Vendredi 28 septembre 2012
L'enjeu syndical du Salon de l'Automobile 2012
Depuis quatre ans, le salon de l'automobile est l'occasion de rassemblements d'ouvriers en colère contre les vagues de restructurations qui s'empilent les unes derrière les autres, laissant à chaque fois des milliers de chômeurs sur le carreau.
En 2008 ("Tous au Mondial de l'Automobile le Vendredi 10") comme en 2010 ("Mondial de l'Automobile : épisode II (2010)"), c'était une manifestation de combat, l'invasion du Salon pour montrer la colère ouvrière, le refus d'être la chair à canon de la guerre économique. Ca avait de la gueule, ça donnait la pêche, même s'il n'y avait guère de perspectives pour la suite. En tous les cas, ça redonnait le moral aux participants !
Cette année, le Salon de l'Automobile se déroule dans un double contexte particulier :
1) D'abord, une une nouvelle vague de la crise mondialisée dans l'automobile, qui va amener fermetures et licenciements dans le monde entier. C'est le plan Varin à PSA, les 8000 licenciements dont la fermeture d'Aulnay, mais aussi la perspective d'autres fermetures d'usines, sans compter l'impact sur les sous-traitants et toutes les conséquences sur les populations concernées ("29 septembre : meeting départemental pour l'emploi à Aulnay (93)").
La crise est profonde, la concurrence s'aiguise, les taux de profits ne sont plus suffisants au regard d'autres secteurs plus rentables. Après les suppressions d'emploi de 2008/2009, les années 2013/214 vont être sombres.
2) Ensuite l'arrivée de Hollande à la présidence et de Montebourg au "redressement productif". Cela provoque des hésitations et des espoirs, même limités, parmi une frange des travailleurs et des syndicalistes. Même s'ils n'ont guère de véritables illusions, ils espèrent pouvoir mettre la pression pour limiter les dégâts. Ce qui conduit à un attentisme et une prudence déjà bien connus lorsque la gauche est aux manettes... Hier, Montebourg était à Florange, il avoue son impuissance, avant-hier il acceptait le rapport Sartorius pour PSA ("PSA : des expertises pour quoi faire ?"), on voit où cela mène...
C'est dans ce contexte qu'arrive le Salon.
Evidemment, dès la fin de l'été s'est posée la question d'une nouvelle manifestation à cette occasion, comme les années précédentes.
De leur côté, les Ford Blanquefort (l'usine de Philippe Poutou) avaient une nouvelle fois décidé de faire cavalier seul dès avant l'été, et dans une perspective bien limitée : manifestation intersyndicale encadrée par le CE, manifestation négociée avec les organisateurs du salon (billets achetés à l'avance), mots d'ordre bien pâles autour de la défense des emplois : "le retour sans délais du nom et du logo Ford", "l'Intégration pleine et entière de l'usine FAI dans la stratégie industrielle de Ford"... C'est vraiment pour le coup "intégrer pleinement" la lutte des travailleurs à l'avenir du capitalisme... Nous ne sommes pas là dans une stratégie de démarcation (n'en déplaise à la CGT Blanquefort, piégée manifestement dans une intersyndicale réformiste - à moins que ?) mais dans une stratégie économico-responsable... Rien d'étonnant à ce qu'une nouvelle fois ("Les Ford au Mondial de l'automobile le 2 octobre 2010") les Ford font bande à part, alors que tous les autres syndicats de l'automobile ont décidé d'intervenir ensemble dans le cadre de la journée du 9 octobre. On est un peu loin du "Tous ensemble !", n'est-ce pas ?
C'est du côté des camarades de la CGT Renault et PSA que l'initiative s'est construite, mais pas sans mal !
Il a fallu vaincre des réticences, certaines évidentes, d'autres surprenantes.
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Le 30 août, réunion du Cartel (coordination) des syndicats CGT Renault. La Fédération de la Métallurgie CGT s'oppose
frontalement à la perspective d'une manifestation au Salon de l'Automobile. Outre les arguments de circonstance empilés pour s'y opposer, ce qui ressort c'est le refus de voir les images
combatives des manifestations passées dans les médias, en gros l'image de Astérix et des Gaulois dévastant un camp romain. Soi-disant les images de la manif de
2010 ne "seraient pas passées dans les boîtes et auraient fait de gros dégâts" (auprès de qui ??), pas question de rentrer dedans, et puis il y a déjà une manifestation tous ensemble pour le 9
octobre, il ne faut pas diviser avec l'automobile (même pas peur, dans les arguments foireux...), et puis attention à la répression etc. Seules la CGT Cléon et Flins ont défendu la perspective
de cette manifestation, face au tir de barrage de la fédération et de la CGT du Mans.
Il faut le dire : le fond de l'affaire est clairement politique. Autant en 2008 et 2010 les images de l'invasion du Salon de l'Auto dérangeaient un peu certes par leur radicalité, mais on s'en accomodait face à Sarkozy/Parisot, autant aujourd'hui, la donne est bien différente. Et même si ce n'est pas avoué, les dirigeants de la CGT (PS ou PC) ne veulent pas d'images identiques avec Hollande/Montebourg. Il ne faut surtout pas gêner le nouveau gouvernement, même si on le trouve un peu trop mou...
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Le 3 septembre a lieu le Comité de Groupe CGT PSA, et à nouveau le sujet revient sur la table. Une nouvelle fois, la
fédération de la métallurgie s'oppose à cette manifestation au Salon de l'Auto. Cette fois, la plupart des syndicats du groupe se déclarent favorables à une manifestation au Salon, le matin du
9 octobre, avant de défiler à la manifestation parisienne. C'est ce qui sera retenu au final. Mais là, on a aussi constaté (outre l'attitude de la fédé, bien constante), les réticences de JP
Mercier représentant la CGT Aulnay, avec des arguments un peu bizarres : "surtout pas de grabuge, ça nous desservirait", "pas d'autocollants sur les voitures" ou bien "c'est difficile
d'organiser techniquement", pas vraiment une opposition franche et ouverte, mais plutôt une opposition savonnette... Comme si la CGT Aulnay voulait bien d'une manifestation, mais
pas trop radicale pour ne pas se couper des secteurs représentés par le SIA à Aulnay...
Alors que les autres camarades de PSA manifestaient au contraire la nécessité d'une réaction commune, concertée, la plus large possible face au plan Varin, d'une réaction sortant du train train ordinaire, et manifestaient une démarcation ouverte avec la fédération, la CGT Aulnay se retrouvait plutôt en retrait...
Au final, la perspective d'une manifestation au Salon le matin était confirmée, mais les modalités restent très confuses : manifestation ? rassemblement ? dedans ? dehors ? quelle heure ? Tout cela restait en plan.
- Le 8 septembre, la CGT de PSA Sochaux fête à sa manière les 100 ans de l'usine, avec en particulier un débat en présence de P. Jullien de Aulnay. Là encore on percevait les hésitations à élargir, et surtout le silence complet autour du 9 octobre et du Salon de l'Automobile, la crainte d'un mouvement d'ensemble de tout le groupe PSA "qui montrerait notre faiblesse s'il n'était pas suivi", comme argument de lutte, on fait mieux...
Depuis ces dates, il est établi qu'il y aura bien une manifestation le matin devant le Salon de l'Automobile. Mais c'est encore extrêmement confus. L'heure d'appel varie selon les tracts entre 10h00 et 11h30, et il est clair que plus le rassemblement est tardif, plus il sera réduit compte tenu du départ de la manifestation Place d'Italie à 13h30, où il est prévu que tous les PSA soient en tête...
On voit que si l'initiative est bel et bien campée, les réticences restent :
- celles de la fédération, politiques face au gouvernement Hollande, qui va probablement maintenant tout faire pour encadrer et éviter les débordements.
- celles des syndicats qui refusent l'élargissement pour des raisons locales (unité avec des réformistes) ou particulières (peur de l'image donnée)... alors que l'occasion est bien entendu exceptionnelle et unique. Par exemple, force est de constater le silence complet de la CGT PSA Aulnay sur le 9 octobre... Même si la situation est compliquée sur l'usine (c'est vrai), même si les échéances doivent se mener les unes après les autres, cela se prépare, et il n'y a même pas une allusion !
Par ailleurs, les appels se multiplient, la CGT Renault Cléon, la CGT PSA Poissy, la CGT Métallurgie Nord Pas de Calais, la CGT Goodyear, et d'autres viendront dans les jours à venir.
Pour notre part, nous soutenons cette initiative de lutte, d'unité et de radicalité, initiative qui de fait sera une des premières manifestations de défense de l'emploi sous le gouvernement Hollande/Montebourg, ce qui, effectivement, comme le pense la fédération de la métallurgie CGT, lui donnera un caractère politique.
Mais nous, on l'assume !
Tous, à partir de 10h00, devant le Salon de l'Automobile,
Porte de Versailles !