[Les divers rapports de pays sont issus du CITA. Nous pouvons ne pas en partager tel ou tel aspect]
1) Le développement en Amérique latine
L’Amérique latine comprend 21 pays avec une population de 560 millions, constituée d’un mélange de peuples qui s’est crée au cours de la colonisation par des pays européens. La population indigène a été éliminée à 90 % par les colonisateurs, qui « importaient » ensuite 9 millions d’esclaves d’Afrique comme main-d’œuvre. C’est la base de la diversité ethnique typique d’Amérique latine.
Les plus grands pays sont : Le Mexique avec 110 millions et le Brésil avec 195 millions d’habitants. Ce sont aussi les pays avec la plus grande industrie automobile, avec 137 000 resp. 321 000 ouvriers. Une industrie automobile non négligeable existe aussi en Argentine, au Venezuela et en Colombie. Nous sommes heureux de souhaiter la bienvenue à des participants de tous ces pays au 6e Conseil des ouvriers de l’automobile (international).
Politiquement, l’Amérique latine a connu une agitation révolutionnaire, dans le contexte de l’Argentinazo, l’insurrection nationale du peuple d’Argentine en décembre 2001 qui avait des répercussions dans d’autres pays. Elle a entraîné d’autres rébellions, qui ont culminé avec un soulèvement de 4 semaines en Bolivie. Mais aussi en Équateur, au Paraguay, au Pérou et en Uruguay, des luttes massives se sont déclenchées. En relation avec ce développement, des gouvernements anti-impérialistes ont été établis au Venezuela, en Bolivie, en Équateur ; et aussi au Nicaragua, en Honduras et au Paraguay, des forces progressistes sont arrivées dans les gouvernements, qui expriment les tendances anti-impérialistes et socialistes de la population. Des gouvernements réactionnaires ont été remplacés au Brésil, en Argentine, au Chili et en Uruguay, qui sont l’expression d’une tendance internationale vers la gauche. La solidarité avec le Venezuela s’est développée dans le monde entier. À dessein, la Conférence mondiale des femmes de la base en 2011 a été prévue au Venezuela, et elle est soutenue par le gouvernement Chavez.
Divers pays d’Amérique latine mènent une politique visant à se rendre indépendants de l’influence des États-Unis et ne veulent pas se résigner à l’exploitation néocoloniale par ceux-ci. Ce qui explique l’échec de la zone de libre-échange prévue pour le continent entier sous contrôle des États-Unis, qui avaient l’intention d’approfondir ainsi la dépendance économique et politique de l’Amérique latine des États-Unis. Au début des années 90, le Mercosur a été fondé, qui doit bientôt être remplacé par une « Union des États sud-américains ».
Avec les élections de gouvernements progressistes et en partie anti-impérialistes, qui nourrissent les illusions sur la capacité de réforme pour les conditions d’exploitation capitalistes et impérialistes, le processus d’effervescence révolutionnaire en Amérique latine a régressé. Au Venezuela, le gouvernement Chavez a réalisé diverses réformes sociales et nationalisé des groupes industriels étrangers, ce qui a exacerbé les contradictions avec le capital financier international. Le stationnement actuel de la 6e flotte des États-Unis devant la côte du Venezuela et la menace constante du pays en témoignent. Les États-Unis essaient de faire de la Colombie le terrain de rassemblement de troupes contre les gouvernements non désirés en s’y servant, avec l’accord du gouvernement réactionnaire d’Uribe, de sept bases militaires, dont deux ports, sous couvert de la soi-disant lutte contre le trafic de drogues. Les profiteurs réels de ce trafic de drogues sont les classes dominantes de la Colombie. Hugo Chavez a dit clairement que le Venezuela se prépare à une attaque colombienne. Mais en menaçant les gouvernements anti-impérialistes de gauche, les États-Unis se voient confrontés à une large résistance parmi les masses d’Amérique latine.
2) Les luttes et discussions importantes des ouvriers de l’automobile
Le Brésil, qui est le plus grand pays d’Amérique latine, a aussi la plus grande industrie de l’automobile. Depuis des années, des grèves importantes sont menées dans certaines grandes usines de l’automobile, car il y a le personnel expérimenté dans les luttes, concentré dans les centres de la production automobile.
Au début de 2008, on a fait le chantage suivant au personnel de GM à São José : « Si vous acceptez une détérioration des conditions de travail, vous obtiendrez 600 emplois supplémentaires. » Le syndicat combatif a fait un travail de sensibilisation intense, disant que les ouvriers ne devaient pas se laisser monter les uns contre les autres. Résultat : le personnel a repoussé ce chantage, ce qui lui a valu une solidarité nationale pour sa fermeté – mais GM a installé les emplois à São Caetano, où le syndicat a fait des concessions.
Au début de 2009, GM a annoncé 800 licenciements à São José. Par conséquent, des collègues ont posé la revendication de réduction du temps de travail avec compensation de salaire intégral. Les ouvriers y ont tiré des leçons importantes d’aller dans l’offensive pour des emplois, d’attaquer le groupe, de prendre l’initiative, au lieu de laisser à GM l’initiative de diviser le personnel des différentes usines.
C’est sur l’expérience de ce conflit que le syndicat Conlutas a lancé un appel pour une journée d’action internationale. Voilà la bonne voie pour répondre aux attaques de GM par le regroupement international des ouvriers. Ici, l’idée du Conseil international des ouvriers de l’automobile est mise en application. C’est un défi pour raffermir davantage notre collaboration et pour apporter notre contribution à la coordination internationale des luttes.
En Avril 2009, des ouvriers de General Motors à São José dos Campos ont organisé une journée internationale pour le maintien des emplois. Une citation de leur appel : « Nous appelons à une journée internationale d’action contre les licenciements et le démontage de nos droits et de nos salaires ! … Contre l’attaque globale des entrepreneurs, nous devons élaborer une réponse globale. Il faut que nous rattachions des initiatives comme les actions des ouvrières et ouvriers de GM EUROPE de ces derniers jours, en un centre commun pour les concentrer et les répandre davantage. »
Il faudrait réfléchir à la question s’il n’est pas temps d’organiser des actions coordonnées par-dessus les frontières dans toutes les usines GM en Amérique latine. Ne serait-ce pas une tâche sensée au Conseil de nous échanger sur les propositions comment éliminer les obstacles pour réaliser cette coordination ?
Des usines importantes de l’industrie de l’automobile ont été constamment agrandies au Brésil. À Betim (à 100 km de Rio de Janeiro), se trouve une usine Fiat avec une capacité de 713 000 unités (en 2008). C’est le plus grand centre de production du monde.
Au Mexique aussi, il y eu des conflits importants. En août 2009, 9 400 ouvriers ont paralysé par la grève l’usine de VW à Puebla, obligeant VW à faire des concessions sur les salaires. Le syndicat avait réduit la revendication initiale, après que VW eût parlé d’une « mauvaise situation économique ». La grève a montré qu’il faut lutter pendant la crise économique mondiale. On a aussi fait appel à la solidarité internationale avec la grève.
Au Mexique, les grèves pour des augmentations de salaires ne cessent de se déclencher chez VW, chez Volvo ou chez Renault. Pour miner la conscience de classe, VW a employé certaines méthodes de collaboration de classes que les ouvriers doivent surmonter. Les collègues devaient accepter un « pacte social et de paix » avec une durée de 3 ans. Des syndicalistes dirigeants avaient parrainé l’acceptation, mais plus de 50 % des ouvriers ont voté pour le refus du plan et pour la grève.
La journée d’action internationale du personnel de Continental à Hanovre en avril 2009 a montré l’attrait de la coordination internationale des luttes. Cette journée était dirigée contre la suppression d’emplois chez Continental. À part des délégations allemandes, françaises et belges, il y a eu une délégation de l’usine Potosi au Mexique. Voilà une solidarité pratiquée entre les continents qui permet aux ouvriers de déployer leur force.
La bonne organisation syndicale et l’attitude combative des ouvriers irritent les groupes automobiles, qui s’efforcent par conséquent de se débarrasser de représentants des syndicats et de militants. En mars 2007, la direction de Rogério de Cerqueira Romancini, le syndicat de la région São Paulo au Brésil, a donné l’alerte pour que ses collègues soutiennent la lutte contre son licenciement et la suppression de droits syndicaux. VW avait l’intention d’intimider le personnel en licenciant des syndicalistes qui s’engagent pour les intérêts des ouvriers.
En septembre 2006 déjà, 12 000 ouvriers de VW au Brésil ont fait grève contre 1 800 licenciements par le groupe dans la plus grande et la plus ancienne usine à Anchieta. Après 6 jours de grève, Volkswagen a été contraint de faire marche arrière et de suspendre les 1800 licenciements déjà prononcés. VW avait annoncé un « plan de restructuration » qui prévoyait la suppression de 6 000 emplois et menacé de fermer l’usine complètement. Les ouvriers les en ont empêchés par leur grève.
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À Rosario/Argentine, 500 ouvriers ont occupé l’usine Mahle en avril 2009, après que l’entreprise avait annoncé la délocalisation au Brésil. Cette lutte a encouragé le personnel de Mahle à Alzenau en Allemagne à renforcer sa lutte pour le maintien des emplois. Ils ont aussi discuté sur une occupation de l’entreprise. Lors de l’assemblée du personnel, ils étaient nombreux à se dire que le moment était favorable : « Nous sommes tous dans l’entreprise ; si maintenant, personne ne la quittait, on pourrait occuper la boîte. » On voit ici que les ouvriers tirent les leçons de leurs luttes au niveau mondial.
Au début de la crise mondiale économique et financière, une grève s’est déclenchée dans l’usine de GM à Rosario. General Motors enregistrait une baisse de la vente de la Corsa. La grève se dirigeait contre la fermeture à court terme de l’usine et était liée à la grève autonome pour le réemploi d’un ouvrier licencié. Les ouvriers étaient conscients de ce qu’ils allaient « toujours payer la crise du capitalisme. En plus, ils avaient déjà compris que les mots de Christine Kirchner, que la crise économique mondiale n’allait pas toucher l’Argentine, n’étaient qu’un nouveau mensonge du kirchnerisme » (citation du journal Hoy du 31/10/08).
Au Venezuela aussi, il y a des conflits de classe exacerbés. En janvier 2009, les ouvriers Pedro Saure de l’usine Mitsubishi et José Marcano de l’usine automobile Macusa ont été assassinés par la police de l’État d’Anzoategui pendant la grève. L’assemblée de préparation du Conseil des ouvriers de l’automobile a protesté en février par une déclaration contre ces meurtres lâches et a assuré sa pleine solidarité aux ouvriers qui occupaient l’entreprise, tout en les invitant au Conseil des ouvriers de l’automobile. La lutte des syndicalistes visait l’annulation des licenciements et d’autres améliorations.
Ils ont choisi la forme d’occupation de l’entreprise. Les ouvriers étaient en confrontation direct avec les officiers de la police qui imposaient les intérêts des groupes industriels, avec des juges réactionnaires et des médias bourgeois. Chavez a désapprouvé le comportement de la police. Comme résultat, Mitsubishi a dû annuler les licenciements et dédommager les familles des ouvriers assassinés lors de l’attaque de la police. Cette lutte soulève aussi la question de savoir si c’est suffisant d’avoir des réformes d’un gouvernement progressistes pour améliorer les conditions de vie des ouvriers, ou si la condition préalable pour la libération de l’exploitation et de l’oppression n’est pas la chute du gouvernement par la révolution. Apparemment, seul un changement révolutionnaire peut arracher tous les organes du pouvoir au contrôle des monopoles.
En 2008, 3 000 ouvriers de l’usine de GM à Valencia avaient déjà fait grève pendant des mois pour obtenir des améliorations des conventions tarifaires. Là aussi, les médias ont répandu la campagne de dénigrement des entrepreneurs. Le pouvoir des monopoles n’est nullement cassé au Venezuela. Là aussi, des relations internationales ont été mises en action. En Allemagne, le Séminaire international des mineurs ainsi que des collègues d’Opel ont adopté des messages de solidarité.
Une autre grève a eu lieu chez Toyota à Cumaná, dans l’État fédéral de Sucre au Venezuela. Les ouvriers y ont fait grève en mars 2009 pour le paiement des salaires impayés. En 2007, ils avaient déjà imposé des améliorations importantes dans une grève autonome. Toyota avait dû négocier avec des représentants du syndicat de l’entreprise Sintratoyota et le gouvernement et été contraint de faire des concessions dans les payements extraordinaires et les prestations de l’entreprise. Le fait d’imposer la revendication d’intégrer les employés de sous-traitants dans le personnel permanent est l’expression de la conscience de classe accrue.
Fin 2008, il y a eu des grèves chez plusieurs équipementiers de l’industrie de l’automobile au Venezuela contre la non-observation des contrats de travail.
Chez OCI Metalmecánica, qui produit pour Chrysler, les ouvriers ont cessé le travail pour une demi-journée, parce que les primes tarifaires n’avaient pas été payées.
Chez FORD/Valencia, les ouvriers ont protesté contre une infraction aux conventions tarifaires. En novembre, 360 ouvriers de VIVEX qui produisent des pare-brise, pour le paiement des primes tarifaires. Ils ont réclamé la nationalisation de l’entreprise au président Chavez.
Voici des pas importants pour formuler de façon indépendante les intérêts de classe des ouvriers au Venezuela. En même temps, ils soulignent le pouvoir et les possibilités du capital financier international et montrent comment ils minent les courants révolutionnaires.
En Colombie, 9 groupes automobiles internationaux sont représentés. GM a la plus grande part du marché avec 37 %. Le plus grand producteur est l’usine de GM Colmotores à Bogota, avec un chiffre d’affaires d’environ 1,2 milliard d’Euros. La classe ouvrière colombienne s’organise dans les conditions difficiles de la collaboration de l’État avec des paramilitaires fascistes, dont sont victimes des dizaines de syndicalistes par an. Nous sommes heureux de pouvoir souhaiter la bienvenue à Luis Eduardo Parra, président du syndicat de Sintraime de Colmotores, à notre Conseil des ouvriers de l’automobile. Selon l’analyse de la Sintraime, la crise de GM n’a pas encore pleinement atteint les ouvriers de Colombie : Colmotores continue de livrer des bons profits aux États-Unis. Mais la vente baisse. On a supprimé une équipe de 8 heures dans l’usine ; 280 ouvriers ont été licenciés, dont 18 % de syndicalistes. De la même façon qu’en Europe, on offre un « plan social » pour des ouvriers âgés de plus de 60 ans qui n’ont plus que 4 ans jusqu’ à la retraite. Ce plan s’appelle « canitas » - « têtes grises ». Le 27 juillet 2009, le jour d’expiration du contrat, on a envoyé les ouvriers en vacances obligatoires pendant 9 jours. Ce qui indique que les managers ont peur de la force de la lutte des collègues. En même temps, ils composent des équipes spéciales de soi-disant « travail de rattrapage » pour des journées de vacances obligatoires précédentes. On veut donc épuiser les ouvriers en combinant des licenciements et des équipes spéciales ; ce qui fait entrevoir comment les monopoles comptent encore décharger le poids de la crise sur le dos des ouvriers.
3) Lutte dure pour la domination entre les groupes automobiles internationaux
L’Amérique latine est un théâtre de durs combats des groupes automobiles internationaux. Sur le Mercosur, sont produits 3,8 millions de véhicules. En comparaison : en Europe, la production est de 22 millions (voitures particulières + camions). Au Brésil à lui seul, sont produites 3,2 millions d’unités.
Schmitt, le chef de SEAT, a dit : « Nous réfléchissons à localiser la production là où il y a des marchés intéressants comme en Amérique du Sud » (janvier 2008).
Au Brésil, MAN (VW) veut agrandir le site pour 330 millions d’euros pour dominer le marché en Amérique latine. MAN veut compenser la chute dramatique du marché en Europe par une croissance en Amérique latine. La baisse de la production en Amérique du Sud de 25 à 30 % est plus faible que celle de l’Europe (plus de 50 %). Les chutes dramatiques « augmentent la bonne volonté de coopération », disait Piech (2009), chef de VW.
Actuellement, FIAT s’efforce d’acheter des parts du groupe GM insolvable, avec l’objectif de renforcer sa position au Mexique, au Venezuela et au Chili. Fiat possède déjà des usines au Brésil et y a conquis une part du marché de 25 %
Un autre concept pour amortir les effets de la crise est la construction et la vente d’automobiles soi-disant „pas chères“. Fiat prévoit une voiture bon marché en 2010 qui sera produite et même développée au Brésil : « Dans notre centre de développement au Brésil, nous travaillons à élaborer un concept de voiture à faibles coûts avec une approche mondiale. »
La position de tête sera à conquérir par l’avance dans l’usage de nouvelles technologies. GM rêve de dépasser la concurrence par des voitures à moteur électrique, et de sortir vainqueur de la crise. Avec une voiture 1 litre au cent, le groupe veut augmenter la vente en donnant une image verte. Dans ses calculs, il a déjà intégré des subventions de l’État de 7.500 $ US par véhicule. Les capitales du Chili et du Mexique détiennent la plus grande pollution de l’air du sous-continent. Depuis longtemps, il y a des journées interdites à la circulation pour raison de smog imminent.
Les groupes automobiles veulent décharger les conséquences de la crise économique mondiale sur le dos des ouvriers d’Amérique latine. Ainsi, Honda p. ex. a repoussé de 6 mois l’agrandissement d’une usine en Argentine pour 106 millions (30 000 unités). Renault a annoncé au début de 2009, qu’il y aurait à José dos Pinhais des licenciements de 1.000 ouvriers pour au moins cinq mois en raison de la baisse de la demande.
L’éruption inévitable de la crise économique et financière internationale témoigne de l’incapacité du capitalisme d’organiser une production selon les besoins des masses. C’est en même temps un défi de tirer le bilan international des expériences des ouvriers de l’automobile et de serrer davantage nos rangs dans la lutte commune.