Il s'agit d'un responsable de l'UD CGT du Pas de Calais, et nous reproduisons ici le document, avec les fautes d'origine (le surligné en jaune est de notre fait) :
"attention
Salut Camarade,
je voulais juste vous alerter sur le fait que le "document d'oriantation" proposé par 7 ou 8 personnes, ne rendra que ridicule votre blog et votre mouvement.
25000 syndiqués dans le 62, donc de grosses bases de la Santé, des la FAPT, des communaux, etc.
les personnes qui ont rédigés ca, (ici étaient cités six noms de militants) se feront barrés au prochain congres, et ne seront donc plus elus.... c'est franchement bete d'en arriver là, mais quand on va trop loin...
nous avons pourtant besoin de débats contradictoires, sauf que leur méthode...
une action juridique sera menée contre votre site si d'ici 72 heures vous ne retirez pas le document injurieu et diffamatoire
je reste à votre disposition."
Nous avons reproduit un document public, qui circule largement dans le Pas de Calais, qui n'est ni injurieux, ni diffamatoire, mais relève tout simplement du débat (théoriquement) normal dans une organisation syndicale démocratique. Deux noms sont effectivement cités dans ce document, mais "es qualité" c'est à dire selon leur fonction et nullement "ad hominem" c'est à dire en terme de personnes individuelles.
Il n'est pas question pour nous de céder à un quelconque chantage (et donc nous ne changerons pas une virgule au texte initial) dans une situation locale qui ne nous regarde pas, et si nous avons pris position, c'est en tant qu'organe d'information militant pour structurer l'opposition syndicale de classe au sein de la CGT, ce que nous faisons depuis la création du blog en 2005. Bien entendu, le droit de réponse est garanti, d'autant plus garanti qu'il s'agit d'un blog et que nous ne censurons aucun commentaire, tant qu'il reste dans la limite de l'acceptable.
Nous invitons les camarades en désaccord avec le document publié à conserver leur sang froid et à mener le débat sereinement. S'ils sont aussi certains qu'ils le disent de leur légitimité, tout ce débat ne devrait pas les empêcher de dormir. Mais, allez savoir...
Le Congrès de l’UD du Pas de Calais va se tenir en juin 2008. Chacun sait que la CGT de la région est partagée depuis longtemps entre le courant lié à la direction confédérale et un courant de classe, plus ou moins organisé selon les professions et les unions locales, plus ou moins radical également. Il faut bien entendu évidemment citer ici la Métallurgie du Nord-Pas de Calais qui s’était fait remarquer ouvertement lors du 48ème Congrès Confédéral.
Nous sommes ici en terres ouvrières, en tradition de classe. L’orientation réformiste de la Confédération passe difficilement, d’autant qu’elle conduit à l’impuissance et à l’échec.
Aussi, face à la direction de l’Union Départementale, des militants se sont retrouvés pour porter une orientation alternative lors de ce Congrès. Un document vient d’être rendu public le 1er février et diffusé largement aux syndicats, UL et US du département. Document disponible intégralement ci-contre.
Ce document est copieux (19 pages), mais le bilan le rend nécessaire.
Il est en deux parties.
La première partie est en forme de « proposition de document d’orientation – 100 points pour gagner ». Plus qu’un document d’orientation, c’est en fait un bilan implacable de l’(in)activité de l’UD et de son fonctionnement bureaucratique, pour couvrir et valider l’orientation confédérale. Tout militant de la CGT retrouvera le bilan amer des échecs de la lutte de ces dernières années. Tout militant de la CGT retrouvera ici ce qu’il connaît bien et les difficultés auxquelles il est confronté tous les jours, en matière de débat inexistant, de démocratie formelle ou au contraire émasculée, de direction par un petit clan qui protège sa chasse gardée et l’orientation réformiste dominante. Ce bilan est à faire connaître le plus largement possible, à débattre dans toutes les structures, car c’est la première fois qu’est rendue publique la réalité du fonctionnement de la CGT, point par point, jusque dans les moindres détails. Une machine infernale à éliminer les opposants et préserver la direction actuelle. Description impitoyable, qui se double d’une série de propositions qui visent à rendre la CGT à ses adhérents, à retrouver un fonctionnement démocratique, à reconstruire un cadre de classe pour le débat, la mobilisation et la lutte des classes.
Partout, dans toutes les UD, Unions locales, syndicats, fédérations, discutons de ces « 100 points pour gagner », il y a là un point de départ pour la reconstruction d’un syndicalisme de classe.
La deuxième partie se présente en « Repères revendicatifs, un alphabet pour les priorités », c'est-à-dire une sorte de plateforme de mots d’ordre, commentés et justifiés. 26 revendications donc, et une démarche intéressante. La volonté de sortir du bla-bla des axes flous et interprétables selon chacun, d’affirmer des positions syndicales de classe pour mobiliser la classe ouvrière et les travailleurs. On ne part pas au combat sur des « idées », sur des « axes », mais sur des revendications précises, celles qui représentent les exigences et les besoins des plus exploités, qui mobilisent les travailleurs. Démarche discutée également dans le Forum pour un syndicalisme de classe tant en mai 2007 qu’en janvier dernier.
Démarche positive donc.
Cela dit, nous avons déjà dit sur ce blog que la construction d’une plateforme, aussi indispensable soit-elle, ne devait pas être précipitée, et que l’on devait prendre le temps du débat, car il y a beaucoup de confusions et de divergences.
Et malheureusement, cette proposition pour le congrès du Pas de Calais n’y échappe pas.
Il y a toutes les revendications qui font unité, qui doivent être défendues, et ce sont la majorité. Celles sur les hausses de salaire, sur la gratuité de la santé et de l’éducation, sur l’indépendance à l’égard du patronat, sur la précarité et le contrat de travail, sur le temps de travail, sur le logement et les transports, sur les sans-papiers (à l’heure où cela provoque des clivages dans la Confédération), sur le contrôle des subventions étatiques, sur les institutions financières mondiales.
Il y a des revendications qui paraissent curieusement en retrait, ce qui montre que le débat a été insuffisant, car elles ne paraissent pas source de véritables problèmes. Ainsi, sur les retraites est-il avancé la retraite à 60 ans et 55 ans pour les travaux pénibles, 37,5 ans et demi de cotisations. Or une telle revendication ne peut pas faire l’unité avec les femmes, chômeurs, précaires, sans-papiers et étudiants (qui n’obtiendront jamais ces années de cotisations), ni avec les régimes spéciaux en dessous de 60 ans. La seule manière d’avancer est « la retraite à 55 ans, 50 ans pour les travaux pénibles, sans condition de trimestres », qui de plus revient à la vieille revendication de la CGT de la retraite à 55 ans.
Il y a des revendications nouvelles et intéressantes, comme le contrôle des prix des produits de première nécessité, mais qui mériteraient plus de discussions, en particulier relativement au rôle de l’Etat. Pourrait-il être impartial en ce domaine (le contrôle des prix), ou est-ce une tâche du mouvement ouvrier et populaire ? Par exemple, qu’est devenu l’indice des prix CGT ?
Il y a des revendications qui posent problème. Que peut bien vouloir dire « Contrôle des bénéfices » ? Les bénéfices, ce sont la plus-value extorquée par l’exploitation. Il n’y a aucun contrôle possible sur le capitalisme, il n'y a que la lutte des classes, la lutte pour le pouvoir. Ce n’est pas une revendication syndicale, qui se bat pour les salaires, les conditions de travail, du point de vue de l’exploité, mais sans se soucier de la marche de l’entreprise et de la logique capitaliste. Contrôler les bénéfices ? Imaginer un capitalisme contrôlé, à visage humain ? Vieille illusion qui ne mène qu’à l’échec et à l’impasse.
Nationalisation des entreprises liées à la santé ? Re-nationalisation de France-Télécom ? Nationalisation en cas de fermeture ou de licenciements ? Vieux débat… La nationalisation est-elle « non-capitaliste » ? Est-elle une solution à la concurrence et à la guerre économique mondiale ? Existe-t-il un intérêt national qui serait supérieur aux lois du capitalisme ? EdF est-elle une entreprise non capitaliste, à l’heure où elle étend sa pieuvre sur toute la planète, jusqu’à la Chine et au Vietnam ? La nationalisation permet-elle de lutte contre les monopoles capitalistes, comme il est écrit ? Nous répondons NON, la lutte pour l’emploi, pour la santé, pour les services élémentaires passe par la définition de revendications ouvrières, en toute indépendance : « Zéro licenciement », « Santé gratuite, et de qualité », « Au capital de payer et de trouver des solutions, cette société n’est pas la nôtre ! »
Il y a des manques. Les revendications sur la solidarité internationale des prolétaires, le soutien aux ouvriers en lutte sur toute la planète du Brésil à la Corée, en passant par le Nigéria et la Turquie, le soutien aux luttes des peuples, la lutte contre « notre » impérialisme français, avec par exemple le retrait de toutes les troupes françaises de l’étranger. A l’heure des interventions en Irak, en Afghanistan, dans tous les pays d’Afrique, du projet d’une nouvelle base militaire à Abu Dhabi, il n’est pas possible que le mouvement syndical de classe reste silencieux. Le projet ne propose même pas le retrait de la CGT de la CES et de la CSI, décidés frauduleusement par la direction confédérale… C’est quand même une lacune !
Enfin et très curieusement, le projet se conclut par le préambule de la constitution de 1958… Même s’il s’agit de la copie de celle de 1946, on se demande bien depuis quand le mouvement ouvrier doit chercher ses justifications dans les documents bourgeois. Nous avons nos intérêts, nos objectifs, notre logique. Nous avançons selon nos objectifs et si nous devons bien sûr tenir compte de la situation et du rapport de forces, nous ne devons jamais, au grand jamais, nous soumettre d’aucune manière au discours bourgeois, quel qu’il soit. Jamais une quelconque tactique tortueuse ne peut nous mettre à la remorque de la bourgeoisie, c’est l’échec assuré, à terme !
On le voit, et cela confirme ce que nous répétons depuis toujours, pour élaborer une plateforme de combat, pour orienter la lutte des classes, il y a une phase préliminaire. L’impatience ne sert à rien, il faut prendre le temps de débattre, déjà entre nous, pour ensuite convaincre et rallier largement.
Cela dit, ce document proposé pour le congrès de l’UD 62 est un pas en avant gigantesque pour marquer les camps dans la Confédération, pour démasquer l’orientation réformiste qui est à la tête. Nous avons quelques réserves, sans doute, mais dans la lutte féroce qui va maintenant avoir lieu, il faut choisir son camp, et il n’y a pas photo. Il faut défendre cette contribution, sans aucune hésitation, tout en sachant en pointer les limites à l’occasion…