Les élections au Conseil d’Administration de la SNCF viennent de se tenir.
On le sait, ce type d’élections mérite à peine plus que l’encre pour en parler. Sur 18 membres au Conseil d’Administration (cas de la SNCF), les élus salariés ne sont que six d’une part, et d’autre part ne peuvent nullement influer sur la politique de l’entreprise, pour la bonne et simple raison que face à la guerre économique capitaliste, à la concurrence et au marché, « on se soumet ou on se démet ».
Les syndicalistes de classe doivent donc tout le temps rappeler cette réalité de base, voire boycotter ces élections s’ils le peuvent…
Quoiqu’il en soit, ce vote a un seul intérêt, celui de donner une tendance (déformée) de l’état d’esprit parmi les cheminots, à peine deux mois après le conflit avorté sur les régimes spéciaux, saboté par les directions syndicales, CFDT et CGT en tête. Nous avions déjà noté que les choses étaient complexes, puisque par exemple la manifestation du 22 janvier avait été un succès, alors qu’il s’agissait à l’évidence d’une initiative bidon, à peine quelques jours après la publication des décrets sur les régimes spéciaux. Initiative pour tenter de faire oublier les manœuvres pour imposer la reprise alors que rien n’avait été obtenu.
Regardons donc les résultats un peu en détail.
Entre les élections de 2003 et celles de 2008, la situation syndicale a bien changé à la SNCF, puisque la CFDT a éclaté, une partie de ses militants rejoignant SUD ou la CGT suite à la trahison de la Confédération CFDT lors du conflit précédent de 2003 contre la loi Fillon sur les retraites. Le résultat de 2008 n’est donc comparable à celui de 2003 qu’en ayant cela en tête
Or, les résultats sont parlants :
Participation en 2003 : 64,14% Participation en 2008 : 61,83% à peine moins donc.
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./. 2003 |
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Collège Exécution | ||
CGT | 46,9% | -2,3% |
SUD | 21,6% | +6,6% |
CFDT | 8,6% | -7,0% |
FO | 7,5% | +1,1% |
UNSA | 8,7% | +1,2% |
CGC | 1,2% | +0,4% |
CFTC | 5,5% | +0,1% |
Collège Cadres |
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CGT | 21,6% | +1,5% |
CFDT | 16,9% | -2,1% |
FO | 2,2% | -0,9% |
CFTC | 5,8% | +0,7% |
SUD | 4,9% | +0,8% |
UNSA | 37,9% | -0,9% |
CGC | 10,8% | +0,9% |
La CFDT prend une claque, reflet de ses trahisons, tant en 2003 qu’en 2007. A l’heure où nous écrivons, il n’est pas sur qu’elle conserve son représentant au CA (d’ailleurs, le sortant était passé à la CGT !).
La CGT perd 2,3% dans le collège exécution, alors même qu’elle pouvait bénéficier d’un report venant d’anciens électeurs cfdtistes ayant rompu en 2003. C’est donc un double échec et une double sanction. Sanction confirmée par le résultat de SUD-Rail qui gagne 6,6% sur les cinq ans. Il est difficile de décrypter les résultats finaux, mais on peut imaginer sans mal un double mouvement : un transfert de voix de la CFDT vers la CGT (limitant les pertes de celle-ci), et un autre de la CGT vers SUD.
Sur le contenu, c’est en tous les cas le signe que pour la fraction la plus combative des cheminots, fraction certes réduite mais significative, SUD-Rail est apparu comme plus cohérent, combatif que les positions honteuses de notre confédération. Nous avons déjà eu l’occasion de dire que les dirigeants de SUD-Rail n’étaient pas non plus très net, et d’ailleurs la CGT Cheminots n’a pas manqué de le rappeler. Il n’empêche que les militants de SUD-Rail étaient sur le tas, ont tout fait pour élargir et renforcer le conflit, alors que la fédé des Cheminots a organisé la reprise du travail. Cela a été clair, non pas dans la masse des grévistes, mais chez les militants combatifs et les plus lucides, ceux qui s’interrogent sur le sens de l’activité syndicale et de la lutte des classes.
Il est également utile de noter que la CGT progresse dans le collège « Cadres », ce dont se félicite la fédé. Mais ce n’est pas anodin. C’est un signe de plus du caractère « raisonnable » de la politique fédérale, qui a évité tous les excès et un conflit dur, et qui vient ainsi caresser dans le sens du poil un encadrement mis sous pression par la direction de la SNCF pendant le conflit.
Le communiqué de la fédération des cheminots à propos de cette élection est un modèle de langue de bois. On compare des élections différentes, on ne distingue pas les collèges, et on ne fournit que les résultats supposés positifs. Bref, la bonne vieille tradition réformiste qui veut faire prendre des vessies pour des lanternes et un revers pour une grande victoire. Quant au « Signe manifeste de l’adhésion à un syndicalisme d’action, porteur de propositions alternatives aux politiques socio-économiques, qui ouvre des perspectives à l’ensemble des salariés », franchement c’est à mourir de rire, tant ce résultat ne prouve rien du tout en ce sens… Mais peut-être la fédération des Cheminots craignait-elle en fait un désaveu plus cinglant ?
Nous l’avons dit, il reste du chemin à faire. Nous invitons tous les cheminots à discuter du bilan de la grève (et les articles de ce blog peuvent y être fort utiles), à se regrouper, à participer aux diverses initiatives regroupant les syndicalistes de classe. Nous les invitons à rejeter la solution de facilité de la démission ou du repli, à se battre à l'intérieur de la CGT.
Pour la classe ouvrière et les travailleurs en général, il faut mettre en déroute cette orientation syndicale réformiste qui nous mène à l’impasse et à l’échec !