Jeudi 5 Avril 2012
La CGT avec Mélenchon ?
C'est ce qu'avance sans subtilité la mère Parisot à qui veut bien l'entendre : Bernard Thibault s'engagerait "clairement" aux côtés de Jean-Luc Mélenchon. C'est bien entendu parfaitement faux, et la position confédérale est pour le coup absolument limpide en appelant à ne pas voter Sarkozy sur la base du bilan du quinquennat, nous y reviendrons ultérieurement.
Cela dit, la question mérite d'être discutée, parce que dans notre syndicat on sent un certain engouement pour cette candidature. Mais qu'en est-il réellement ?
Le Front de Gauche a lancé un "Appel de syndicalistes pour le Front de Gauche" (ci-dessous) repris dans l'Humanité le 3 avril avec une sélection d'une soixantaire de signataires (sur 1100 publiées au total). Appel assez médiocre, avec juste un "cahier de revendications" ultra-basiques, très proches de celles de la CGT, mais sans plus. Des revendications "raisonnables", qui ne font pas rêver, quelque part juste éviter de reculer un peu plus. On est bien loin, très loin des discours flamboyants à la Bastille, très très loin d'une autre vie dans une autre société, des véritables aspirations des travailleurs et prolétaires.
D'ailleurs, si on fait le point, cet appel ne fait pas vraiment recette dans la CGT. Sauf erreur de notre part, sur toutes les structures de la CGT, on ne retrouve parmi les signataires au 31 mars que deux secrétaires départementaux (92 et 93), trois secrétaires fédéraux ou assimilés (banque, cheminots, intérim) et deux autres responsables de la CEC. Autrement dit, sur presque 200 responsables nationaux de la CGT même pas dix signataires ! On peut rajouter une poignée d'autres signatures connues, comme le responsable de l'URIF, des responsables d'UL, Raymond Chauveau, mais le compte n'y est manifestement pas.
Deux hypothèses : il y a eu des consignes internes à la CGT pour interdire aux responsables de prendre position, et on comprend mal celles et ceux qui se sont malgré tout mouillés et la publication dans l'Huma, ou ce n'est tout simplement plus à l'ordre du jour. L'appel ne fait pas rêver, les militants se sont complètement repliés sur l'ordinaire syndical, quelque part la marque d'une dépolitisation, quoiqu'on pense du contenu assez faible de l'appel. On est bien loin des prises de position musclées d'il y a quelques années...
« DES LUTTES SOCIALES AUX URNES »
Salariés, militant(e)s syndicaux ou non, nous sommes confrontés quotidiennement aux dégâts que produit la soumission des politiques à la
loi du capitalisme: Fermetures d'entreprises, précarité et chômage massifs des jeunes, temps partiel imposé à une majorité de femmes, retraites amputées, fin de mois difficiles, services
publics dégradés...
En 2005, à la lecture de nos mandats respectifs et de nos revendications pour plus de justice sociale, nous nous étions prononcés contre
le projet de traité constitutionnel européen. C’est la même démarche qui nous conduit à ne pas rester silencieux aujourd’hui.
Les luttes sociales ont été un élément déterminant dans le rejet actuel de Sarkozy. Plus que jamais les luttes dans l'entreprise comme
les luttes interprofessionnelles sont une nécessité, mais elles doivent aussi trouver une traduction politique.
Pour en finir avec Sarkozy et sa politique, Il faut une vraie politique de gauche, pas dans les discours, mais dans les
actes :
- Pour une Europe sociale et démocratique qui implique de faire sauter les carcans libéraux européens : traité constitutionnel, MES, traité instaurant la règle d'or.
- Pour un partage des richesses: revalorisation des salaires avec le SMIC à 1700 euros brut, assurer le départ en retraite à 60 ans à taux plein !
- Pour le développement de tous les services publics, en particulier de Santé, d’Éducation et de Logement.
- Pour des lois qui s'opposent aux licenciements boursiers et aux délocalisations, pour un pôle bancaire public.
- Pour la régularisation des travailleurs sans papiers afin de mettre fin à la surexploitation et à la « délocalisation sur place » Pour une réforme démocratique des institutions et le passage à la VIème république et le respect des libertés syndicales, en particulier du droit de grève
- Pour des droits nouveaux, décisionnels, dans les entreprises pour les salariés et leurs institutions représentatives.
La période va être marquée par des affrontements extrêmement durs contre les forces libérales et leurs supplétifs d'extrême-droite. La
réalité que subissent les peuples grecs, portugais, espagnols en est la première illustration et elle se propage sur tout le continent européen.
Dans la campagne présidentielle, Madame Le Pen, fille de l’héritier des ciments Lambert, et Sarkozy, ami des patrons, ont beau
dire qu’ils sont les candidats du peuple, cela ne trompe personne, ce sont les candidats du patronat. Quant à la position du candidat socialiste, il faut qu’il fasse un choix clair : soit
rassurer la finance, soit s’engager dans une politique de gauche.
Le Front de Gauche prône une autre répartition des richesses, explique clairement que les intérêts du monde du travail et ceux des
grands actionnaires sont diamétralement opposés, s’engage pour le retour à une retraite à taux plein à 60 ans, fait de la hausse des salaires une priorité, il a le courage de refuser l’austérité
et de proposer une autre politique… C’est bien ce dont nous avons besoin pour œuvrer au rassemblement politique pour toutes celles et tous ceux qui résistent et qui souhaitent la rupture avec les
politiques actuelles.
Signataires, nous appelons les salariés à s'investir dans cette campagne politique pour faire gagner le programme du Front de
Gauche.
Nous appelons à voter et faire voter pour le candidat du Front de Gauche aux Présidentielles: Jean Luc MELENCHON ainsi que pour
les candidats Front de gauche aux législatives."
Qui a vraiment envie de se mobiliser avec enthousiasme sur cette base, où l'on sent bien qu'il s'agit d'aménager les choses, de limiter les dégâts surtout sans bouleverser l'ordre
existant ?
C'est surtout cela qui est frappant. La réalité de la guerre économique, de la concurrence mondialisée sont totalement absents.
L'alternative est réduite à une caricature : soit rassurer la finance, soit faire une politique de gauche !!! Le capitalisme n'est compris que comme une accumulation d'attaques, comme la manière
de gérer la société et pas comme un système, et jamais ses règles fondamentales que sont le marché, le taux de profit, la concurrence, la compétitivité, l'exploitation ne sont abordées. La porte
est ouverte au rêve illusoire d'un capitalisme gentil, à visage humain, raisonnable et responsable. Là pour le coup, on retombe pile poil dans les positions confédérales de la CGT !
Il faut dire que quand on a lu l'interview de Jean-Luc Mélenchon aux Echos (voir ci-contre), les éventuels enthousiastes vont devoir raser les murs. Il faut lire cet interview à la presse économique libérale, pour voir comment Mélenchon donne des gages, se montre raisonnable et compréhensif...
Le point levé, le drapeau rouge, Louise Michel et la Commune sont bien loins...
Et certains s'en rendent bien compte.
Ainsi, dans le Pas de Calais, un militant sollicité pour signer l'appel répond sous le titre "La question est faut-il voter ?" en soulignant le caractère très institutionnel de la
campagne de Mélenchon et son absence de mobilisation à la base. Il a parfaitement raison et nous invitons nos lecteurs à aller lire son argumentaire.
Outre le contenu du programme de Mélenchon, résumé dans les Echos, ou un ensemble de revendications immédiates dont certaines peuvent être tout à fait justes (sur les sans-papiers par exemple), c'est une candidature réformiste, dont les promesses (comme disait Pasqua) n'engagent que ceux qui y croient.
Dans l'hypothèse même où Mélenchon serait élu, il aura vite fait de s'aligner sur les règles du jeu du capitalisme
mondialisé, à l'image de Mitterrand en mars1983, avec l'arivée de "la rigueur" sous l'égide de Mauroy...