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29 mars 2023 3 29 /03 /mars /2023 16:18

Mercredi 29 mars 2023

La CGT va-t-elle exploser en vol ?

 

La CGT a vécu mardi 28 mars un moment historique, le rejet majoritaire du rapport d’activité. C’est du jamais vu dans notre syndicat, et si on sentait bien les tensions monter, c’est quand même une vraie surprise inattendue. Autrement dit, le congrès a rejeté le bilan général du syndicat depuis le dernier congrès et a désavoué la direction sortante, Céline Verzeletti incluse soit dit en passant.

 

Les raisons sont multiples, essayons d’y voir clair.

  • Il y a d’abord la radicalité dans la lutte des classes. Depuis des années, un courant combatif reproche aux directions confédérales successives de privilégier le « syndicalisme rassemblé », autrement dit l’unité d’action avec la CFDT. Au fil des ans, l’accumulation des trahisons, des signatures d’accords pourris par ce syndicat réformiste, et pour finir la récupération honteuse par les « chasubles oranges » du mouvement sur les retraites ont fait sauter la soupape.
    Alors sans doute, cette radicalité est un peu confuse, hors sol quelque part avec les incantations à la grève générale, au tous ensemble, même quand la situation ne s’y prête pas. Mais elle a le mérite de remettre les pendules à l’heure de la lutte des classes radicale.
    Ça, c’est positif, quelle que soit la suite des événements.
  • Il y a l’affaire du collectif « Plus jamais ça », qui s’appelle désormais « Alternative Ecologique et Sociale », auquel la CGT participe, aux côtés de Solidaires, la FSU, ATTAC, Oxfam, la Confédération Paysanne, les Amis de la Terre et Greenpeace. Participation avec la présence de Marie Buisson, mais sans aucune discussion confédérale.
    En principe, rien de honteux dans ce regroupement, si ce n’est que
    plusieurs de ces organisations sont antinucléaires, en particulier Greenpeace.
    Il n’en fallait pas plus pour faire péter les plombs aux pro-nucléaires encore très majoritaires dans la CGT, en particulier autour de la CGT de l’Energie (voir sur notre blog). Au nom d’un progrès supposé neutre, de la défense de l’industrie en général au nom de la défense de l’emploi, pour maintenir un productivisme capitaliste qui a pourtant fait la preuve de son échec et met la planète en danger. Bizarrement, le texte des opposants propose pourtant à juste titre l’arrêt de l’industrie de l’armement… qui regroupe plusieurs centaines de milliers de salariés et sous-traitants dans toutes les régions (voir notre article « Quelles revendications pour la CGT ? »). Alors, pourquoi défendre le nucléaire et pas l'armement ?
    On en arrive à voir des militants déclarer ouvertement être contre les écologistes avec un argumentaire particulièrement saisissant : « L’écologie est contradictoire avec le capitalisme (ça, ok), il faut être anticapitaliste (ok aussi), donc on ne peut pas être écologiste (oufff !) ». Un militant d’Air France a eu le courage de l’argumenter ainsi à la tribune du Congrès. Si on pousse le raisonnement sur d’autres sujets, tiens la pénibilité par exemple, on va vite aller dans le mur !!!
    Quoi qu’il en soit, la participation à ce collectif, décidée par la bande, a durci les oppositions, et encore plus
    quand Martinez a coopté, sans plus de débats, Marie Buisson comme sa successeuse désignée.
  • Il y a la question du féminisme dans la CGT. Les affaires ont été très nombreuses, et la mise en place plus qu’approximative d’une cellule de veille interne n’a fait qu’accentuer les contradictions, sans satisfaire ni les féministes, ni les machos encore bien incrustés dans notre syndicat. Les affaires de la petite-enfance à la ville de Paris, de la démission de Maryline Poulain, de Benjamin Amar et bien d’autres affaires encore souterraines continuent de pourrir les relations en interne sans permettre d’avancer, tant le patriarcat et le sexisme sont bien présents dans nos rangs.
  • Enfin, il y a le sujet de la guerre en Ukraine, que toutes les fractions escamotent soigneusement tant il est explosif. Il y a ceux qui soutiennent sans nuances les Ukrainiens, Zélenski compris. Il y a ceux qui soutiennent au fond Poutine mais se cachent pour concentrer leurs critiques contre l’OTAN, contre Zélenski, pour une paix abstraite qui reste silencieuse sur l’invasion impérialiste russe et sur le droit des peuples (en l’occurrence ukrainien) à disposer d’eux-mêmes. Et il y a les hypocrites qui déclarent soutenir les travailleurs russes et ukrainiens pour arrêter la guerre sans se prononcer sur celle-ci, qui veulent mobiliser contre les envois d’armes, mais ne disent rien sur l’armée russe, Wagner et l’invasion, qui dénoncent les néonazis ukrainiens mais se gardent bien de caractériser le régime russe et ses milices tout aussi nazies.

Ce cocktail a explosé durant le congrès, et a abouti au rejet du rapport d’activité en laissant toutes les incertitudes sur l’orientation à venir.

Car si l’orientation très réformiste Buisson/Martinez est à peu près bien définie et fait la majorité contre elle, l’opposition est complètement hétéroclite et sans unité.

 

On assiste désormais à un congrès en roue libre. Une sorte de bureau des pleurs avec un niveau de débats calamiteux. Et en arrière-plan, la guerre des chefs, les complots, négociations et tactiques de pouvoir ; sans vrai lien avec la vraie vie du syndicalisme, les aspirations des syndiqués et militants dans les exigences de la lutte des classes.

Si le clan réformiste Martinez/Buisson a pris une claque phénoménale (on se répète : du jamais vu dans l’histoire de la CGT), les opposants – ou prétendus tels, ne savent plus quoi faire.

Olivier Mateu, secrétaire de l’UD des Bouches du Rhône est à la manœuvre. Mais celui qui est un anti-écologiste féroce (voir l’affaire de la cimenterie Lafarge où il a dénoncé l’intervention des écolos sur le site – pourtant légitime), un productiviste industriel acharné (voir son discours de clôture du congrès de l’UD), un pacifiste hypocrite stalinien à peine masqué dans la guerre en Ukraine (il s’en est gargarisé à un interview au journal La Provence), un  féministe ultra-light (presque 0% garantis…) n’est pas à son aise. Il cherche des alliés.

Alors il propose à Céline Verzeletti (sortie du chapeau juste avant le congrès, soutenue par plusieurs structures importantes, dont l’Energie) un co-secrétariat. Mais sur quelle base ? Silence radio. La secrétaire confédérale a déjà fait remarquer qu’elle avait été désavouée par le vote sur le rapport d’activité, puisqu’elle faisait partie de la direction sortante. Par ailleurs, personne ne sait trop ce qu’elle défend sur le fond, sinon qu’étant femme elle sera probablement plus sensible aux questions féministes. C’est un peu short pour diriger une organisation syndicale confédérale !

 

Alors, on n’a pas le cul sorti des ronces. A l’heure où nous écrivons, nous n’avons pas la moindre idée de la fumée blanche qui va sortir.

La seule certitude, c’est qu’aucune orientation de classe ne va se dessiner. Que le travail de base, dans les syndicats, les UL, les FD reste la priorité, pour faire avancer la conception d’un syndicalisme vraiment indépendant du capitalisme et de l’exploitation, porteur d’un projet vraiment libérateur pour les exploités.
 

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