Dimanche 5 septembre 2010
Raymond Chauveau sur la sellette face aux grévistes sans-papiers
A peine l'article précédent publié, nous recevions le compte rendu de l'assemblée des délégués grévistes qui s'est tenu vendredi dernier 3 septembre. Il ne fait que confirmer le désaveu de la direction confédérale représentée par Raymond Chauveau.
Il faut maintenant transformer la colère et l'amertume en force pour l'avenir; comme nous le disions dans l'article précédent, c'est le bilan qui permettra d'avancer ensemble !
[mise à jour 6 septembre] Le dernier
communiqué commun des Onze, publié aujourd'hui mérite d'être lu, tellement c'est un recueil de
mensonges grossiers et pitoyables. Pour qui sait lire entre les lignes, tout ce que nous écrivons sur ce blog est confirmé...
Vendredi dernier, Chauveau a convoqué les délégués des grévistes avec pour ordre du jour les moyens de débloquer la situation. En
effet, il doit maintenant reconnaître que les prétendues « avancées » du gouvernement ont conduit à une impasse. Si quelques dossiers ont bien été traités dans le 93, les 850 dossiers qui ont été
déposés en deux fois à Paris ne le sont pas. Lors du premier dépôt, les services de la préfecture ont pris argument des congés et du manque de personnel pour expliquer la lenteur de l’examen des
demandes. A l’occasion du deuxième dépôt, un adjoint du projet aurait dit, que la préfecture attendait un feu vert du ministère pour le faire.
Bien que Chauveau ait encore tenu à affirmer que la grève avait eu des résultats positifs avec l’addendum et la lettre 340, il n’a suscité que la colère des délégués dont
certains très remontés étaient à deux doigts de le prendre à partie physiquement. Il n’a reçu que des critiques voire des insultes qui, bien que non appropriées pour certaines, traduisent l’exaspération de la majorité des
délégués, y compris de ceux sur lesquels il s’appuyait jusqu’alors pour faire taire les critiques. Les sans papiers se sont battus pour des papiers, mais pas pour ceux qui permettent à Chauveau
d’être satisfait. L’Addendum et la lettre 340, voilà les seuls papiers auxquels Chauveau paraît accorder de l’importance !
Il a, en outre, été traité de "menteur", voire accusé par certains d’avoir fabriqué les documents. Il faut dire que très peu de
sans papiers ont pu obtenir une embauche grâce à la lettre 340 et s’ils ne sont pas en voie de régularisation à l’échéance du 30 septembre, ils perdront ce travail ! Il semblerait toutefois que
le ministère ait repoussé l’échéance au 15 octobre.
Au cours de cette réunion tumultueuse, Chauveau était seul. Francine Blanche pourtant présente dans les locaux à Montreuil,
n’a pas participé à cette réunion, et une militante CGT présente au début s’est éclipsée bien avant la fin. Aucun(e) militant(e) des dix autres organisations n’était là. Quel courage ! Rappelons
que SUD-Solidaires, qui se gargarise de radicalité ne s'est pas distingué d'une demi-virgule de l'orientation de la Confédération !
Manifestement, la direction de la CGT comme les autres organisations ne semblent pas prêtes à assumer la politique qui a amené les
sans papiers à l’échec...
Les conséquences de cette ligne pourrie sont déjà très graves pour les sans papiers eux-mêmes. Mais cette orientation contribue
aussi à rendre encore plus difficile la construction de l’unité de la classe. Et on l'a bien vu lors de la réunion du 3. Ces ouvriers en grève ressentent un mépris qui se manifeste dans la
non prise en compte de la difficulté de leur vie, de leur misère et de la dureté d’une grève de 11 mois. Bref une absence « d’humanité » de ceux qui ont dirigé pour la CGT le mouvement. Certains
y voient un mépris « des blancs » pour « les noirs ». Beaucoup ont le sentiment d’avoir été manipulés [et ce n'est pas tout à fait faux]. Ils ont le vécu
d’une solidarité à sens unique. Les grévistes ont participé aux mobilisations syndicales précédentes, mais vendredi lorsque Chauveau a appelé à rejoindre les mobilisations du 4 et celle du 7, il
a suscité des réactions d’hostilité. Les grévistes ont clairement le sentiment d’avoir été utilisé par la direction de la CGT. S’ils se sont joints aux luttes de tous les travailleurs, ils n’ont
jamais vu de réciprocité dans leur mobilisation au-delà d’un cercle restreint de militant.
Néanmoins, un certain nombre de délégués considère que s’ils en sont arrivés là, la responsabilité ne tient pas qu’à Chauveau et à
la CGT.
Ils considèrent que eux aussi ont une part de responsabilité ! S’il en a été ainsi, c’est qu’ils ont accepté d’être représentés dans les négociations avec le ministère par Chauveau, et qu’ils ne se sont pas assez battus pour imposer leur participation à celle-ci. Ce qui a permis à ce dernier de les bercer de promesses, et donc de les manœuvrer.
Pas plus que la lutte de classe en général, le mouvement de sans papiers ne s’éteindra après cette défaite. Pour que l’échec ne soit pas facteur de recul (en particulier de l’unité de la classe), mais au contraire une expérience qui permettra d’avancer, il faut en tirer le bilan et pas seulement passer l’éponge.
Les plus conscients dans la lutte de la CGT comme de celles des collectifs doivent revenir sur leurs luttes, pour dégager des voies d’espoir. Mais ce bilan ne doit pas être fait par eux seuls.
Les militants syndicalistes de classe doivent aussi revenir sur ces échecs. Comprendre pourquoi, au-delà de la sympathie déclarée pour le mouvement des sans papiers et de quelques initiatives, les autres travailleurs, français comme immigrés, ont été absents des mobilisations pour la régularisation de tous les sans papiers.
Et la question qui fait mal. Pourquoi la plupart des opposants à la direction confédérales se sont contentés soit de suivre le mouvement et l’orientation que lui donnait la direction de la CGT, soit de quelques déclarations sans conséquences ? Pourquoi ont-ils été absents de la lutte, pendant tous ces mois ?