Dimanche 18 décembre 2011
Les relocalisations ici sont les délocalisations ailleurs
Un intéressant article tiré du blog "NPA Auto critique", en plein dans le débat qui rentre peu à peu au coeur de la bataille pour l'emploi dans le cadre des présidentielles : "Produire français, Acheter français, made in France..." et toutes les déclinaisons plus ou moins explicites ou plus ou moins honteuses du patriotisme économique.
Un article précédent de ce blog ("Fabriquons français" vs "Fabriquons chinois") abordait frontalement cette question, face d'une part à la pénétration du FN dans la CGT, et au renouveau (alors timide, ça a bien changé...) du Fabriquons français dans nos rangs.
Cet article d'un camarade du NPA développe dans le même sens autour de la question des délocalisations et relocalisations...
Au lendemain de la signature de l'accord scélérat aggravant la flexibilité er expulsant la FIOM d'activités syndicales dans toutes
les usines Fiat d'Italie, Marchionne s'est vanté .jeuid 15 décembre de la « relocalisation » de la fabrication des voitures Panda dans l'usine de Pomigliano d'Arco, dans la banlieue de
Naples.
La production de la Panda III à Pomigliano, est annoncée depuis 2009. Elle devait commencer à être produite en mars-avril
2011, mais à la suite de retards techniques, le modèle ne sortira en production de masse qu'en mars-avril 2012. Le grand spectacle qu'il a monté visait à se féliciter de
l'accord scélérat signé le mardi 13 décembre.
Les « relocalisations » servent de chantage, au même titre que les délocalisations, en étant conditionnées à l'acceptation d'une
flexibilité accrue et d'une régression des conditions de travail.
La Panda était jusqu'ici fabriquée dans l'usine polonaise Fiat de Tichy. Ce qui est relocalisation en Italie est délocalisation en
Pologne. Pour compenser, et seulement partiellement le manque à produire, Fiat y a transféré la Lancia Ypsilon, et continuera d'assembler là-bas l'ancienne Panda pendant plusieurs mois. On parle
d'un autre modèle mais rien de concret n'a été annoncé.
La stratégie des constructeurs est mondialisée. En jouant les délocalisations d'ici pour les relocalisations ailleurs, Fiat
cultive le réflexe national dans tous les endroits menacés pour espérer gagner à tous les coups. Le piège doit être pris au sérieux car il risque de se développer dans les prochaines
années.
Les délocalisations destinées à réexporter des productions de voitures finies dans le pays d'origine seront moins génératrices
d'économies comptables. Les salaires versés par chaque constructeur automobile constituant une partie de moins en moins importante du coût de la voiture finie, le seul « avantage salaire » moins
décisif. Mais surtout, la tendance historique est à la hausse des salaires dans les pays aux salaires les plus bas, en conséquence des résistances ouvrières qui s'y manifestent, en Chine
notamment. Et simultanément, la tendance est à une exploitation accrue de la force de travail, dans les vieux pays «automobiles » que sont les Etats-Unis ou l'Europe de l'Ouest.
Cette tendance s'observe dès maintenant entre la Chine et les Etats-Unis. Un article ("Les Etats-Unis prochain refuge des pays à bas salaire" ) publié
sur le site militant Labor Notes explique « La hausse des salaires nourrie par l’agitation ouvrière en Chine
doit être comparée aux bas salaires pratiqués dans le Mississipi, l’Alabama et la Caroline du Sud, et qu’en conséquence délocaliser les productions à l’extérieur des États unis n’en vaudrait plus
la peine. »
On comprend pourquoi Sarkozy et Bayrou veulent exploiter ce filon porteur.
La stratégie mondialisée des constructeurs automobiles conduit à infliger une double peine aux salariés : une fois pour éviter les
délocalisations et une deuxième fois pour relocaliser la production. Les travailleurs sont perdants-perdants. Pour espérer gagner, les résistances indispensables pour préserver droits et
avantages acquis ne trouveront d'issue que dans le partage du travail et les mobilisations solidaires. Du pain sur la planche des luttes !
Pour le débat, Jean-Claude Vessillier