Samedi 10 décembre 2011
La CGT et la gestion des Comités d'Entreprise
Tempête médiatique cette semaine. La publication par le Parisien et le Figaro (tiens ?) d'un rapport de la Cour des Comptes sur le CE de la RATP (document disponible ICI, sur le site de la Cour des Comptes) a une nouvelle fois mis le feu aux poudres. Dans la foulée, Dominique Voynet (tiens ?) en profite pour transmettre également un rapport sur la gestion du COS de Montreuil à la Cour Régionale des Comptes (voir plus loin).
Beaucoup de nos camarades flairent le piège à plein nez, et se crispent sur une défense sans nuance de la CGT : "le patronat veut notre peau, il faut défendre à tout prix le seul instrument qui nous reste pour nous défendre".
Sur la nouvelle attaque anti-CGT
Il y a une nouvelle offensive anti-CGT, c'est parfaitement évident. Tout cela ne surgit pas du néant, par simple souci de transparence. La CGT, dans la perspective des élections présidentielles, a pris une posture apparemment plus combattive pour se replacer comme l'interlocuteur indispensable face au futur gouvernement. Nous avons eu l'occasion d'en parler sur ce blog ("Mais qu'arrive-t-il à Bernard Thibault ?", puis "La CGT et le G20").
L'offensive en cours, c'est manifestement pour faire rentrer la Confédération dans le rang, lui rappeler que les règles du jeu, c'est le capitalisme qui les fixe, et que les élus syndicaux sont mouillés jusqu'au cou dans la cogestion et la collaboration de classe. Autrement dit, si vous faites trop de vagues, ca va être dur pour vous...
De plus, ces publications sortent comme par hasard juste après la mise au placard d'un rapport parlementaire sur le financement des syndicats qui promettait lui aussi de faire des vagues (on lira avec intérêt l'article du blog "Mille Euros" sur cet enterrement de première classe), de tous les côtés. Rapport dont de larges extraits ont été diffusé par Le Figaro (re-tiens ?). On peut imaginer qu'une partie du patronat ou de la bourgeoisie de l'état n'ait pas apprécié et décidé de passer outre, quelque part.
Donc OUI, il y a bel et bien une offensive anti-CGT et à ce titre on ne doit pas s'en laisser compter et prendre pour argent comptant ce qu'on nous bassine dans les médias. La méfiance est tout à fait de mise.
Cela dit, il ne faut pas se tromper : l'attaque n'est pas pour supprimer les CE, ou pour éliminer la CGT, juste pour la faire revenir sur les rails de la collaboration institutionnelle.
La corruption et sa réalité
L'offensive et sa reprise par Voynet sur l'affaire de Montreuil pousse nombre de camarades de la CGT, et parmi les plus honnêtes, à se crisper sur la défense du syndicat, à dénoncer l'attaque, à rejeter en bloc les accusations au nom des machinations habituelles etc.
Là, les camarades, il faut arrêter, accepter aussi d'ouvrir les yeux et de regarder la réalité en face, même si elle fait mal.
Sur ce blog, nous avons eu de multiples occasions d'aborder cette question de la gestion des CE, des dérives, voire du comportement de syndicalistes en véritables patrons voyous. Alors pour mémoire, nous allons rappeler les articles de ce blog sur le sujet, et ce n'est pas de la propagande patronale, nos sources sont des syndicalistes restés honnêtes !.
- "A propos du financement occulte des syndicats" 24 novembre 2007
- "Corruption, le ver est aussi dans le fruit syndical" 29 avril 2008
- "CEs de la SNCF : le ménage des restructurations... organisé par la CGT !" 4 juin 2008
- "CE SNCF Lyon : la CGT exclut un conseiller prud'homal et licencie une DP" 18 juin 2008
- "Drame au CE SNCF clientèle" 12 mars 2009
- "CE SNCF clientèle : refus du licenciement s'un délégué" 30 Août 2009
- "CCAS EdF : la CGT dans le business et la répression" 19 décembre 2009
- "Après EdF, la CGT gère les CE SNCF en vrai patron voyou" 24 décembre 2009
- "Le CE SNCF (dirigé par la CGT) condamné à 133 000 € pour harcèlement moral" 10 janvier 2010
-
"Disneygate :
500 000 € disparus au CE " 16 février 2011
Comme le rappellent les camarades des Mines ("Le ver estaussi dans le fruit syndical") nous connaissons tous de ces élus qui ont des avantages, petits ou grands, de la simple fermeture des yeux sur les délégations "macadam" à la corruption explicite et ouverte par la direction comme à Dalkia ou ailleurs, en passant par la gestion des CE et les reclassements dans toutes les planques de la dite "économie sociale" (toutes les institutions paritaires dans les mutuelles, les structures de formation, de logement, la sécu, le chômage, les associations culturelles et du tourisme social...).
A quoi cela sert-il de se fermer les yeux et de nier l'évidence ? C'est en fait reculer pour mieux sauter, et nous ferions bien mieux de nettoyer nos écuries nous-mêmes plutôt que d'attendre que la bourgeoisie s'en charge à sa manière.
Oui, il y a tout un secteur de la bureaucratie syndicale QUI EN CROQUE.
A force d'être embarqué dans la gestion capitaliste des oeuvres sociales, de manipuler et de gérer des millions d'euros suivant les règles du jeu du marché, comme n'importe quelles entreprises capitalistes, et bien on rentre dans le moule, on pense comme les bourgeois, on vit bourgeois, on devient bourgeois.
Et en plus, ce n'est pas un hasard, ce secteur se retrouve à la direction des confédérations - de la CGT aussi.
Alors, bien entendu ils poussent à l'élargissement des secteurs où ils peuvent creuser leurs niches d'un côté, d'un autre à poursuivre la collaboration (même conflictuelle) avec les patrons dont ils sont en fait les fidèles sous-traitants, et dont ils dépendent totalement pour le financement.
Voilà la réalité, voilà ce à quoi nous sommes confrontés.
La riposte de la CGT
Nous n'allons pas revenir en détail sur les accusations portées par la bourgeoisie à la gestion de la CGT. C'est l'hôpital qui se fait la charité !!! Quant on voit les bonus, salaires mirifiques, avantages en nature, parachutes dorés, ententes illégales (comme en ce moment dans les lessives), profits et jetons de présence, Rollex, Fouquet's, yachts et cie, on se dit qu'ils ne manquent pas d'air à jouer les saintes nitouches.
Il est beaucoup plus utile de s'arrêter sur les positions de la CGT, en réponse à l'attaque.
La CGT RATP a publié un très long communiqué de réponse, disponible ci-contre, qu'il faut lire attentivement.
La CGT RATP commence par caresser les militants CGT dans le sens du poil en rappelant que c'est le politique qui commande l'économique et le social. Tous les militants vertueux ne peuvent évidemment qu'acquiescer.
Le problème, c'est quelle politique, au profit et au service de qui, la réponse est tout à fait silencieuse. Le problème, c'est que c'est présenté comme le système électoral bourgeois : nous sommes élus sur un programme (pour 4 ans, avec la nouvelle loi), donc nous l'appliquons, rendez-vous aux élections suivantes, d'ici là vous n'avez rien à dire. Aucun contrôle possible entre temps... Belle vision de la démocratie, qui s'aligne purement et simplement sur la démocratie parlementaire bourgeoise. Passons.
Le deuxième volet des réponses de la CGT RATP c'est pour justifier ses comptes, mais exactement sur le terrain de l'économie de marché et de ses règles : comptes certifiés, experts, appel à la concurrence (!!!) et tutti quanti. Un peu triste quelque part, on se demande pour le coup ce qui distingue la gestion de la CGT de celle d'un patron ordinaire ?
Enfin, la CGT ne répond absolument pas concernant la dégradation du climat social, sinon pour considérer que c'est quelque part "normal". Non camarades, la dégradation du climat social ce n'est pas normal, surtout quand on a des "camarades patrons". Mais au fond, n'est-ce pas que le reflet dans une entreprise sous-traitante de la RATP de la dégradation des conditions de travail du personnel soumis à des vagues de restructurations et d'économies dont il fait lui ausi les frais ? Dans les CE SNCF, c'est allé très très loin, voir les articles cités plus haut.
La CGT des communaux de Montreuil a réagi très exactement de la même manière (également disponible ci-contre). Toujours aussi malin dans la réponse pour évacuer les questions qui gênent, mais toujours aussi embarrassé... Semble-t-il selon Le Parisien, les responsables de la CSD ont courageusement botté en touche et renvoyé les réponses à la CGT Montreuil.
Pour paraphraser le titre des camarades, "les territoriaux CGT de Montreuil ne manquent pas d'air" !!!
Le principal litige affiché vient des voyages qui ne profitent qu'à une minorité, et surtout à une poignée "d'élus
accompagnateurs" qui ne payent pas.
Mais, nous, militants CGT, nous savons de quoi on parle, et on ne va pas se cacher derrière son petit doigt. Les voyages dans les CE, c'est toujours un "bâton de merde", dans la mesure où ça coûte très cher et ça profite à peu. Le plus souvent, les CE équilibrent cette activité par de multiples autres, afin que chacun(e) puisse s'y retrouver quelque part.
Mais depuis quand y a-t-il des "élus accompagnateurs" pour les voyages organisés par les CE ??? C'est quoi ce délire ? Pourquoi les travailleurs eux-mêmes ne seraient-ils pas capables de juger le voyage et d'en rendre compte ? Si un élu doit y participer, pourquoi ne paye-t-il pas, comme tout le monde ? Si ce n'est pas de la corruption cela, c'est quoi ? Cela a quel sens de réclamer un "statut" de l'élu accompagnateur ???
Les camarades territoriaux de Montreuil nous prennent-ils pour des crétins ?
Il est absolument évident que Dominique Voynet cherche à régler des comptes avec la CGT à Montreuil, et nous la dénonçons avec toute la vigueur nécessaire. Cela ne justifie en rien la pratique effarante des élus, connue en fait depuis pas mal de temps et qui était couverte par l'ancien maire JP Brard dans le cadre d'un système clientéliste particulièrement sophistiqué sur la ville.
Enfin, c'est Michel Doneddu lui-même, trésorier confédéral de la CGT, qui prend la parole à l'Humanité pour justifier la pratique des CEs (voir ci-contre le texte complet repris du site de la CGT).
Reprenons point par point :
Le budget de fonctionnement du CE ? Ce n'est pas le sujet, ne dégageons pas en touche.
La gestion des activités sociales du CE. Là, on est au coeur du débat. Michel Doneddu nous dit : "Certains voudraient que ces activités rentrent dans le marché".
Mais camarade (enfin, on ne sait pas très bien si on peut encore t'appeler comme ça), ces activités ne sont pas déjà dans le marché ? Quand les CE achètent des jouets de Noël, ils les achètent à qui ? Quand ils organisent des spectacles, ils s'adressent à qui, selon quelles règles ? Quand ils gèrent des cantines, ils le font avec quels fournisseurs, quels prestataires, quel personnel, selon quelles règles de gestion ? Quand ils organisent des voyages, ils s'adressent à quelles agences ? Ces activités ne sont pas dans le marché ? Ce seraient des activités "non capitalistes" ? Il faut en parler au personnel des CE, aux plongeurs ou cantinières, aux animateurs des colos pour avoir leur point de vue.
Que la concurrence (capitaliste) fasse rage dans ce domaine de l'économie dite sociale, et que d'autres requins du secteur salivent à l'idée de récupérer les marchés (ce qu'avance Doneddu), évidemment. Cette économie dite sociale n'a rien de particulier, sinon que ses ressources sont garanties par les grandes entreprises qui financent les CE. Car si le financement des CE est évidemment un salaire socialisé, comme le salaire direct il est totalement soumis aux règles du jeu qui s'imposent à toute la société.
Prétendre le contraire est une imposture de bureaucrates, qui cherchent à ménager leur places de gestionnaires sous-traitants et de larbins du capital.
Doneddu se prononce ensuite lui aussi pour transparence, expertise, commissaires aux comptes etc. mais ça ne change rien à l'affaire. La question fondamentale est celle qu'il pose implicitement :
Doneddu, ça ne le dérange pas.
Nous, militants de classe, SI. Nous voulons ABATTRE le capitalisme, pas collaborer avec lui. Nous voulons un autre monde, d'autres règles, un autre pouvoir au service des exploités. Nous refusons d'EXPLOITER nos camarades, nos collègues et JAMAIS nous n'accepterons ce type de compromissions.
Nous allons choquer certains : nous préférons, oui, nous préférons que la cantine soit gérée par le patron que par le CE. Au moins les choses sont claires. Au moins, nous pouvons nous battre, ensemble, à la fois sur la restauration et sur le statut et les conditions de travail du personnel de la cantine.
Nous ne nous gargarisons pas de la gestion des oeuvres sociales en bons petits patrons gestionnaires fiers de leur résultat,
alors qu'ils ne font qu'organiser la répartition de ce que les exploiteurs veulent bien leur concéder. Et s'il peut nous arriver d'être élus au CE, ce n'est pas pour mettre la priorité sur la
gestion !
Enfin, Doneddu termine par une énormité, et nous allons le prendre au mot.
Après le discours rituel sur la certification des comptes de la CGT, sur le fait que 73% des recettes proviennent des cotisations, il s'avance dans la précision : sur 161 personnes employées par la Confédération, seulement 27 sont détachées de la fonction publique et des grandes entreprises publiques.
Alors là, camarade (?) il va falloir cracher le morceau :
- Les autres, ils sont payés par qui, par les cotisations ?
- Au Bureau Confédéral, quel est le pourcentage de permanents payés par les cotisations, quel est le pourcentage par les patrons (de Thibault par la SNCF à Oussedik par Saint-Gobain) ?
- A la CE confédérale et au CCN, quel pourcentage payés par les cotisations ?
- Sur l'ensemble des bureaux des UD et des Fédés, quel pourcentage également ?
Vas-y Doneddu, chiche ! Allez, tu as l'air sûr de toi, donne la preuve publique que nous ne sommes que des menteurs et des saboteurs. Tu as les chiffres, aucun souci, donc ?
Nous mettons au défi la Confédération de publier ces chiffres. Et nous sommes sûrs du résultat, comme tous les camarades honnêtes qui nous lisent : entre les détachements, les permanents payés par les entreprises, ceux payés par les départements, les régions et les villes dans les Bourses du Travail, il ne doit pas en rester des masses directement payés par les syndiqués.
Comment peut-on ensuite imaginer un syndicalisme qui remette en cause le système même qui nourrit ces dirigeants ?
La propagande de la confédération peut tromper les camarades mal informés, révoltés à juste titre par les attaques que nous subissons. Mais la réalité est plus forte que les mensonges.
Dans l'offensive actuelle, c'est une CGT de classe que nous défendons, celle à laquelle aspirent nombre de camarades éparpillé(e)s. Pas la CGT corrompue et collaborationniste que nous subissons à tous les niveaux de direction, et qui, en plus nous porte la poisse face à nos collègues de travail, devant qui nous devons argumenter sans fin pour expliquer l'injustifiable.