Mardi 19 mars 2013
Le 50ème Congrès au jour le jour
Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi
[Mise à jour 9 avril avec ajout des extraits vidéos, et de l'intervention de Mohamed Oussedik le mardi]
Comme lors du 48ème et du 49ème Congrès, nous allons retracer ici les principaux débats du 50ème Congrès confédéral, pour tenter d'apporter un éclairage, de "donner du sens" à des dizaines d'interventions qui vont un peu dans toutes les directions.
Nous serons moins détaillés que lors des Congrès précédents, pour aller à l'essentiel, charge au lecteur intéressé à se reporter au site confédéral (lien sur le logo) et d'aller visionner les vidéos, et trouver tous les documents disponibles. Bien sur, vous aurez le droit à l'occasion à quelques anecdotes avec mauvais esprit... on ne se refait pas !
Lundi
Nous serons brefs sur la journée du lundi, dans la mesure où le lundi c'est le jour de l'arrivée des délégués et où le seul
événement marquant est le discours d'introduction. Le reste du temps est passé dans l'élection des commissions et des diverses responsabilités du congrès.
Discours cette fois sous la responsabilité de Thierry Lepaon, qui a en fait repris pour l'essentiel son intervention au CCN de
février dernier ("Le discours de Thierry Lepaon au CCN du 5
février"), actualisé et développé selon les thèmes. Nous ne redévelopperons donc pas et renvoyons nos lecteurs, à la fois au discours officiel ( ICI) et
à notre article précédent. Le Nouveau statut du travail salarié y fait un retour en force, mais on en reparlera plus tard, plusieurs intervenants l'ont repris à leur compte le
lendemain.
Juste pour information, il faut savoir que le fait que cela soit à lui qu'on ait demandé ce rapport d'introduction a encore fait
grincer des dents à la direction confédérale : la guerre de succession n'est manifestement pas enterrées, quelles que soient les belles déclarations d'unité publiques.
On notera sans vraie surprise l'annonce d'une nouvelle journée d'action contre l'ANI lors de l'ouverture du débat parlementaire dans la semaine du 2 au 5 avril.
Sinon, présentation des invités, on siffle la CFDT et le PS, on ovationne Mélanchon, bref, rien que du classique.
Enfin, les nouveaux délégués découvrent les surprises des congrès... Le couvert avec deux fourchettes et deux couteaux, ça fait pas très prolétaire... avec les serveurs à table en plus... D'autres découvrent que Toulouse, c'est comme dans bien des villes, des cités populaires pauvres, avec leur lot de misère et de soucis. Et comme le Palais des Expositions est proche de la cité d'Empalot, un véhicule en fera les frais sur le parking, et les femmes découvriront à leurs dépends qu'il ne vaux miieux pas aller seules au métro, au risque d'être importunées... On est bien là en direct sur les enjeux de société d'un congrès syndical !
Mardi
Surprise tient, certains arrivent de l'hôtel en taxi, d'autres en métro... Qui paye ??? Les syndiqués ?
Le mardi matin, c'est la discussion sur le rapport d'activité ("Congrès CGT : un rapport d'activité en mode autosatisfaction"). une grosse vingtaine d'interventions, mais de manière assez surprenante le temps aurait permis d'en avoir plus. Manque de motivation des délégués pour intervenir sur ce rapport ?
La tonalité des intervenants était carrément "tonique", voire offensive sur le bilan de la direction sortante.
Trois gros thèmes de critiques :
- Le mouvement des retraites de 2010, où la confédération a été largement critiquée pour son manque d'enthousiasme et de généralisation du conflit ("si la confédération avait voulu éteindre le mouvement, elle ne s'y serait pas prise autrement"). Un camarade cheminot d'Epernay obtiendra ainsi une ovation au terme d'une intervention particulière cinglante !
- Le syndicalisme rassemblé, qui a fait l'objet d'un feu nourri et acerbe de nombre d'intervenants, évidemment après la signature de l'ANI du 11 janvier ("accords scélérats", "un drapeau brûlé, c'est moins grave que de brûler le code du travail"), ç'était difficile à justifier !
- Et la critique cinglante du gouvernement, bien au delà des timides formules de la direction confédérale. Les noms d'oiseau fusent : "Un gouvernement qui continue la politique de casse du droit du travail", "Sarkozy rêvait de cette politique, Hollande l'a mise en oeuvre", "la politique gouvernementale va à l'encontre des intérêts des travailleurs", "Hollande a perdu ses couleurs, si tant est qu'il en ait jamais eues" etc.
D'autres interventions sont plus consensuelles, sur la lutte contre la présence et l'influence du FN, ou sur la finance, même si elles peuvent poser des questions bien plus profondes qu'on imagine : ainsi un camarade des banques aborde la question des salles des marchés des grands groupes industriels (Renault, Bouyghes) qui fonctionnent à la microseconde comme les banques d'affaires, montrant ainsi indirectement qu'on ne peut pas séparer capital industriel et capital financier, contrairement à toutes les déclarations de la confédération.
Enfin, on note le retour du Nouveau statut du Travail Salarié ("C'est pour ces raisons que nous revendiquons un socle commun de droits individuels, transférables, garantis collectivement, et opposables à tout employeur, des droits interprofessionnels et indépendants du contrat de travail"), que plusieurs intervenants remettent au premier plan, voire en regrettant que la revendication et le projet aient été mis sur la touche, malgré les congrès successifs. Nous avons dit tout le mal qu'il fallait penser de cette revendication qui valide en fait à la fois les restructurations et l'individualisation des statuts (notre dossier sur la question est ICI).
Il n'empêche que le retour du sujet dans les interventions montre au fond la difficulté de la réaction face aux attaques patronales, à l'absence de contre-offensive, et finalement à l'espoir se raccrocher à n'importe quelle branche, fut-elle pourrie, pour s'opposer à la précarité, la flexibilité, les licenciements et la misère...
C'est Mohammed Oussedik qui sera chargé de répondre, au nom de la direction confédérale. Croquignolet, quand on connait la proximité du personnage avec le PS, donc avec le gouvernement. En gros pas grand chose, sinon la répétition des positions confédérales sans vraiment bouger face aux critiques (voir son intervention complète ICI).
Le résultat du vote sur le rapport d'activité n'est pas vraiment conforme à la tonalité et la radicalité des interventions (nous avons bien sur comme d'habitude recalculé les chiffres, la direction confédérale ne compte plus les abstentions dans le résultat final) :
7% d'Abstentions, 11,6% de Contre, 81,4% de Pour
et c'est 10% de plus qu'au congrès précédent, ce qu'on ne manque pas de souligner dans les couloirs pour relativiser la
tonalité très critiques des interventions de ce matin.
Il est sur que les prises de paroles sont occupées plus facilement par des opposants que des partisans de l'orientation confédérale. De ce point de vue, on ne peut que constater la progression du soutien à la direction confédérale, ce qui est d'ailleurs assez logique quand on constate la faillite des diverses oppositions dans la préparation du Congrès, nous l'avons déjà dit.
Pourtant, on ne peut oublier les applaudissements, voire les ovations pour certaines interventions particulièrement tranchées. C'est à dire qu'on peut constater le décalage existant entre le soutien aux interventions, tout à fait réel, et l'absence de perspectives internes qui ne peut que mener, par défaut, au vote pour les documents de la direction. Voilà, c'est l'état de la CGT.
Le mardi après-midi commence le débat sur le document d'orientation ("50ème congrès : quelques débats d'orientation dans la CGT").
Alors là, la scéance commence par un rapport de la commission des amendements (Francine Blanche, plutôt pas mauvaise...) qui vient d'emblée annoncer que nombre d'amendements ont été d'office intégrés dans la deuxième version du document diffusé au congrès même. On annonce 70% des amendements intégrés, ce n'est pas rien.
Parmi ces amendements, nombre de critiques abordées le matin même, ou soulevées sur ce blog dans l'article en lien ci-dessus, entre autres :
- La critique beaucoup plus tranchée du gouvernement, bien plus féroce.
- La critique de l'ANI et les divergences intersyndicales, par contre la formule "syndicalisme rassemblée" est maintenue alors que nombre d'amendements demandaient sa transformation.
- La caractérisation de la crise, dont le paragraphe a été complètement ré-écrit - mais comment, le texte sur table oublie de donner la ré-écriture... ?
- Les enjeux territoriaux
La démarche est positive, mais prend de court les congressistes, dont les interventions ont été préparées sur la base du texte initial. On va donc assister à un débat quelque peu décalé, d'autant que nombres de paragraphes ont été complètement ré-écrits, et parfois d'une manière inattendue (par exemple sur la crise, ...).
Dans les quelques interventions qui commencent à avoir lieu sur ce document d'orientation dans la fin de cette séance (six interventions seulement), on notera deux interventions notables.
D'abord celle d'un camarade de Freescale qui fait une bonne intervention rappelant la lutte et les licenciements à Toulouse, en soulignant que la lutte pour l'emploi était la lutte la plus violente contre l'exploitation capitaliste, et que si les textes du Congrès le gâchis industriel, ils ne soulignent pas assez le gâchis humain et social et l'importance de la lutte. Le camarade souligne qu'on peut bien voter tous les textes de loi qu'on veut, qu'on peut donner tous les droits qu'on veut aux IRP, et bien de toutes les façons, seul le rapport de forces compte, seule la lutte compte, car patrons et MEDEF ont des batteries d'experts pour détourner les textes et les lois, voire carrément s'en moquer. Enfin, le camarade souligne l'absence de la confédération durant tout leur combat, alors que c'est bien à la Confédération d'organiser le regroupement, de fédérer les luttes, et que s'il y a une campagne à mener, c'est sur le mot d'ordre "STOP, STOP, STOP aux licenciements !"
Deuxième intervention marquante, celle d'Olivier Leberquier de Fralib, intervention ovationnée debout par le Congrès (on trouvera le texte en intégral ICI), et la vidéo ci-contre, comme celle du camarade de Freescale.
Cette intervention qui dépassera notablement les 4' réglementaires ("mais on ne résume pas une lutte de 903 jours en quatre minutes" dira Olivier) commence par une charge en règle contre la Confédération qui ne prend pas en charge la coordination des luttes avec PSA, Conti, Pilpa, Goodyear et autres, alors que ce devrait être de sa responsabilité. Ce n'était pas langue de bois, et à la suite d'autres camarades du Congrès, cela posait une question essentielle, qui restera d'ailleurs sans réponse.
Le deuxième aspect de son intervention porte sur un sujet plus controversé, qui est sur celui de la récupération sur les patrons
de ce qu'ils nous ont pris, par la nationalisation et la réappropriation ouvrière et publique des outils de production. Après l'annulation de trois PSE, et deux fois des licenciements, on voit là
le projet de SCOP porté par les Fralib, qui demandent d'ailleurs au gouvernement d'être conséquent et de faire "sauter le verrou Unilever" qui bloque la solution alternative : Unilever a
les moyens, le gouvernement a la responsabilité ! Nous renvoyons à notre dernier article de synthèse que la question ("Après 800 jours de lutte à Fralib, où en est-on ?"), qui souligne
l'illusion à imaginer une gestion "différente" dans le cadre de la SCOP, mais dans le cadre du marché et de la concurrence capitaliste mondiale. Avec en plus de drôles d'illusions supplémentaires
sur le gouvernement Hollande sur lequel le Congrès ne cesse de taper à bras raccourcis !
Cela dit, on voit dans le congrès le retour de la revendication de nationalisation, portée en tous par certains délégués (sans doute proches du PCF ou du NPA), qui s'opposent au gouvernement Hollande/Montebourg au nom du refus de l'acceptation des restructurations et des plans de licenciements, mais en acceptant les contraintes du marché capitaliste, avec une gestion supposée humaine et différente du capitalisme. On est en tous les cas loin de la vision précédente du camarade de Freescale.
Nous l'avons dit, le camarade a été ovationné, debout, par tout le congrès, bien sur au nom de la lutte, mais aussi pour ce qu'il a dit, tant sur la critique de la Confédération que sur la réappropriation des outils de production. Le débat n'est pas fini, quels que soient les votes !!!
Ensuite, c'est la séance internationale. Là, franchement, on n'est pas allés. Ecouter les représentants de la CES, de la CSI et autres, c'était un peu au dessus de nos forces...
Mercredi
Ce mercredi, la fatigue commence à peser, c'était ambiance Doliprane au petit déjeuner après le concert de Zebda hier soir... Et
alors après une nouvelle journée comme celle d'aujourd'hui, on va finir sous amphétamines !!!
Le matin, encore, ça allait.
On a commencé par finir la discussion sur la partie I du document d'orientation, le préambule et la responsabilité du syndicalisme aujourd'hui. Mais ça tousse un peu quand la direction du congrès
annonce la réduction des interventions à 2' alors qu'elles étaient prévues à 4'. Ca donnera lieu à quelques passes d'armes avec la tribune qui tente d'interrompre des interventions prévues trop
longues...
A noter que la fin de cette discussion se cristallise sur la notion de « syndicalisme rassemblé », plusieurs délégués demandent un vote spécifique sur la formule, ce qui a été au
préalable refusé par la commission des amendements. En fin de séance, Francine Blanche intervient pour défendre la position confédérale, avec comme argument « ce n'est pas parce que des
zozos [la CFDT ?] ont tenté de bousiller le terme qu'on a mis quinze ans à construire qu'on doit l'abandonner ». Et d'affirmer benoîtement sur le « syndicalisme rassemblé »
n'a rien d'une unité d'appareil, mais que c'est justement l'unité des travailleurs sur des revendications précises que les délégués veulent voir affirmer – mais oui, Francine, on te croit sur
parole, et ça fait juste quinze ans qu'on nous pourrit les mobilisations, comme le mouvement sur les retraites de 2010 au nom de ce syndicalisme rassemblé qui n'est au final que la mise à la
remorque de la CGT des décisions de la CFDT...
Au final, la résolution 1 est votée sans plus de votes particuliers (comme d'habitude, chiffres recalculés pour intégrer les abstentions dans le total final).
4,5% d'abstentions, 15,7% de votes contre, 79,8% de votes pour
En fin de matinée, on passe à la partie II de ce même document d'orientation sur les ambitions revendicatives de la CGT. La
tribune tente d'organiser le débat en plusieurs temps pour mieux s'y retrouver, pas bien de succès.
En particulier, on notera le relatif peu de succès du débat sur la « transformation du travail ». Nous avons souligné pourquoi c'était une formule dangereuse, qui laissait imaginer
qu'on pouvait transformer le travail sans supprimer l'exploitation, mais cela pouvait quand même être le lieu de débats intéressants.
Il y a eu quelques interventions notables, comme la lutte contre la précarité et la flexibilité, la nécessité impérative de se battre pour la
ré-intégration de la sous-traitance (une très bonne intervention, applaudie d'une déléguée du Commerce, au nom de la reconstruction de l'unité des travailleurs), contre le travail
le dimanche, la nécessité de faire revivre la réduction du temps de travail pour le partager avec les chômeurs et précaires, deux maigres interventions sur la pénibilité, mais on sent qu'on a
perdu l'habitude de discuter de ces choses dans la CGT.
Rien sur le travail posté, le travail de nuit, le travail à la chaîne, les risques chimiques – alors que l'interdiction du
travail de nuit était quand même une des premières mesures de la Commune de Paris ! A quand la reprise de cette revendication par la CGT, comme l'interdiction du travail à la chaîne ou à
feux continus ?
On commence à sentir une certaine tension qui monte, avec quelques interventions de la Santé, pour intégrer l'abrogation de la loi HPST, machine de guerre contre la santé. Des interventions
successives, ovationnées... à juste titre ! Mais... c'est l'après-midi qu'on verra la suite.
Entre temps, c'est repas à la cantine. Une collecte est faite à l'entrée pour PSA, 6689 € collectés, c'est plutôt bien.
A table, c'était lasagnes, ce qui fera quand même tiquer nombre de délégués... Et quand on voit le déroulement de l'après-midi, on se demande si ce n'était pas de la vache folle au menu !!!
Car ça part en vrille, on peut dire cela. Les interventions des délégués de la Santé s'empilent les unes derrière les autres, en
cascade d'un micro à l'autre, peut-être une vingtaine, une trentaine au total toujours sur le même thème de l'abrogation de la loi HPST et du financement de la sécurité sociale,
l'abrogation de la MAP et de l'acte III de la décentralisation – le tout sous l'oeil goguenard de Nadine Prigent (secrétaire de la Santé) qui est à la tribune au titre de la commission des
amendements.
La cause est juste, bien sûr. Mais le rouleau compresseur dessert la cause et interroge peu à peu la majorité du congrès qui commence à siffler, s'impatienter, et chaque nouvelle intervention provoque exaspération croissante. Philippe Martinez à la tribune peine à garder son calme (c'est un sanguin, on le sait !), la sueur perle sous la moustache... Au final, Nadine Prigent intervient au titre de la commission pour dire tranquillement que « la revendication était déjà dans le texte du 49ème congrès, aucun problème pour l'intégrer... ». Quant à l'opposition à la MAP et à l'acte III, aucun problème ce sera intégré avec une formulation adaptée...
Alors ? Tout ça pour ça ? C'était quoi cette opération commando des camarades de la santé, qui se sont mis tout le congrès à dos (on aurait cru, en pire, à une manoeuvre du POI...) ? Il se murmure que ce serait bien une manoeuvre délibérée et organisée pour pourrir la séance suite à l'élimination de Nadine Prigent de la succession de Bernard Thibault... Question pourrissement, c'était gagné, mais c'est carrément nul, et nous invitons les camarades honnêtes et combatifs de la Santé à demander des comptes sur cette opération lamentable...
Pour le reste, pas facile de se souvenir de grand'chose compte tenu de l'ambiance...
Ah si, deux interventions de la FNME des Pyrénées, qui vont courageusement
s'opposer au nucléaire en rappelant qu'àprès Tchernobyl et Fukushima, l'accident est possible et que les énergies alternatives existent (ci-contre la première). La deuxième
intervention sera même bien censurée, au nom du sacro-saint respect des 2' (enfin, pas pour tout le monde !).
Egalement une intervention « courageuse » des Ports et Docks pour revendiquer becs et ongles l'intégration du
nettoyage à leur fédération, comme si eux seuls travaillaient à syndiquer les travailleurs du nettoyage des entreprises donneuses d'ordre, les camarades des Hotels, de la SNCF, du nucléaire ou
d'ailleurs apprécieront. Le fait qu'un délégué de cette fédération intervienne sur le sujet montre en tous les cas que la moutarde commence sérieusement à monter au nez des militants de terrain
dans la CGT pour remettre de l'ordre dans la confédération et renforcer l'unité des travailleurs sur une zone donnée...
Vote en fin d'après-midi sur la résolution 2 et après la guérilla de l'après-midi, on s'attendait à un résultat surprenant, mais
non, tout ça pour ça !
5,5% d'abstentions, 17,2% de contre et 77,3% de pour
La fin d'après-midi devait commencer l'étude de la partie III du document d'orientation sur la syndicalisation. Ca a été bradé
en 40 minutes, tout le monde était rincé, et la suite est renvoyée au lendemain, où la séance est avancée à 8h15, mais sans succès, on commencera à 9h !!!
Bon, pour ce jeudi soir, on nous vante à la tribune le match d'échecs collectif contre Karpov. Franchement, ils ont pas de honte au Congrès, ils auraient plutôt pu demander à Kasparov, cela
aurait été plus « décent » face à Poutine !
Jeudi
Ca commence bizarre ce jeudi matin. Hier soir, à la radio, on entend l’annonce de 1500 suppressions d’emploi à Veolia Eau, et ce
matin à l’entrée du congrès, les hôtesses de Veolia Eau (sponsor officiel du congrès) distribuent justement des kits de pub… Le plus bizarre, c’est que pratiquement personne ne semble remarquer
l’insanité de cette présence au congrès confédéral ! Voilà où mène l’intégration au jeu économique capitaliste, on en arrive à ne même plus remarquer les horreurs, du moment que ce sont des
financeurs…
On commence par la reprise et la fin du débat sur le document d’orientation, sur la syndicalisation, pas excitant.
Plusieurs interventions sur les collectifs jeunes CGT. On sait que c’est un vrai problème dans la confédération : à la fois on a besoin d’eux pour renouveler les générations de militants,
et à la fois on se méfie de leur fougue, de leur radicalité et de leur manque d’expérience, ce qui fait que toute tentative avorte dès qu’elle prend un peu d’ampleur, sabordée par des
fonctionnaires syndicaux qui ne craignent rien d’autre que la nouveauté et les expériences non contrôlées. Voilà des années que c’est comme cela que ça se passe dans les UD ou les FD, voilà des
années que le Collectif Confédéral Jeunes est relancé congrès après congrès pour être ensuite rapidement liquidé…
Une intervention bien énervée et très applaudie d’un ouvrier des aéroports de Paris sur la manière dont les délégués sont traités dans le Congrès, ras le bol, les interventions passées de 4 à 2
minutes !
Et une intervention d’une camarade de la FAPT qui soulève quasiment explicitement le conflit qui l’oppose à la Fédération des Sociétés d’Etudes (autour de Téléperformance, non cité, mais
transparent pour qui est un peu informé, où on a retrouvé deux listes CGT aux élections professionnelles…) On aura l’occasion d’en reparler.
La résolution N°3 sur la syndicalisation est finalement votée
Abstentions 4,1% Contre 7,5% Pour 88,4%
Et l’ensemble du document d’orientation est finalement validé par
Abstentions 5,3% Contre 14,1% Pour 80,6%
7% de plus
qu'en 2009, comme pour le rapport d’activité la direction confédérale est plutôt confortée dans ses choix, du moins en apparence au niveau des votes....
On passe ensuite en fin de matinée sur les Règles de vie et les Modifications statutaires.
Dans un article précédent (« L’évolution des
structures de la CGT, c’est pas gagné »), nous avions souligné l’essentiel des propositions et en gros soulevé l’ensemble des pièges cachés sous de prétendues mises aux normes juridiques.
Tous les camarades le savent : c’est derrière les modifications de statut que se cachent les reprises en main. Et ce n’est pas l’introduction particulièrement roublarde de Philippe Lattaud qui va
nous démentir, quel filou !
Lors du 48ème Congrès et de l’introduction du Cogetise, le débat n’avait pas manqué (« Réforme du système de
cotisations : les ambiguïtés d’un débat »). Là, rien. Et lors des débat de ce jeudi, tout le monde semble découvrir que ce n’est pas si simple…
Les débats tout au long de la journée seront de plusieurs ordres :
- C’est trop compliqué, on n’a pas eu le temps de débattre, on n’avait pas vu tous les enjeux derrière la mise en conformité juridique, il faut reporter les votes et prendre le temps du débat. Ca c’est juste les délégués qui sont en train de se rendre compte qu’ils se font magouiller… La tribune aura beau jeu de dire que tout s’est fait en parfaite transparence, les documents arrivés à temps, que c’est la suite de décisions du 49ème congrès, qu’il faut bien décider à un moment, qu’il y a des urgences, et bla, et bla, et bla…
-
L’intégration de l’annexe « Règles de vie » aux statuts. Même nous, nous l’avions laissé passer !!! Honnêtement, on n’avait
pas vu, mais un texte de statuts, c’est tellement précis et juridique qu’on ne voit pas tout. Mais nombre d’interventions ont souligné que la proposition de cette intégration permettait le «
contrôle total » et la soumission politique (et plus seulement juridique) de n’importe quelle structure ou militant. Par exemple, la règle de vie précise que les délégués défendent
l’orientation confédérale… vous me suivez ?
La demande de report de vote sera balayée au prétexte que c’était un engagement du 49ème congrès, c’est beau le billard à trois bandes ! -
Les délégués découvrent ce que nous avons appelé la « verticalisation » de la CGT, c’est-à-dire la soumission des échelons
inférieurs aux échelons supérieurs. D’où les énormes inquiétudes en termes de soumission et de « mise sous tutelle » (parole de délégués). La réponse de la tribune est très, très intéressante
(on résume) : les conflits se multiplient en interne, vont de plus en plus souvent devant les tribunaux, et nous ne pouvons pas laisser les juges décider à notre place notre fonctionnement,
d’où la modification statutaire pour se blinder de partout. Nous en parlions… Il fallait voir la mine parfaitement réjouie d’une représentante de la Fédération du Commerce intervenant pour
approuver totalement la modification, qui va lui permettre de liquider l’opposition interne. Il fallait voir la mise réjouie du représentant de la Construction parler du conflit à Forclum. Il
fallait voir la mine réjouie de Michel Donneddu parler implicitement de l’UL de Douai et de la façon dont on allait enfin pouvoir la mettre au pas.
Le problème qui n’est jamais abordé, c’est pourquoi les conflits se multiplient ? Pourquoi va-t-on devant les tribunaux, CGT contre CGT, alors qu’il y a quelques années, c’était juste impensable ? Le prétexte du FN a bon dos… Le fond de l’histoire, selon nous et on y reviendra, c’est que, face à la crise d’une part et son lot de révolte, face d’autre part à la collaboration de classe et à l’intégration croissante de la bureaucratie syndicale à l’appareil d’Etat, les contradictions s’accroissent et la tendance à l’éclatement augmente au sein même de la CGT. Et ce ne sont pas les votes à 80% qui nous prouveront quoi que ce soit d’autre !
Quand nombre d’interventions demanderont une fois de plus le report de vote, c’est l’urgence et la multiplication de ce type de conflits qui sera opposée pour justifier le vote favorable… Comme quoi ! - Les retraités montent au créneau, parce que le texte et les amendements sont en régression par rapport à ce qui semblait acquis. En gros, dans les textes, un retraité = un demi-actif… Et de souligner que dans les manifs, dans les animations de formation, dans les débats, on est bien content de les trouver, et pas en « mi-portion » (parole de délégué !). Alors là, ils étaient en colère, nos « vieux » (c’est chaleureux !) et nombreux à intervenir pour le dire…
Nous mettrons de côté une intervention particulièrement violente d’une déléguée de la Chimie Lorraine contre la direction
confédérale. Violente et maladroite, mais elle posait de vraies questions : la démocratie dans la CGT, le syndicalisme rassemblé, la soumission nécessaire des dirigeants aux militants de base, et
une critique directe à Thierry Lepaon et à son parcours syndical. Ce n’était carrément pas diplomatique, c’est le moins qu’on puisse dire, et la camarade s’est faite tacler violemment, jusqu'au
vendredi. Mais quand on connaît l’attitude du nouveau secrétaire général à l’égard de ses ex-camarades de Moulinex, quand on connait son passage au Conseil Economique Social et Environnemental et
ce qu’il y a défendu, il y a effectivement de quoi s’interroger. La camarade a été gauchiste sur la manière, sur le fond, quand même elle avait raison !
Nous avons résumé les débats, mais c’était tendu et intense, toute la journée. Et les votes seront là pour en
témoigner.
Le contenu des « règles de vie » sera voté sans souci
Abstention 5,6% Contre 14,8% Pour 79,6%
L’annexion des « règles de vie » aux statuts sera votée un peu plus difficilement (la majorité des 2/3 est requise pour le « pour »)
Abstentions 4,9% Contre 24,4% Pour 70,7%
Par contre, l’ensemble des autres modifications statutaires sera rejeté :
Abstentions 8,7% Contre 26,2% Pour 65,1%
Malaise, mais de courte durée, car voilà immédiatement Bernard Thibault à la tribune avec le plan B, improvisé mais bien
joué.
Prudent quand même le Bernard, il sait qu’on marche sur des œufs… Donc « Si vous êtes d’accord, mais c’est vous qui
voyez », j’ai bien compris que les retraités sont en colère. Donc, je vous propose qu’on renvoie au 51ème congrès toute décision à cet égard, et qu’on vote le reste…
Il faut savoir que depuis le début du Congrès, la tribune a systématiquement refusé tout vote séparé, toute disjonction. Et là,
pof, comme par miracle, voilà le Bernard qui surgit de sa boîte et hop, là, c’est bon…
Un vote à mains levées validera la proposition, un deuxième votera une courte résolution, et un dernier vote par mandat rejouera
le match des modifications statutaires :
Abstentions 5,4% Contre 18% Pour 76,6%
Là, c’est adopté, 10 points d’écart on ne peut pas dire que c’est une magouille. Simplement, les retraités ont pris le temps de
lire les textes et d’en voir les enjeux, ils se sont battus et ont gagné, et cela n’a pas été le cas pour le reste du texte.
On pourra dire comme conclusion que le congrès a mal été
préparé. Nous ne saurons trop répéter que cela souligne aussi notre responsabilité, celle de tous les opposants qui ont déserté le terrain de la lutte politique interne pour se
cantonner à la gestion des luttes…
La journée se termine par l’élection des
directions, CEC, CFC, Cogetise. Tout le monde se dit qu’on est là en pleine formalité, et qu’on va enfin pouvoir souffler.
Rapport de commission, parfaitement aseptisé et sans intérêt, vous savez, le même depuis des décennies.
Et là, la vraie surprise.
Deux interventions qui feront date.
Un camarade de Energie 93 prend la parole pour dire qu’il n’a pas été consulté sur la proposition de Frédéric Imbrecht (ex
secrétaire fédéral) alors qu’il est membre de ce syndicat. Et que donc il votera contre cette candidature. Ouff… Malheureusement, le fond de l’affaire ne sera pas rendu public (« La sous-traitance au cœur du conflit à la FNME CGT »). Mais ça a
fait mal.
Et ce n’était rien à côté de ce qui allait suivre. Un camarade de la CGT Air-France intervenait, très ému, très tendu aussi, les
nerfs à vifs. Il expliquait que pour la première fois depuis 80 ans, la CGT Air France allait rayer une candidature. Que la raison était que cette
candidature sortante était intervenue clandestinement auprès de la direction d’Air France pour trouver une solution et une issue syndicale pour un ex-militant CGT de l'entreprise, exclu de son syndicat pour corruption. Silence de mort. Et de nommer Nadine
Prigent.
Là, difficile. Un fayot de service avait beau intervenir pour dire qu’il était scandalisé de ces attaques et bla et bla et bla,
le coup avait porté. La commission des candidatures n’a rien répondu, sinon qu’elle ne savait pas (mort de rire, comme on dit), et que le CCN avait validé la liste à l’unanimité…
Camarades d’Air France, respect et chapeau bas. Nous avons eu des différents violents avec vous sur ce blog, bien sûr autour de la gestion du CCE, mais il semble que les choses bougent. Manifestement, on commence à nettoyer les écuries, et oser faire cette intervention, en plein congrès, contre Nadine Prigent ex-possible successeuse de Bernard Thibault, il fallait oser, il fallait le faire.
Camarades d’Air France, respect, et nous espérons que votre exemple donnera des idées ailleurs… car il y a du fumier à dégager,
par exemple à la Fédération du Commerce, habituée de telles pratiques.
Frédéric Imbrecht et Nadine Prigent seront finalement élus (sauf magouille supplémentaire inconnue), mais les plus mal de la
liste, 89,5% et 82,8% respectivement (voir ICI le document complet). Si maintenant Nadine Prigent se retrouve au Bureau Confédéral, ce sera une véritable honte pour notre confédération (ce
n'est pas le cas) ! Et franchement, on n’a pas besoin de ça en plus !
Vendredi
Le vendredi, c'est la fin du Congrès. On ne va pas s'étendre sur les remerciements mérités aux diverses équipes techniques, sur les larmes de Bernard Thibault après la vidéo retraçant son passage au secrétariat général...
Par contre, il convient de s'arrêter quelques instants sur la résolution d'actualité.
C'est Agnès Naton qui lira la proposition de la direction du Congrès, d'ailleurs non diffusée par écrit, ce qui est un peu choquant, au minimum pour pouvoir réagir, même à chaud.
Quelques camarades réagiront pour nous faire remarquer l'absence de références aux luttes symboles que sont PSA, Goodyear, et Fralib, pour ne citer que les plus emblématiques. En même temps, la Confédération est délibéremment restée (malgré les sollicitations) absolument en dehors de l'idée même de coordination des luttes. Le projet lu en séance comprend bien une référence générale "aux luttes des travailleurs", c'est assez exactement la position de ce qu'est la Confédération actuellement. Imaginer un appel à la Coordination des Luttes, c'est une lutte politique, une lutte contre le gouvernement qu'il fallait assumer - ce qu'évidemment la confédération ne veut pas... Et il aurait fallu mener la lutte politique au fil du Congrès à ce propos, ce qui n'a pas été fait...
Alors, bien sûr, on peut parler de l'intervention de la camarade en soutien à Petroplus, "surprise que personne n'en ait parlé avant moi". Bien sur le camarade de Sanofi peut appeler à la convergence avec Goodyear, PSA ou Fralib. Mais, camarades, c'est trop tard, et c'est une bataille déjà perdue !
On notera aussi plusieurs interventions pour demander que la Confédération demande le "retrait" de l'ANI, alors que le texte se limite à l'exigence "d'empêcher la transposition dans la loi de l'accord minoritaire". Derrière cette obscure querelle de formules se cache en fait une question essentielle dans la période actuelle : quelle confiance a-t-on dans le gouvernement ? Si on se contente d'imaginer "empêcher" etc. c'est qu'on imagine que le gouvernement peut être sensible à nos amicales pressions. Si on demande le retrait, c'est qu'on en fait confiance à personne, même pas à ce gouvernement dit de gauche, de droite en réalité !!!
Agnès Naton aura du mal à assurer face à la fronde de l'assemblée, et au mot d'ordre "retrait" scandé de plus en plus fort...
Une intervention de la CGT Educ'Action du Nord sera assez critique envers la proposition, en soulignant que le texte est bien mou face à ce gouvernement de "collaboration de classe", qui laisse pourrir de froid les sans-papiers en lutte (allusion au mouvement de grève de la faim des sans-papiers de Lille - "Lille : deux grévistes de la faim sans-papiers expulsés ce matin") et qui va voter une loi qui précarise les travailleurs - bonne intervention, bien générale !
Une intervention bien pourrie des Douanes pour revendiquer le "protectionnisme", pour taxer les comportements irresponsables - comme si ici, en France, les comportements patronaux étaient "responsables" !!! Où l'on voit les progrès et les ravages du nationalisme et du chauvinisme...
Au final, le texte sera voté à mains levées, mais juste à la barbare, même pas de comptabilisation (comme dans les votes précédents à main levée), on se moque des délégués !!!
Comme personne n'a eu de version écrite, ni le projet, ni la version finale, on attend avec intérêt la version officielle votée, toujours non publiée à l'heure où nous écrivons (le dimanche à 18h)... !!! Vive la démocratie !