Lundi 31 décembre 2012
Congrès CGT : un rapport d'activité en mode autosatisfaction
Ca y est, le 50ème Congrès est lancé. Le site est ouvert, les documents sont
parus et en ligne, chacun peut voir où on en est.
Bon, on ne se fait pas trop d’illusions… Les délégués sont déjà quasiment tous désignés dans les fédés (au fait, vous étiez au
courant, vous ?), ça s’est fait en petit cabinet feutré, entre copains, au moins c’est tranquille ça évite les soucis – du moins ça les limite. Il est vrai qu’à Nantes, ça avait chauffé un
petit peu, malgré le verrouillage. La candidature de Jean-Pierre Delannoy avait mis de l’animation ("Un candidat contre Thibault au 49ème Congrès !"), et les interventions
critiques n’avaient pas manqué !
Nous verrons bien ce qu’il en sera à Toulouse, mais la température interne est pour l’instant au plus bas. Les opposants sont
repliés sur les entreprises et les luttes locales, et même le vaudeville de la succession de Bernard Thibault n’a suscité guère d’intérêt. Il ne reste que deux mois et demi, ça risque d’être bien
bâclé (en 2009, les documents avaient été publiés fin juillet, 4 mois avant le Congrès).
Bien, arrêtons de jouer aux grincheux (à notre habitude, dirons certains…) et revenons aux documents.
Pour commencer, nous invitons nos lecteurs intéressés à revenir sur la préparation et le déroulement du Congrès précédent, c’est
très instructif, et nous n’allons pas tout reprendre, il y a déjà de la matière (« Le 49ème Congrès, sa préparation et son déroulement »).
Pour ce qui est du congrès à venir, nous allons commencer par examiner le rapport d’activité (téléchargeable ci-contre ou sur le site du Congrès), ce que nous n’avions pas fait pour les congrès précédents. Pour alléger le document, nous
renvoyons fréquemment aux articles parus sur ce blog autour des diverses questions abordées.
Pour commencer, y a-t-il un problème de défense de l’emploi en France ? Pas
pour la CGT, semble-t-il.
Dans ce rapport, il n’y a rien en tant que tel sur l’emploi et la lutte contre les licenciements, juste une vague allusion en
début de texte, comme une seule vague allusion à la lutte contre la précarité.
Rien sur les luttes exemplaires des milliers de travailleurs pour conserver leur emploi ces trois dernières années. Rien sur les
conflits emblématiques qu’ont été (et que sont toujours) Philips, Continental, PSA, Goodyear, Fralib, Petroplus et bien d’autres, les manifestations au Mondial de
l’Auto en 2010 et en 2012, ces luttes d’ouvriers qui se battent avec détermination
pour conserver leur emploi, qui ne veulent pas se retrouver au chômage.
La Confédération n’aurait-elle aucun bilan, rien à dire sur le sujet ? Sur la politique des monopoles, la guerre
économique, les délocalisations, les profits du capital, la concurrence mondialisée ? Probablement pas, d’ailleurs ces termes sont absents du rapport d’activité – vous pouvez vous amuser à
chercher. Dans le rapport d’activité du Congrès de Nantes ( ICI), il y avait quand même une partie intitulée « La crise du capitalisme mondialisé ». Il n’y a plus rien aujourd’hui, la
CFDTisation progresse peu à peu.
Pour celles et ceux qui veulent profiter de l’occasion pour apprendre un peu, nous renvoyons à la section de ce blog consacrée à
la formation de base (le fameux « Glossaire » ICI).
Pour la Confédération, la « crise » existe bel et bien, mais ce n’est pas la crise d’un système fondé sur la propriété privée,
sur l’exploitation, sur la division de la société en classes opposées qui se mènent une guerre sociale permanente. Pour nos dirigeants, c’est juste une crise de mauvaise gestion, de mauvaise
répartition des richesses, alimentée par des patrons-voyous et des financiers trop voraces.
Soyons honnêtes : il s’agit d’un rapport d’activité, qui doit donc être jugé au regard du document d’orientation du 49ème
Congrès de Nantes. Et nous avions déjà noté à l’époque (« Rapport d’orientation au 49ème Congrès : dans quel monde
vivons-nous ? ») que la lutte pour l’emploi était tout aussi absente du document préparatoire comme le capitalisme et la lutte des classes l’étaient. Ah, oui, quelques amendements avaient
ensuite été acceptés au Congrès, juste quelques formules pour calmer la colère et donner quelques miettes aux supposés « opposants » internes. Mais des mots, rien que des mots… Le rapport
d’activité, trois ans après est là pour en juger…
Le rapport aborde quand même le thème de l’emploi, mais par deux volets annexes : « Transformer le travail » (B1) – encore
faut-il qu’il y en ait ! – et « Une industrie au service du développement humain durable » (B8). Comme si le « travail » était en fait une donnée quelque part neutre, comme si le travail n’était
pas le reflet de l’exploitation (le mot est d’ailleurs lui aussi absent du rapport d’activité). Comme s’il ne s’agissait que « d’infléchir les logiques dans lesquelles s’est enfoncé le système
capitaliste » (A1) - système qu’on ne conteste même plus… Nous avions noté il y a trois ans la décadence où on en était arrivé, rêver à « un développement humain durable » dans une société
capitaliste. C’est pourtant le fondement confirmé aujourd’hui de l’analyse confédérale de la société et de ses contradictions économiques, sociales et politiques.
Pour ce qui est de l’emploi industriel, nous renvoyons à la section du blog qui traite de la question (ICI) en miroir à la section
équivalente du rapport d’activité.
Quelques autres volets du rapport d’activité
Concernant le « long conflit unitaire contre la réforme des retraites » (B2), la CGT se gargarise du rôle qu’elle a tenu dans le
conflit. Elle est pourtant bien silencieuse sur son échec, resté en travers de la gorge des militants les plus déterminés et combatifs de ce mouvement national qui aurait pu gagner, si seulement
on avait accepté de paralyser le pays.
Nous renvoyons à la lecture de la section du blog concernée à ce conflit, ICI.
Concernant, le grand mouvement de lutte de nos camarades sans-papiers, le résumé proposé par le rapport d’activité (« On
bosse ici, on vit ici, on reste ici », B3) est simplement honteux, à l’image de la manière dont les dirigeants confédéraux ont dirigé le conflit. Ce sont nos camarades de Lille qui vont
apprécier… morceau choisi de langue de bois :
« Ces vastes mouvements de grèves initiés par la CGT ont permis à plus de 6 000 salarié-e-s sans papiers d’être régularisés depuis
2008.
Ils auront aussi permis, par une implication contrainte ou volontaire des employeurs, de « remettre d’équerre » un très grand nombre de
situations de travail, de sortir du travail au noir des centaines de travailleuses et travailleurs, de leur redonner de la dignité, les ouvrir au fait syndical et en particulier à la
CGT.
Les actions d’occupations et de grèves se poursuivent en cet automne 2012 encore. Elles contraignent le gouvernement à ouvrir des
discussions avec les organisations syndicales et patronales, et les ministères du Travail et de l’Intérieur. Une circulaire de régularisation qui précise des critères applicables partout est
enfin acquise. Mais elle est insuffisante pour reconnaître dans leurs droits notamment celles et ceux qui sont contraint-e-s au travail au noir. »
Pour apprécier correctement la réalité, il vaut mieux lire la centaine d’articles parus sur ce blog depuis cinq ans, ICI, en particulier les derniers
articles à propos de la circulaire Valls.
Et ainsi de suite...
Des modes d’organisation pour la syndicalisation
(Nous reprenons ici le titre de la partie C du rapport d’activité).
Comme d’habitude chez nous, on arrive là dans une section « langue de bois + + » réservée à quelques initiés capables de
décrypter les vides entre les virgules.
A la CGT, on ne dit pas les choses, on y fait allusion. On se gargarise de formules (« Vivre ensemble, travailler ensemble dans
la CGT » C2), mais on cache toutes les contradictions, les soucis, les problèmes, au lieu de les mettre sur la table et de les résoudre collectivement et ouvertement.
Vous ne saurez donc rien des méandres de la succession de Bernard Thibault et des contradictions réelles qui se cachaient
derrière les diverses candidatures, les conflits d’autorité, les ambitions de carrière des dirigeants – mais oui –, les fédérations qui défendent leurs petits prés carrés, le rôle des experts
cachés derrière toutes les directions et tutti quanti. Voir ICI sur le blog.
Vous ne saurez rien de la guerre totale qui se déroule à l’intérieur de la Fédération du Commerce ( ICI), de l’échec de la fusion de la Fédération Construction-Bois et de celle du Verre Céramique, des procès qui ont mis face à face la Confédération et les
Ports et Docks, des embrouilles dans l'UD 94... Vous saurez que la nouvelle « Commission d’affiliation » a eu à intervenir, mais vous ne saurez pas sur quoi !
Vous
ne saurez rien des relations suspectes entre la direction confédérale et les divers pouvoirs politiques. Pas seulement face à Hollande aujourd’hui qu’il ne faut surtout pas critiquer
ouvertement, mais aussi les relations honteuses avec Sarkozy jusqu’au milieu 2010 (« Elections : Thibault vs Sarkozy ? »), à tel point que les Echos pouvaient titrer « L’alliance Sarkozy-CGT » en février 2010 (voir ci-contre)…
Vous ne saurez rien des multiples procédures juridiques concernant la gestion des Comités d’Entreprise dans le privé comme dans
le public, à la SNCF (où les élus CGT se comportent en patrons voyous), à EdF, à Air France, chez les territoriaux, à Disney et dans bien d’autres endroits, qui ont donné lieu à des campagnes de
dénigrement de la bourgeoisie. Mais pour pouvoir y répondre, il aurait peut-être fallu faire le ménage, et là, ça tique !
Vous saurez qu’il fait bon vivre dans la CGT, que la démocratie est parfaite… Mais quel militant peut encore accepter d’y croire
?
En conclusion
Rien de vraiment étonnant à ce rapport d’activité, au final. Beaucoup d’autosatisfaction, les problèmes et contradictions mis de
côté, tout est prêt pour qu’on continue comme avant.
Nous poursuivrons sous peu avec l’examen du document d’orientation, mais nous pouvons déjà dire qu’il n’y a rien à en
attendre.
Dans l’immédiat, il semble plus intéressant de discuter dans les syndicats ce rapport d’activité, car il permet
d’être concret, de mettre en relation un discours avec la réalité de ce qui s’est passé que chacun(e) connaît et peut juger.
Les discussions sur les documents d’orientation sont toujours difficiles, très générales, et donnent la parole aux bavards. La
discussion sur le rapport d’activité permet au contraire à chacun(e) de se faire un point de vue sur l’orientation de notre syndicat, c’est un peu le bilan que nous tirons de la préparation
des congrès précédents.
Il va y avoir quelques opportunités de débat (peut-être, on peut rêver !). La direction confédérale vient d’envoyer une lettre aux syndicats (ci-contre) où elle annonce une série de
débats thématiques sur les enjeux du Congrès. Cela peut-être l’occasion d’y participer, pas tellement pour imaginer mener la polémique (nous n’en sommes pas là !!!), mais pour comprendre où on
nous entraîne, pour former des jeunes – et moins jeunes – syndicalistes, pour construire sur la base de la critique un syndicalisme de classe offensif pour l’avenir !
Les forums à venir :
Toulouse, 30 janvier | Bernard Thibault | Protection Sociale |
Marseille, 7 février | Thierry Lepaon | Nos ambitions revendicatives |
Caen, 12 février | Bernard Thibault | Les responsabilités du syndicalisme aujourd'hui |
Nancy, 21 février | Bernard Thibault | Les jeunes : leurs revendications et leur syndicalisation |
Paris, 26 février | Thierry Lepaon | Enjeux territoriaux, espaces cohérents de revendications et de conquêtes sociales |
Lille, 6 mars | Thierry Lepaon | Une politique ambitieuse de syndicalisation à la CGT |
Grenoble, 7 mars | Bernard Thibault | Pérenniser et développer l'industrie et les services publics |