C’est en catimini que la réforme des retraites à la SNCF a commencé. Sous un prétexte technique, c'est-à-dire la mise aux normes européennes de la caisse de retraite spéciale des cheminots, la CPR (caisse de retraite et de prévoyance). Ainsi donc, la CPR, auparavant partie intégrante de la SNCF, a été externalisée et transformée en établissement autonome.
Le journal Politis (5 avril 2007) résume rapidement la situation :
« Le conseil d’administration de la SNCF doit examiner le 11 avril le décret du gouvernement fixant le nouveau statut de la caisse de retraite et de prévoyance (CPR). Le régime spécial des cheminots devrait donc être externalisé par le gouvernement. Selon SUD-Rail (deuxième organisation syndicale), ainsi que la fédération Unsa des cheminots (troisième organisation), cette opération amorce la remise en cause du régime avant les élections. Le décret fixe en effet le financement des droits spécifiques du régime spécial jusqu’en 2010. Seuls SUD-Rail et Unsa ont appelé à manifester le 11 avril, suscitant la désapprobation des autres syndicats. Pourtant, au sein de la CGT, quelques sections ont protesté contre les déclarations optimistes de la fédération des cheminots. « Nous échappons à l’adossement au régime général », s’était félicité son secrétaire général, Didier Le Reste. »
A lire cette brève, on comprend 1) que derrière l’évolution technique se cache évidemment la remise en cause des régimes spéciaux, annoncée par le couple Sarkozy-Fillon 2) que la CGT ne s’est pas opposée au projet, au prétexte que le statut spécial était temporairement maintenu (la CGT ne s’est pas prononcé contre, et n’a pas participé au vote du Conseil d’Administration du 11 avril).
Cela dit, le débat ne s’est pas arrêté là. Chez les cheminots, cela a été un peu la confusion pour certains, l’opposition franche pour d’autres. On trouvera un bon échantillon de ce débat sur le site des cheminots du Paris Saint-Lazare.
L’affaire n’était pas close pour autant avec la mise en place de la nouvelle CPR à la fin juin, d’autant que l’externalisation de la CPR provoquait un clash parmi les syndiqués de la CGT salariés de la CPR, qui s’opposaient à la position fédérale de la CGT Cheminots. Le clash s’est bien envenimé, puisqu’il a aboutit à la mise sur la touche, puis au départ de la CGT de plusieurs responsables syndicaux.
Ces militants ont rendu public le 9 juillet un courrier de dénonciation de la direction fédérale particulièrement gratiné. On y retrouve la dénonciation de toutes les méthodes traditionnelles de la bureaucratie syndicale cogestionnaire pour empêcher le débat, mettre au pas les opposants, menaces à la clé et mépris le plus élémentaire de la démocratie syndicale. Car contrairement à ce qu’imaginent quelques naïfs, la direction de la fédération des cheminots, Didier Le Reste en tête est parfaitement dans la ligne du syndicalisme de collaboration de classe (ici avec la direction de la SNCF), même s’il a été un des tenants du vote NON à la Constitution Européenne. D’ailleurs depuis, cette fédération a voté au CCN comme la direction confédérale, qu’il s’agisse de l’adhésion à la CSI ou des repères revendicatifs.
Surprise : le lendemain même de la diffusion de ce courrier, la direction fédérale CGT cheminots dénonçait par courrier la direction de la SNCF, l’accusant de s’être fait « magouiller » sur la défense du statut du personnel de la CPR ! Semble-t-il en constatant avec retard la justesse de certaines critiques des militants CGT de la CPR…
Cette affaire de la CPR est assez technique, et les animateurs de ce blog (qui ne sont pas cheminots) ne sont par parfaitement sûrs d’avoir fidèlement rendu compte de l’affaire, pourtant directement informés par les nombreux documents arrivant à notre boîte mail. Aussi nous excusons-nous à l’avance des erreurs éventuelles et nous insistons pour que les lecteurs interviennent si nécessaire sous forme de commentaires.
Mais ce que nous avons retenu d’essentiel dans cette affaire, c’est que le syndicalisme de cogestion et de collaboration de classe ne peut qu’entraîner les travailleurs à l’échec et à l’impasse. Les militants syndicaux honnêtes et sincères, celles et ceux qui veulent réellement défendre leur classe, doivent séparer nettement les intérêts bourgeois, ceux de l’entreprise et de la nation, de ceux des travailleurs. Ils doivent refuser de rentrer dans le petit jeu de la cogestion, des « petits arrangements entre amis », défendre sans compromis les intérêts des travailleurs.
Cela ne se fait pas sans mal, et l’appui le plus large des syndiqués est nécessaire, car la réaction des réformistes syndicaux peut être extrêmement violente. Nos camarades du CGT-E Dalkia en font les frais tous les jours, et on voit comment le syndicalisme vient de perdre quatre militants apparemment honnêtes et combatifs.
Seuls nous ne pouvons rien faire face à la fois au patronat et aux syndicalistes véreux et cogestionnaires !