Samedi 15 avril 2006
On n'a pas manqué d'être surpris par la minceur des réactions syndicales suite au recul du gouvernement sur le CPE. Quoi donc, ce ne serait pas si important que cela ? Il ne faudrait pas crier victoire ? Quand même après les échecs à répétition sur les retraites, sur la Sécu, sur la loi Fillon, ce n'est pas rien de défaire un gouvernement, même si ce n'est qu'une victoire partielle. A la CGT, un tract, à peine plus...
Bien sûr, il faut rappeler que la loi sur l'égalité des chances (dont le CPE n'est que l'article 8) est validée dans son ensemble, y compris toutes les saloperies sur l'apprentissage à 14 ans, le travail de nuit pour les jeunes, le contrôle social etc. Bien sûr il faut rappeler que le CNE existe depuis l'été dernier. Bien sûr il faut rappeler les CDD seniors, le projet de contrat unique... Bien sûr il faut rappeler le CESEDA de Sarkozy sur le contrôle de l'immigration.
Tout cela est incontestable, et "ce n'est qu'un début, continuons le combat", comme dit la chanson !!!
Mais pourquoi bouder son plaisir ? Pourquoi ne pas dire qu'enfin nous avons enrayé la machine à perdre que nous subissons depuis des années ? Pourquoi refuser d'aller sur le terrain politique pour affirmer que nous avons fait dérailler la locomotive sarko-villepiniste ? Pour nous faire attendre 2007, l'horreur de Ségolène qui a déjà annoncé qu'elle ne déferait pas tout ce que la droite a fait ?
On a comme l'impression qu'il y a quelque part chez les directions syndicales et politiques une sorte d'immense soulagement, celui d'avoir évité la grève générale qui commençait à pointer son nez, avec la radicalisation du mouvement étudiant et sa jonction avec le monde des travailleurs (blocage des gares, des centres de tri etc.). Ouf ! On a évité tous les débordements, et pas seulement les violences, mais surtout toutes les aventures d'une explosion sociale qui pouvait s'annoncer radicale tant la rancoeur s'est accumulée chez les exploités depuis toutes ces années.
Tout le monde (directions syndicales incluses) est très raisonnable. Tout le monde évite les superlatifs. Tout le monde se prépare pour l'étape suivante, les négociations annoncées sur la "sécurisation des parcours professionnels", le prochain domaine de consensus à venir.
C'est dans ce contexte étrange que va s'ouvrir la semaine prochaine le congrès de la CGT.
Et là, on voit déjà poindre un scénario bien au point (tristement ouvert dans le dernier chat de Bernard Thibault, un exercice lamentable qui réussit à escamoter tous les sujets en débat au congrès !). Essayons l'exercice :
- Nous avons gagné sur le CPE, la CGT en tête, c'est le signe que notre syndicat reste le syndicat de classe le plus combatif, l'instrument indispensable du succès. Vive la CGT ! (applaudissements enthousiastes et émus dans la salle).
- Nous avons gagné dans l'unité syndicale, contrairement aux retraites et à la Sécu, c'est le signe que le syndicalisme rassemblé est la bonne voie à poursuivre pour l'avenir. Et la preuve pratique que les opposants ont tort. Vive l'unité syndicale ! (PS : avec la CFDT)
- La Sécurité Sociale Professionnelle, l'idée fait son chemin, grâce à la CGT. Il faut être encore plus offensifs sur la question pour peser sur les choix à venir (voir le tract sur le CPE). Plus que jamais, vive le Nouveau Statut du Travail Salarié ! Et hop, impasse complète sur le fond de l'affaire, l'accompagnement de la flexibilité et la mobilité capitaliste et l'intégration complète de la CGT au réformisme syndical.
- Sur les cotisations et la réforme des structures ? Allons, allons, ne paniquons pas, soyons consensuels et démocratiques, attendons d'avoir un projet plus élaboré pour trancher définitivement et renvoyons au 49ème Congrès...
Nous connaissons l'ambiance dans "la maison" CGT. La tentation permanente à défendre la Conf' face aux attaques de tous les côtés. La discipline jusqu'à la bêtise, héritée des années PC. L'esprit de famille. Le silence de bien des opposants qui acceptent de critiquer dans des discussions particulières mais se taisent en public et votent comme un seul homme (ou femme) une décision majoritaire. La confusion également de beaucoup d'opposants qui s'égarent dans des débats annexes (sur les cotisations ou les structures par exemple), ou sur des aspects secondaires (caractère collectif ou individuel d'une revendication comme le Statut du Travail salarié, alors que ce n'est qu'une conséquence d'une adaptation syndicale à l'évolution individualiste du capitalisme), au lieu d'attaquer au coeur de l'évolution de la CGT vers un syndicalisme d'accompagnement du capital.
Et comme la désignation des délégués a été complètement verrouillée depuis l'origine, il y a lieu de s'attendre au pire !
Pour l'instant, nous n'avons aucune connaissance des amendements retenus pour le débat du Congrès. Aucune connaissance de prises de positions des un(e)s ou des autres. Tou(te)s les militant(e)s ont été hyper-actifs contre le CPE, en particulier celles et ceux qui se réclament d'un syndicalisme de classe et qui savaient que seule la mobilisation massive pouvait empêcher les trahisons syndicales réformistes. Aujourd'hui, nous sommes toutes et tous sur les rotules, avec un peu l'envie de souffler un peu, c'est bien normal et nous n'y échappons pas sur ce blog !
Mais il faut remettre le collier pour un dernier coup de rein. Il ne faut pas que la Direction Confédérale en profite pour faire passer sa salade, sous couvert d'unanimisme et de fatigue !
Camarades, dernière ligne droite !
Il nous reste une semaine camarades, ce n'est pas le moment de flancher !
Et rendez-vous à notre réunion publique samedi 22 avril (voir le message d'accueil) pour faire un premier bilan !