Il n'est pas possible de revenir sur la grève de nos camarades sans-papiers sans reparler de la séquence du Congrès, même si on va laisser ici de côté la petite manoeuvre autour de l'intervention de JP Delannoy.
Une délégation envahit la salle à Nantes, un discours combatif et de lutte d'un camarade gréviste, l'ovation du Congrès persuadé de vivre en directe l'engagement massif et déterminé de toute la Confédération dans la lutte jusqu'au bout.
Pour celles et ceux qui ne l'ont pas visionné, voici la vidéo mise en ligne sur le site du congrès :
Une forte combattivité, c'est évident, confirmée encore par le meeting lundi 14 décembre à la Halle Carpentier à Paris.
3000 grévistes déterminés, avec, fait notable, une participation très combattive des femmes, des interventions pêchues et la présence de 1/4 de grévistes asiatiques qui manifestement rentrent dans la danse.
Le mouvement évolue, alors que manifestement pour le gouvernement, l'affaire est pliée. La circulaire est publiée, maintenant, on revient à l'ordre. D'où la multiplication des évacuations, comme encore Mardi à Aulnay sous Bois, ou chaque fois qu'un site est occupé. On s'attend dans les jours qui viennent à d'autres expulsions, et particulièrement de toutes les occupations qui ne relèvent pas directement du droit de grève.
Dans le BTP, aujourd'hui la plupart des sites occupés par les isolés sont évacués et les camarades éparpillés. Les occupations d'entreprises se poursuivent, comme sur le chantier du Tramway, Porte des Lilas, avec toujours une belle détermination, malgré le froid vif qui devient un allié du gouvernement.
Dans l'intérim, il y a encore une forte mobilisation, et les délégués se retrouvent quotidiennement pour faire le point de la lutte, de nouvelles agences sont régulièrement occupées.
En province, toujours pas de vrai déblocage, même s'il y a des avancées. A Nice, les sans-papiers ont occupé le centre des impôts à la suite de leurs camarades de Vitry, avant de se faire déloger le jour même, mais la mobilisation monte.
A Marseille, plusieurs réunions sont en cours, dont certaines avec la participation de camarades du blog.
Bref, on est tout sauf dans l'essouflement d'un mouvement, et on peut être sûrs que la détermination des camarades ne faiblit pas.
Par contre, c'est du côté de la Confédération que c'est l'impasse.
La CGT réclamait une circulaire ? Elle l'a eue, et ose même présenter même son obtention comme une victoire (même pas honte !). Aujourd'hui, elle la présente comme "remarquablement vide et floue", et tente désormais d'en appeller au Ministère du Travail, en renforçant l'aspect "travailleurs" des grévistes. Ce qui enterre définitivement le mot d'ordre de "régularisation de tous les sans-papiers", et aboutit à mettre prioritairement l'accent sur l'obtention du CERFA, le fameux document officiel validé par le patron pour permettre le dépôt d'un dossier de régularisation.
Cette évolution était tout à fait nette lors du meeting de lundi, comme au Congrès, avec d'un côté un discours combatif, de lutte, et de l'autre une impasse totale dans les perspectives. Un meeting de tentative de relance, et surtout de réorientation du mouvement, mais sans perspective quant à son élargissement qui serait la condition pour espérer faire plier le gouvernement dans une période où toute sa politique va dans l'autre sens.
Mais la CGT n'a ni la volonté de mobiliser ses forces pour un tel élargissement, ni d'ailleurs quelque part la possibilité car ses troupes n'y sont pas prêtes... En dehors des grévistes, on ne compte aujourd'hui qu'à peine une grosse vingtaine de militants CGT investis dans le mouvement en région parisienne. Par contre, le meeting était totalement sous contrôle, filtré, très cadré, très fliqué pour vérifier que des "perturbateurs" n'allaient pas en profiter;
Cela, les grévistes les plus lucides s'en rendent compte :"Mais où nous mène la CGT ?". Comme le dit l'un d'entre eux : "La CGT chevauche un lion en se retenant à la crinière, mais elle ne sait pas comment elle va faire pour en descendre".
Il y a donc un décalage complet entre le discours de tribune, radical et combatif, battant, celui perçu par exemple par les congressistes à Nantes ou celui de la Halle Carpentier, et l'absence de perspective et la navigation à vue d'un autre côté, piégés par un gouvernement qui ne lâche rien. Or la confédération ne veut surtout pas mettre le paquet, s'engager dans un conflit dur.
Elle est toujours dans l'optique de convaincre le gouvernement du "bon droit" des grévistes. Et si cela a échoué avec Hortefeux Besson, on va désormais s'adresser à Darcos. C'est pathétique dans la collaboration...
La situation ne pourra se débloquer que par trois choses, que nous répétons inlassablement depuis le début du conflit, et auxquelles nous travaillons :
- la généralisation et l'élargissement du conflit, en particulier en province;
- l'autonomie des grévistes dans leur grève, et la prise en charge du mouvement par eux-mêmes, en toute indépendance, ce qui bien sûr n'exclue nullement le soutien syndical, bien au contraire;
- le retour à la revendication de "la régularisation sans condition de tous les sans-papiers".
Vive la grève des sans-papiers !