

 

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