Jeudi 5 janvier 2012
Relaxe pour Xavier Mathieu : 700 personnes à Amiens !
4 janvier 2012, 11 heures.
Six ou sept cents travailleurs et travailleuses sont venus soutenir Xavier Mathieu qui comparaissait en appel au Tribunal d’Amiens, pour son refus de se soumettre aux tests ADN. Un premier jugement, rendu par le tribunal de Compiègne l’avait relaxé (voir ICI) au motif que les manifestations de travailleurs défendant leurs droits ne pouvaient être assimilées à un délit. Mais le procureur du parquet de Compiègne, sur injonction du gouvernement, a fait appel de ce jugement, traînant à nouveau Xavier en justice. Le gouvernement ne digère pas les luttes qui défendent des intérêts ouvriers sans les subordonner aux avis des experts de la bourgeoisie de droite ou de gauche.
Le parquet demandera une amende de 1000 à 1500 €, et le délibéré sera rendu le 3 février.
Une ambiance, chaude, combative et fraternelle (voir la vidéo en fin d'article). Des centaines de travailleurs, ceux de Continental bien sûr, mais encore et surtout des travailleurs de l’Amiénois : des cheminots, des Goodyear, des enseignants. Des travailleurs des Hôtels Concorde en lutte, venus de Paris. Une animation de la Compagnie Jolie Môme. Une présence fort visible d’organisations. Outre la banderole LO et les drapeaux du NPA, habituels, ceux du PCF et du Front de gauche étaient cette fois particulièrement fournis. Elections obligent ?
A midi devant le palais de justice commencent les interventions. D’abord celles des Contis, puis celles des candidats de gauche à la présidentielle qui ont été invités par les Contis. Ensuite celle des confédérations et organisations syndicales. Solidaire, FSU, Confédération paysanne. Aucune UD ou fédération CGT n’était présente… et ce n’est qu’en fin de manifestation qu’un militant est venu lire, à l’étonnement général, un message confédéral de soutien à Xavier Mathieu. (ICI).
Les trois premières interventions, celle du comité de lutte, celle de Xavier Mathieu, ainsi que celle de Roland Spirzko, ancien dirigeant de la lutte de Chausson Creil, portent un contenu résolument de classe, internationaliste et révolutionnaire.
- La première souligne que les Contis ne s’en sont pas remis à des spécialistes. Ils prennent leur lutte entre leurs mains, et par la démocratie, ils ont construit et garanti pendant trois ans l’unité du mouvement. Leur combat ne s’en tient pas à leur seule défense. Il est celui de tous les travailleurs : de ceux de Sarreguemines ou d’Hanovre, de Toulouse ou de Goodyear, car « les intérêts de la classe ouvrière sont les même par delà les frontières ».
- Xavier Mathieu rappelle les raisons de son refus, celui de la criminalisation de l’action syndicale. Il dénonce cette loi liberticide qui dispense du fichage ADN les délits financiers, car dit-il « ils ne vont pas se mettre dans la merde avec leurs propres lois ». Pour lui, être syndicaliste et défendre les travailleurs, c’est se mettre inévitablement en dissidence. Il revendique donc le droit à la contestation dans la tradition révolutionnaire française : celle de la Commune de 1871, de la résistance, de 1968, des sidérurgistes, du Larzac…Il en a appelé au soutien « des directions syndicales qui ne sont pas là ». En conclusion, le changement de la loi se fera par « l’action solidaire de millions de travailleurs… ou par les partis de gauche qui vont être élus ».
- Roland Spirzko souligne le choix politique fait par les Contis de ne pas se lancer dans l’élaboration de contre propositions économiques « Comme si les travailleurs devaient se faire faire valoir auprès de leurs patrons pour savoir qui devra survivre ». Critiquant combien cette démarche met les travailleurs en concurrence. « Elle pousse, dit-il justement, à voir dans les autres travailleurs du pneumatique, de la chimie… des concurrents potentiels en non des alliés. Seule la lutte unie paie ». Comme le premier intervenant et Xavier, il rappelle toutes les initiatives des Contis prises en France et en Allemagne pour construire l’unité et le rapport de force. Il conclut : « les Contis se battent pour eux au nom des intérêts de tout le monde du travail » Puis il rappelle que les travailleurs « qui produisent tout sont candidats au pouvoir sur toute la société ». « L’avenir appartient à la classe ouvrière et à ses luttes »
Une autre vidéo, réalisée par nos soins fait le point.
Les interventions de soutien des candidats à la Présidentielle sont d’une autre teneur, mise à part celle de Nathalie Arthaud de Lutte ouvrière.
- Jean Luc Mélenchon, avec sa fougue habituelle de tribun, affirme reprendre à son compte les interventions de Xavier et de Roland. Déclarant brièvement sa solidarité et sa détermination à changer cette loi inique.
- La sénatrice PS picarde, intervenant au nom de François Hollande et de Aubry, dit la nécessité de défendre l’industrie qui fait « la fierté de la France et de la Picardie ».
- M.G. Buffet dénonce les actionnaires voyous. Elle propose « pour sortir la France de la crise de défendre l’industrie et d’augmenter les salaires ». Pour elle, « Il faut des hommes et des femmes qui luttent et puis des politiques pour traduire dans de nouvelles lois les aspirations des travailleurs ».
- Eva Joly affirme que « quand nous seront au pouvoir, nous modifierons le texte de loi qui sanctionne les syndicalistes et les faucheurs volontaires ».
- Poutou du NPA, dernier candidat à prendre la parole, plus syndicaliste que candidat d'ailleurs, ne trace comme perspective autre que « d’aller dans le sens d’une explosion sociale ». Concluant sur « Vive la révolte. On ne lâche rien ».
Un meeting de solidarité, une unité dans la défense du droit à manifester et à lutter, un rejet unanime de la pénalisation de l’activité syndicale. Mais aussi deux mondes politiques.
- Celui d’une classe ouvrière qui parle d’unité de la classe, de solidarité et d’internationalisme, et dit la nécessité pour les travailleurs de s’organiser par eux même pour prendre leurs luttes en main, … avec comme perspectives, pour certains, de se préparer ainsi à prendre entre leur mains demain toute la société pour la transformer.
- Celui des politiques professionnels qui parlent plus de la France, de ses intérêts, que de la classe ouvrière. Des hommes et des femmes qui s’adressent « au peuple », comme Mélenchon, ou « à ceux qui luttent » comme MG Buffet, pour dire à ceux-ci combien, en fin de compte, ils ont besoins des experts en politique pour les représenter. Et pour dire aux travailleurs combien, eux-mêmes seraient impuissants sans eux.
Deux visions des intérêts à défendre, deux visions du monde et de la voie pour le changer … une voie ouvrière, une voie bourgeoise.