Mercredi 3 octobre 2012
Que se passe-t-il à Goodyear ?
Jeudi dernier 27 septembre, la direction de Goodyear annonce le retrait du Plan de Départs Volontaires, dont la négociation avec la CGT était en phase de finalisation (Voir les articles du Monde des 27 et 28 septembre, ainsi que ceux de l'Usine Nouvelle également des 27 et 28 septembre).
Enorme coup de tonnerre ! En effet, lorsqu'au début du mois de Juin la CGT publiait un communiqué de triomphe annonçant le retrait de l'hypothèse PSE et la négociation de ce plan, avec le maintien de l'activité tourisme, tout le petit monde médiatique, des blogs syndicaux à la presse officielle (Le Monde, Les Echos...) a repris pour agent comptant le discours de la direction syndicale, sans vraiment s'interroger au fond.
Jusqu'à la Confédération qui elle se couvre de ridicule en publiant dans "Ensemble" du mois de Septembre, quelques jours avant l'annonce, un article de victoire (ci-contre).
Enorme coup de tonnerre donc, à tel point que la CGT de l'usine a suspendu la mise en ligne de son site dès le Jeudi 20 septembre (et toujours pas réapparu aujourd'hui) peut-être pour éviter que l'on revienne sur les archines
?
Le blog "Où va la CGT ?" a été LE SEUL à s'interroger à l'époque ("Goodyear : prudence et attention aux effets d'annonce").
Nous nous citons :
" - Le PSE est officiellement retiré et c'est évidemment une bonne nouvelle, mais il avait été suspendu et enserré dans un tel carcan de
conditions juridiques que Goodyear ne perd pas grand chose à l'annuler. L'arrogance de la direction l'avait menée à l'impasse, c'est l'occasion pour elle d'en sortir en souplesse.
- Un plan de départ volontaires est, quoi qu'on en dise, un plan de restructurations. Quelles sont les conditions de cette
restructuration, alors que chacun sait que l'usine est archi-pourrie, vétuste (bien plus que l'ex-usine Continental) et tourne au ralenti ? Rien n'est annoncé, quels investissements et remise à
niveau par exemple.
- La CGT affirme que l'activité tourisme se poursuit, mais ne précise pas dans quelles conditions (nouvelle restructuration avec Dunlop
?). L'activité agraire, de son côté est plus que rentable et les négociations n'ont jamais été interrompues pour la revente au groupe Titan.
Quand on lit en parallèle la presse patronale, on s'aperçoit qu'elle est nettement plus nuancée. (...) : "De son côté, la direction,
jointe par Usinenouvelle.com, indique que la "stratégie de désengagement du groupe reste la même" concernant ce site.". Comme indiqué dans l'article, on attend donc les modalités sociales, mais
aussi économiques de ce désengagement (ou réengagement si on écoute la CGT).
La crise mondiale se poursuit et s'aggrave même dans l'automobile,
avec multiplication de vagues de restructurations (par exemple PSA et GM). Le secteur des pneumatiques ne peut évidemment pas rester à l'écart, comme on l'a vu avec les Contis et comme on voit
également les difficultés dans l'usine Dunlop, de l'autre côté de la route. Quid de Goodyear là-dedans ?
Si l'on veut pouvoir crier victoire, il faut donner les conditions économiques concrètes et précises des maintiens des deux activités et
des emplois correspondants. Faute de quoi on brasse beaucoup de vent, on agite le petit monde médiatique, mais on démobilise les travailleurs.
La CGT Goodyear mène le combat contre la restructuration avec détermination depuis des années, elle doit donner aujourd'hui tous les
éléments aux travailleurs de l'usine pour apprécier le contenu de cette victoire."
Nous renvoyons nos lecteurs à l'article original, qui reproduit également les doutes de l'Usine Nouvelle.
Il faut dire que la direction de Goodyear s'est prêtée à ce petit jeu d'intoxication. (voir la note de service de juin ci-contre). Elle restait complètemet discrète sur ses intentions véritables, hormis cette déclaration sybilline au journal patronal, et durant l'été elle multipliait les notes de service positives.
Pour arriver au clash de fin septembre, autour d'une contestation juridique que nous livrons telle quelle (c'est nous qui rédigeons) :
- la direction considère que la signature du PDV doit s'accompagner d'un "accord de méthode", ce que refuse la CGT qui considère que l'on revient alors vers un PSE masqué, et la garantie de deux ans donnée par le repreneur de l'activité agraire est insuffisante et exigée à cinq ans -
On trouvera ci-contre les deux tracts de la CGT Goodyear des 27 ( ICI) et 28 ( LA)
septembre que nous nous sommes procurés après la fermeture du site Internet.
Nous ne rentrerons pas dans cette discussion juritique, elle n'a aucun sens, sinon de donner l'impression d'une sorte de poker menteur entre la direction et la CGT.
Le fond de l'affaire est de savoir 1) s'il s'agit bel et bien d'une restructuration 2) si derrière on est bien en route vers la
fermeture de l'activité tourisme dans le cadre de la crise de l'automobile. Il faut savoir que depuis juin, la situation économique s'est encore dégradée dans l'autre usine, Dunlop, de l'autre
côté de la rue...
Ce que nous reprochons à la CGT Goodyear, ou plutôt à son équipe dirigeante, c'est d'avoir depuis deux ans totalement orienté l'activité syndicale sur le terrain judiciaire ("Mickaël Wamen, syndicaliste chez Goodyear : la lutte passe par le juridique"), de procès en procès, poussé par une association étroite entre le délégué syndical Mickaël Wamen et l'avocat Fiodor Rilov, qui maîtrise d'ailleurs fort bien le droit du travail et le droit des entreprises.
Il est vrai que des procès ont été gagnés, que le PSE a été quasi bloqué.
Mais peut-on se contenter de dire que la direction est incompétente, ou menteuse ? A lire les réactions, on a l'impression que tout est affaire de comportement, de juridique, d'attitude des uns et des autres.
Or, accord de méthode ou pas, engagements sur cinq ans ou sur deux ans, il s'agit de la restructuration de Goodyear dans la crise mondiale du capitalisme et en particulier de l'automobile (n'en déplaise à tout le monde).
Et ça, on aimerait que la CGT Goodyear en parle un peu plus, parce que ça permettrait de mieux expliquer ce qui se passe et de mobiliser sur une base claire et anti-capitaliste.
Aujourd'hui, l'équipe de la CGT Goodyear cherche à mobiliser sur une base juridique, en s'imaginant quelque part que le droit, les procès, la justice, sont neutres et plus ou moins équitables, et qu'on va pouvoir gagner la lutte comme ça contre le capital et la guerre économique mondialisée. Avec l'aide de Hollande peut-être ?
Alors, nous le disons franchement, imaginer qu'on va pouvoir gagner une victoire ouvrière en rase campagne face au capital devant les tribunaux, c'est juste un rêve !!! Peut-être que la direction de Goodyear est "mauvaise", mais au final elle se débrouillera pour avoir le droit avec elle.
Nos camarades de Sodimedical viennent de le vivre durement : malgré de multiples jugements gagnés et confirmés, elles sont licenciées. Et pour ceux qui en douteraient, un arrêt récent de la Cour de Cassation ("Licenciements économiques : les enjeux d'un arrêt de la Cour de Cassation") remet les pendules à l'heure.
Aujourd'hui, les secteurs syndicaux radicaux (dont la CGT Goodyear d'ailleurs, voir leur tract d'appel au Salon de l'Auto ci-contre) revendiquent "une loi pour interdire les licenciements", et cela va même très probablement être un mot d'ordre du rassemblement au Salon de l'Automobile ("L'enjeu syndical du Salon de l'Automobile 2012").
Vous imaginez Hollande-Montebourg faire cela ? Vous imaginez les capitalistes laisser faire sans rien dire ? Vous imaginez une loi "anti-capitaliste" dans une société capitaliste ?
Les camarades de Goodyear ont depuis cinq ans freiné les restructurations, c'est à leur honneur. En 2009 en particulier avec les Contis, ils ont été à la pointe de la mobilisation ouvrière contre une vague précédente de restructurations dans l'automobile.
Trois ans plus tard, ils se sont embourbés dans le juridique et dans les illusions qui l'accompagnent.
Les camarades seront probablement encore nombreux au Salon, à côté des PSA et des Renault. Maintenant, il faut reprendre le fil de la lutte des classes, sur le terrain, dans un contexte de crise accentuée qui s'est durci.
Quelles que soient les manoeuvres, les objectifs de la direction n'ont pas changé : fermer le tourisme, revendre l'agraire à Titan, et se débarrasser d'une manière ou d'une autre (y compris avec un Plan de Départs Volontaires) des effectifs excédentaires.
Nous, notre objectif de prolétaires, c'est "Zéro licenciement !", et si le juridique peut éventuellement aider, ce n'est que le rapport de forces, la lutte des classes, qui peut permettre d'avancer.
Les semaines à venir vont être décisives à Goodyear, quand la direction dévoilera ses nouvelles perspectives, et d'autres rebondissements ne sont pas exclus (y compris un retour à la négociation sur d'autres bases).
Mais dès à présent, la leçon est claire : les lois, le droit, la justice ne garantissent rien du tout et trouvent toujours leurs
limites dans la société dont ils sont la couverture légale : une société d'exploitation et de profits, une société capitaliste.