La rencontre entre la CGT et Nicolas Sarkozy
Lundi 14 mai, le nouveau président a reçu les syndicats, dont la CGT. On a attendu quelques temps un compte rendu, qui n'est arrivé que confidentiellement aux organisations de la CGT. Compte tenu de l'importance de la question, nous publions ci-dessous ce compte rendu interne (dont on peut trouver l'original en ligne ici), accompagné de quelques commentaires.
Nicolas SARKOZY a souhaité rencontrer très rapidement, "de manière informelle", les représentants syndicaux et patronaux avant la constitution du gouvernement pour "marquer sa considération et sa volonté de travailler avec les partenaires sociaux".
Plusieurs points ont été abordés, notamment sur la méthode du futur gouvernement :
1 - 4 conférences sociales multilatérales sont envisagées pour la rentrée sur quatre thèmes, dont le champ sera précisé à l'occasion d'autres rencontres :
- Le pouvoir d'achat (dans le privé et le public)
- L'égalité hommes/femmes
- La qualité de vie au travail
- La démocratie sociale
Son objectif est d'être en capacité d'engager des réformes pour janvier 2008.
2 - Face à notre inquiétude sur les mesures déjà annoncées pour cet été, il se veut rassurant en affirmant qu'un cadre de dialogue sera organisé sur les mesures concernant les heures
supplémentaires. Il a confirmé qu'il n'était pas favorable à une forte augpmentation du SMIC au 1er juillet.
3 - S'agissant du droit de grève et du service minimum, il a confirmé son objectif de l'obtenir dans les transports et à l'Education Nationale. Si nous avons obtenu l'assurance qu'aucune
disposition unilatérale ne sera prise dans les prochaines semaines, N.SARKOZY demande des discussions, par entreprise, durant l'été.
4 - D'autres questions ont été rapidement évoquées :
- L'avenir de GDF : "rien n'est bloqué".
- La politique industrielle : "les syndicats sont légitimes pour faire des propositions"
- L'amnistie des sanctions relatives à l'action syndicale : nous n'avons pas obtenu d'engagement formel.
- En réponse à notre opinion d'un président plus à l'écoute des organisations patronales que syndicales, N.SARKOZY s'est insurgé, dénonçant "un procès d'intention" !
Il apparait évident qu'au travers de ces consultations rapides dans l'agenda du nouvel élu - alors que son entourage affirme les syndicats "peu représentatifs" - le
président cherche à asseoir une image de dialogue social.
La CGT est naturellement lucide sur le contexte comportant, entre autres, les élections législatives. C'est naturellement aux actes et aux décisions que nous apprécierons la politique mise en
oeuvre.
Un prochain rendez-vous plus officiel, en bilatérale, est envisagé le mardi 29mai.
Montreuil, le 14 mai 2007
(**) Bernard THIBAULT, secrétaire général, conduisait la délégation de la CGT, composée de Frédérique DUPONT, Michel DONEDDU, Maurad RAHBI, membres du Bureau Confédéral.
Le président de la République, Nicolas SARKOZY, était accompagné de Raymond SOUBIE.
Cette déclaration interne ne peut pas être plus insipide. On aurait pu imaginer une appréciation, un commentaire.
Nicolas Sarkozy a été ministre de l'intérieur pendant 5 ans et est parfaitement connu, de la chasse aux sans-papiers aux agressions dans les cités, du kärcher à la racaille. Il vient de
nommer Fillon premier ministre, lui aussi parfaitement connu, de la réforme de la Sécu à celle des retraites, en passant par le mouvement lycéen de 2005 (entre autres contre la réforme du Bac),
dont des activistes sont encore aujourd'hui poursuivis par la justice.
C'est à dire qu'il y a tout à craindre du nouveau président et du nouveau gouvernement, et aucune surprise à attendre.
La direction confédérale de la CGT est "lucide" dit-elle... Ah, bon ? Si tel était le cas, d'un point de vue de classe bien entendu, elle se serait
d'abord interrogée sur l'opportunité d'accepter la rencontre. Rien de moins évident, justement compte tenu de ce bilan chargé. A ce propos, il est plus que misérable de
voir Solidaires (les SUD) et la FSU pleurer n'avoir pas été reçus, comme des grands, comme les autres...
Ensuite, nous aurions eu droit à un compte rendu public, d'alerte et de mobilisation. Sarkozy annonce le service minimum dans l'Education Nationale, et personne n'en parle ? Alors que cela
revient, ni plus, ni moins à empêcher le droit de grève ? Nous aurions eu droit à un rappel des promesses du nouveau président, du contrat de travail unique à la remise en cause des régimes
spéciaux des retraites, en passant par le service minimum et la TVA (anti)sociale, nous aurions eu droit à des explications, une mobilisation.
Il semble que le principal problème de la direction confédérale ne soit pas l'organisation d'une riposte de classe, même sur le long terme, mais de justifier sa représentativité auprès
du nouveau gouvernement pour rester un interlocuteur responsable et consulté, on en voit une allusion dans la déclaration. Et oui, Sarko est habile, il sait flatter les
gestionnaires syndicaux réformistes dans le sens du poil en faisant semblant de discuter avec eux. D'ailleurs, la loi de "modernisation du dialogue social" du 30 janvier 2007 qui prévoit une concertation obligatoire n'a été que
très mollement critiquée par la CGT (ici), et essentiellement sous le volet de ses insuffisances. D'ailleurs, seul
le projet de loi a été critiqué, et on ne trouve curieusement aucun avis sur le texte final, qui avait pourtant pris en compte des remarques de la CGT... Normal : cette loi flatte les syndicats
en partenaires sociaux reconnus et responsables... Justement ce que recherche notre direction confédérale de plus en plus engluée dans la collaboration de classe, la cogestion du capitalisme et
le syndicalisme d'experts.
Aujourd'hui, la plus grande crainte de la direction de la CGT est d'être marginalisée et mise à l'écart. Cela explique qu'elle courre à tous les rendez-vous, sans la moindre décence et sans le
moindre bilan du passé.
Cela explique que dès à présent les élections prud'hommales de décembre 2008 (dans plus de 18 mois !) sont en train de devenir le principal enjeu interne à la CGT, les réunions de préparation
commencent à se multiplier : car c'est là que se juge la représentativité des organisations syndicales, et c'est cela qui préoccupe le plus notre direction réformiste.
Pour les syndicalistes de classe, le combat est sur le terrain, sur l'ensemble des préoccupations ouvrières et populaires. Plus que jamais, l'heure est au
regroupement de l'opposition syndicale de classe. Plus que jamais, le Forum du Syndicalisme de classe et de masse
est d'actualité !
Rendez-vous à tous nos lecteurs le 26 mai, de 9h30 à 18h30 au CICP, 21ter rue Voltaire à Paris !