Mardi 12 mars 2013
Goodyear : les sens de la violence ouvrière
Lors du rassemblement des Goodyear le 7 mars dernier à Rueil, des affrontements brefs, mais violents ont eu lieu entre
manifestants et CRS. Pneus enflammés, gazages, véhicule de CRS à moitié brûlé (cela ne s’était pas vu depuis longtemps), blessés de part et d’autres, les ouvriers étaient vraiment en colère
!
Autant lors du premier rassemblement du 12 février les jets d’œufs avaient un petit caractère rituel (« Travailleurs de Goodyear, prêts pour le combat »), autant là, c’était
autre chose, un vrai combat de rue.
A peine descendus des cars, les pneus étaient enflammés et les affrontements commençaient et duraient toute la matinée, de
manière sporadique. Même les élus officiels au CCE avaient droit au gazage au retour en réunion après une suspension de séance.
Il n’en fallait pas plus au gouvernement et à Valls en particulier pour montrer les crocs, dans la continuité des
affrontements avec les sidérurgistes européens à Strasbourg où un jeune intérimaire belge a perdu un œil, puis à PSA (la vidéo date de ce moment). Aujourd'hui, il annonce des poursuites
judiciaires contre des ouvriers de Goodyear, et quatre CRS ont porté plainte...
L’enjeu dépasse largement la restructuration à Goodyear, et c’est comme cela qu’il faut comprendre la réponse du gouvernement. La crise s’approfondit, une nouvelle vague de restructurations est en train de passer telle un rouleau compresseur, et la révolte populaire grandit : quoi, le nouveau gouvernement, celui qui avait tant promis aux ouvriers, fait finalement comme Sarkozy/Guéant ? Quoi, il distribue des milliards aux patrons ? Quoi, il avoue son impuissance face aux restructurations et valide les fermetures annoncées, à Mittal, Petroplus, PSA, Goodyear, Sodimedical et ailleurs ? Beaucoup d’ouvriers, de syndicalistes honnêtes encore pleins d’illusions après avoir viré Sarkozy se disent « mais c’est pas ça qu’on attendait ! ».
Aujourd’hui, il y a beaucoup de découragement et d’attentisme, mais la révolte et la colère grandissent parmi la minorité combattive des travailleurs. A PSA, on est dans la neuvième semaine de grève ! A Goodyear, après la phase d’abattement, c’est la colère qui monte, même si c’est encore une minorité.
Le gouvernement, le patronat et les bourgeois en général (dont les journalistes sont les chiens de garde) ne sont pas plus bêtes
que les autres, ils savent aussi faire cette analyse. Ils savent qu’on est dans une période critique, que l’explosion peut menacer. Alors, c’est la politique du bâton, claire et nette. «
Hollande, c’est CRS, gazage, CRS, gazage », comme le dit un camarade de Goodyear. Ce sont les menaces contre les supposées « violences » à Aulnay et les procédures de licenciement en cours, c’est
l’affrontement à Strasbourg contre les sidérurgistes. C’est l’affrontement à Rueil, et peut-être des poursuites à venir. Ce sont les interviews menaçantes à la télévision pour exiger sous la
pression des excuses ou une auto-critique…
On aurait tort de faire porter la responsabilité de la violence directe aux seuls CRS ou à leur seule présence, même s’ils représentent ouvertement la force armée qui maintient
l’ordre capitaliste (ce ne sont pas des « gentils fonctionnaires à notre service »...). C’est ce que tentent d’expliquer quelques syndicalistes maladroits pour tenter de minimiser les faits
(c’est dans ce sens que va le communiqué de la FNIC, ci-contre, communiqué pas mal par ailleurs).
Ce n’est pas vrai. C’est toute la violence de la crise qui écrase les travailleurs qui ressurgit dans la révolte des camarades, et qui va se développer, on peut en être sûr. Les ouvriers n’en peuvent plus d’une vie sans avenir, envoyés à Pôle Emploi et aux Restaus du Cœur alors que les bourgeois se gavent.
C’est la colère du peuple qui monte et qui s’exprime dans ces affrontements ! Cela, Hollande/Valls/Parisot le savent, et il faut absolument la briser avant qu’elle ne s’étende, d’où la répression, déjà l’intimidation dans un premier temps.
Camarades ouvriers, « on a raison de se révolter » et notre violence est juste. Mais la révolte, sans la conscience et l’organisation, sans une perspective révolutionnaire, ne mène qu’à l’impasse et à la répression. L’enjeu, pour le mouvement ouvrier, pour les travailleurs en général, pour tout le mouvement populaire, c’est de comprendre ce qui se passe, et de s’organiser pour savoir comment y réagir. C’est une question politique essentielle, c’est par voie de conséquence une question syndicale de classe (« 50ème congrès : quelques débats d’orientation »). A Goodyear, comme à PSA, à Mittal ou ailleurs, la riposte de classe et la violence ne pourront prendre de sens qu’organisées, sinon, gare au bâton !
L’enjeu des affrontements à Goodyear même
Tous les articles sur la lutte à Goodyear, ICI
Dans l’usine aujourd’hui, tout le monde ne parle que de ces affrontements et des possibles poursuites. La fermeture, le PSE, les réunions du CCE et l’avenir proche sont passés à la trappe.
Il faut dire aussi qu’il n’y a aucune information, et que tout est très confus.
Personne ne sait exactement ce qui s’est passé aux deux CCE du 7 mars, l’un ordinaire le matin pour examiner le rapport de l’expert SECAFI qui a en gros validé les projets patronaux (comme quoi, les experts… nous avons dit ce qu’il fallait en penser à propos de PSA !!! « PSA : des expertises, pour quoi faire ? »), l’autre extra-ordinaire l’après-midi dont on ne connait pas l’ordre du jour.
Les supposées résolutions votées par le CCE et lues lors du rassemblement du 7 mars sont en fait horodatées de la veille (à la préparatoire ?), personne n’y comprend rien, c’est plus que bizarre !
Rien de tout cela n’est affiché dans l’usine ni commenté, et cela agace beaucoup de monde, car c’est le flou le plus complet sur les perspectives. On sait qu’il y a un comité de groupe européen le 13 mars, on sait qu’il y a un nouveau CCE le 22 mars (peut être le dernier), on sait qu’il y a eu un CE le 8 et un CHSCT le 11… au final, pas de compte rendus, l’incertitude.
On a l’impression que les jours passent, que l’équipe CGT est dépassée et impuissante, malgré ses discours, piégée et engluée dans la voie juridique et que d'un autre côté la procédure suit son cours dans l’ombre.
Ce qui transparaît c’est que d’un côté la CFDT et la CGC travaillent sur un plan de départs volontaires et une reprise par un investisseur indien, et de l’autre la CGT travaille sur un projet de SCOP qui ne reprendrait qu’une partie du personnel… Bref, pour ces syndicats officiels, on est déjà dans « l’après-Goodyear » et le combat pour l’emploi pour tous n’est plus à l’ordre du jour…
C’est aussi ce qui explique la colère des camarades de Goodyear : se sentir impuissants dans des événements qui les dépassent, qui
sont gérés en dehors d’eux alors que c'est de leur vie qu'il s'agit, d’un côté la direction, de l’autre l’équipe CGT qui ne fait
rien pour organiser sérieusement la riposte. L’heure est à ce que les travailleurs prennent leurs affaire en mains, et serait évidemment à mettre
en place un Comité de Lutte, comme à PSA, mais il ne semble pas en être question.
En plus les élections professionnelles à venir fin mars compliquent un peu plus le contexte, en particulier pour la CGT de l’usine coincée entre la radicalité croissante des travailleurs et son réalisme juridique…
Cela dit, les dirigeants de la CGT sont parfaitement conscients qu’ils sont sur une poudrière. Lors du rassemblement du 12 février, Mickaël Wamen avait dénoncé les « provocateurs » (!) qui jetaient des œufs sur les CRS, là, il a refusé de dénoncer les affrontements, il a dénoncé le gouvernement et est allé rechercher le camarade qui avait été attrapé par les flics. C’est qu’il sent que ça se radicalise, que ça pourrait lui échapper sachant sa marge de manœuvre juridique est de plus en plus réduite. Certains camarades de l’usine lui font encore plus ou moins confiance pour stopper le processus, mais il ne reste plus qu’une seule et dernière réunion officielle du CCE.
La désillusion grandit parmi les travailleurs, et ils ne sont pas prêts à attendre sans rien faire et à se laisser mener à l’abattoir.
La menace de poursuites stérilise en ce moment les discussions dans l’usine, et c’est normal faute de perspectives. Maintenant, il faut aller de l’avant, ne pas en rester à la baston face aux CRS, mais avancer dans l’organisation de la résistance offensive aux plans de Goodyear, et à ses soutiens, au MEDEF et au gouvernement. Il est encore temps de s’organiser et d’élargir le combat avec d’autres camarades en lutte !