Dossiers

19 janvier 2018 5 19 /01 /janvier /2018 12:10

Vendredi 19 janvier 2018

Après la victoire à Notre-Dame des Landes, que veut la CGT ?

 

Énorme victoire historique à Notre-Dame des Landes avec l’abandon d’un projet de cinquante ans… Une victoire de l’ampleur du Larzac ou de Plogoff dans les années 1980…

Victoire construite pas à pas, année après année, à partir des habitants sur place, paysans ou pas, qui ont su rallier peu à peu largement à leur cause. C’est ainsi que des syndicats CGT, au début un peu seuls, se sont joint au mouvement, pour entraîner à leur suite l’UD de Loire Atlantique, la FD de la Construction et par ricochet toute la Confédération. C’est ainsi que ceux qu’on appelle les ZADistes se sont installés sur la zone et ont mené le combat pour l’annulation de ce Grand Projet Capitaliste Inutile.

Voir tous les articles sur la CGT et NDDL ICI

 

La victoire acquise – et ce n’est pas rien –, c’est le futur qui s’ouvre.

Comment avancer, vers où aller ?

Pour les paysans, restés ou qui vont revenir après l’abandon de l’expropriation, c’est la reprise ou le développement de l’exploitation, dans des conditions collectives différentes (« la solidarité construite est une arme »), mais toujours sur le terrain de la guerre agroalimentaire mondialisée, de la guerre des prix, du productivisme ou pas, des monopoles de la transformation (Lactalis ?) ou de la grande distribution. C’est-à-dire du capitalisme agricole.
Pour les ZADistes, ils semblent traversés par divers courants, dont au moins un est porté par les projets libertaires et alternatives de « construire et vivre autrement », ici et maintenant. Autrement dit un projet réformiste, dans le cadre du capitalisme, en essayant de trouver des petites failles, des petites niches de survie dans un système contre lequel on a abandonné le combat global. A l’instar des babas cools post 68 installés en Ardèche ou ailleurs (aujourd’hui des libertaires sur le plateau des Millevaches en Limousin), on imagine construire des petites zones libérées qui pourraient échapper au talon de fer de l’impérialisme. S’il peut s’agir de quelques solutions possibles individuellement, ce n’est pas un projet collectif de société, bien sûr.

 

La CGT de son côté s’était rangée contre NDDL, et beaucoup avaient cru à une évolution positive de la confédération, sur le terrain de l’écologie, contre le productivisme capitaliste et les grands projets inutiles. Le Communiqué publié à l’issue de la déclaration ministérielle doit doucher quelques rêves.

On avait déjà noté (voir l’article « le 8 octobre 2016, la CGT à Notre-Dame des Landes ») le glissement de nature dans l’opposition, avec en particulier la publication d’un contre-projet détaillé ultraréformiste.

Aujourd’hui, c’est sur la base de ce contreprojet qu’il faut lire le communiqué de presse de l’UD et du Comité Régional (reproduit ci-contre) :

 

« Après un long travail d’analyse et l’organisation de 4 journées d’étude, l’UD CGT 44 et le Comité Régional CGT Pays-de-la-Loire ont élaboré un document de 12 pages (rendu public en avril 2015) qui se conclut en ces termes : « Au regard des éléments et analyses contenus dans ce dossier, le maintien de l’aéroport sur le site actuel, avec toutes les améliorations nécessaires en termes de sécurité, de conditions de travail, d’accès et d’usage, présente davantage d’atouts que la construction d’un nouvel aéroport sur le site de NDDL » (voir document complet).

La décision d’abandon du projet est donc pour l’UD CGT 44 et le CR CGT Pays-de-la-Loire une nouvelle qui va dans le sens de ses revendications.

 

Reste désormais à engager des études sérieuses pour une optimisation urgente de l’aéroport Nantes-Atlantique. Des décisions doivent rapidement être prises pour assurer :

  • la sécurité et le « confort » des voyageurs,
  • de bonnes conditions sociales et de travail pour les salariés de la plate-forme, avec la mise en place de moyens syndicaux suffisants pour permettre la défense des intérêts des multiples professions exerçant sur la plate-forme (création nécessaire d’un CHSCT de site notamment)
  • un raccordement de l’aéroport au transport collectif par rail (train et tram)
  • la rénovation des équipements vétustes (aérogare, tour de contrôle…)
  • la mise en place sans délai d’équipements techniques de sécurité correctement dimensionnés (ILS, satellite, radars…)

L’UD CGT 44 et le CR CGT Pays-de-la-Loire invitent par ailleurs le gouvernement à être très mesuré quant aux recours aux forces de l’ordre sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Le dialogue doit primer pour que des solutions pacifiques soient trouvées. »

 

La position syndicale est aussi claire qu’affligeante : le fond de l’histoire n’a strictement rien d’anticapitaliste, mais la défense d’un projet contre un autre dans le cadre de la société actuelle. Du coup, la plupart des revendications sont liées, non pas à l’intérêt des travailleurs, dans ou hors l’aéroport, mais à son fonctionnement. Pas un mot sur les nuisances (bruit) liées à l’aéroport actuel sur le voisinnage, on peut quand même en parler, non ? Pas un mot sur les statuts du personnel, la sous-traitance, les conditions de travail : la seule revendication, pathétique, c’est « les moyens syndicaux suffisants », autrement dit en résumé brutal des moyens pour la bureaucratie syndicale. Et même là, la négation de la réalité, puisqu’on sait qu’avec le nouveau CSE (voir l’article « Les nouvelles IRP à la sauce Macron ») le CHSCT est appelé à disparaître…

Et on ne peut qu’être effaré de la phrase finale sur la répression, où la CGT ne s’y oppose pas, mais la revendique mesurée… On n’a pas oublié Sivens, NDDL justement, Bure ou ailleurs !

Décidément, ce n’est pas de cette CGT là que nous voulons !

 

L’enjeu de l’après-victoire, c’est de comprendre de quelle victoire il s’agit. Pas un retour à la raison, face à la pression de la mobilisation. Pas d’une tactique assez habile du gouvernement pour retirer une épine de 50 ans.

Il s’agit maintenant de capitaliser cette victoire contre un Grand Projet Capitaliste, illustration vivante du mode de développement du monde dans lequel nous vivons, où l’écologie, l’utilité sociale et collective, les besoins des plus pauvres et des plus précaires, sont juste liquidées pour le profit et la guerre économique capitaliste mondialisée. NDDL, c’était le béton de Vinci, la sous-traitance et le travail détaché, la concentration de l’espace qui multiplie les transports, la destruction impitoyable de la Nature, c’était, comme d’autres, une caricature du monde qu’on nous propose… Et « de cette société-là, on n’en veut pas ! »

 

Le 10 février, un grand rassemblement aura à nouveau lieu sur la ZAD, autour du mot d’ordre « Enraciner l’avenir ». Il faut y aller, massivement, pour fêter la victoire bien sûr, mais pour voir la suite.

Oui, enraciner l’avenir, c’est bien l’enjeu : faire de cette victoire un caillou blanc dans la conscience de la nature du capitalisme, un premier pas dans l’organisation des militants, syndicalistes et écologistes anticapitalistes, un moteur pour les actions à venir ! C’est dans ce combat que doivent s’engager les syndicalistes de classe !

 

Partager cet article