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3 avril 2013 3 03 /04 /avril /2013 09:01

Mercredi 3 avril 2013

Après les élections professionnelles, quel avenir pour Goodyear ?

 

Les élections professionnelles avaient lieu  vendredi et samedi à Goodyear, dans le contexte que l’on connaît.

Tous les articles de ce blog sur la lutte pour l’emploi à Goodyear, ICI

Pas de changement majeur dans la composition des instances sauf un siège perdu par la CGT au premier collège du CE au profit de SUD, qui garde par ailleurs son siège DP. Le 2ème collège reste à la CGT, le 3ème à la CGC.
Une chose très remarquée : si la majorité reste acquise à la CGT, beaucoup de rayures sur les bulletins, au point qu’aucun élu CGT n'a obtenu le total du nombre de bulletins de liste, c’est un phénomène nouveau à l’usine. Nous y reviendrons plus tard, avec les chiffres détaillés, pour en faire l’analyse.

Actuellement, l’enjeu à Goodyear n’est pas à la lutte, à la grève, au combat pour l’emploi – c’est bien différent de PSA – mais à savoir quel est le supposé « meilleur » projet à opposer à la perspective de fermeture. C’est cela qui proposé par les syndicats.
Un article d’un blog de Mediapart en recense trois, proposés par la CGT (voir l'article du syndicat ICI) :

  • La « voie juridique », à nouveau la CGT est retournée devant les tribunaux pour faire annuler la procédure, mais ce qu’il faut dire c’est que là, la direction s’est largement bordée de tous les côtés, tant au CCE à Rueil qu’au niveau européen à Luxembourg, où ce n’est de toutes les façons qu’informatif (comme d’ailleurs partout pour tous les Comités de Groupe européens qui n’ont aucun pouvoir). Quoiqu’il en soit, même si l’issue devait être favorable, cela peut être un peu de temps de gagné, rien d’autre, car pour le groupe, la page est tournée. Une audience a lieu le 17 mai à 11h30 au Tribunal de Grande Instance de Nanterre, on verra bien.
  • Le projet de SCOP, proposé par la CGT et présenté aux salariés à la Maison de la Culture le samedi 23 mars. Sans rentrer dans tous les détails (la CGT et l’avocat Rilov tiennent tellement au secret que c’en est bizarre, alors que tous les chiffres donnés sont ceux diffusés au  CE…), il semble qu’il s’agisse un projet de « sous-traitance intégrée » à la société Goodyear, qui vendrait la matière première et achèterait les pneus agricoles. C’est-à-dire un projet d’entreprise pieds et poings liés à Goodyear par des contrats, en amont comme en aval… Aucune marge de manœuvre. Avec comme idée de faire appel aux fonds européens pour éviter de récupérer les indemnités de licenciements, ce qui paraît hautement douteux… Cela dit, plus le temps passe, plus l’hypothèse « SCOP » apparaît comme un écran de fumée peu crédible.
  • CCE-AFII.jpgLa recherche d’un repreneur, projet proposé par la CFDT et la CGC au CCE, repris à la volée par la CGT. La direction fait semblant d’y participer (histoire de ne pas se mettre le gouvernement et le clown Montebourg à dos), mais avoue elle-même que ce n’est pas crédible (voir le document du CCE ci-contre).
  • De son côté, syndicat SUD Goodyear propose un quatrième projet, conjoint avec l’usine Dunlop voisine, et la répartition de la production avec le Farm sur Goodyear et le tourisme sur Dunlop, associé avec un Plan de Départs volontaires (voir  le tract-projet ICI) également détaillé sur le Courrier Picard.

Dans tous les cas, quel que soit le projet ou la perspective, on est dans l’après-Goodyear, la restructuration est enregistrée. Dans tous les cas, on n’est plus dans le combat pour la défense de l’emploi  mais pour imaginer une « solution », plus ou moins réaliste, plus ou moins crédible… C’est pour cela que nous ne nous donnerons pas la peine d’en discuter plus que ça.
Car le fond de l’affaire, face à restructuration capitaliste, c’est quels moyens les ouvriers se donnent-ils pour défendre leur emploi ? Imaginent-ils des solutions juridiques, économiques, des contre-plans ? Imaginent-ils qu’ils vont pouvoir faire « mieux » que les patrons, là où ceux-ci ont échoué ? Ce qui est tout à fait notable, dans tous les cas, dans tous les projets, c’est que la guerre économique mondialisée, la crise et la concurrence entre requins n’existe pas…

SUD-Dunlop-130325.jpgPourtant, il convient de s’arrêter une seconde sur le projet de SUD Goodyear/Dunlop. Pas tellement sur le projet lui-même, ni plus, ni moins réaliste que les autres. Mais pour une question essentielle, l’unité des travailleurs de deux usines pour la défense de l’emploi. Les ouvriers de Goodyear, les ouvriers de Dunlop face à la crise du capitalisme, et la nécessité du combat ensemble contre l’exploiteur commun. Car, comme le dit un tract de SUD Dunlop (voir ci-contre), après la fermeture de Goodyear Amiens Nord, il y a bien des chances que ce soit le tour de Dunlop Amiens Sud…
La direction ne veut bien sûr pas en entendre parler, sous des prétextes juridiques, mais surtout parce qu’elle ne veut pas se trouver avec un double conflit à gérer en même temps. Diviser pour régner, comme on dit. Tout cela est très « compréhensible » du point de vue d’un patron.

Mais le problème, c’est que la CGT de Goodyear ne veut pas non plus en entendre parler : « NOUS, nous ne nous trompons pas de site, nous savons que notre combat doit être mené sur Amiens nord et non Dunlop Amiens sud, ce ne sont pas les gars de Dunlop qui nous ont élu il y a deux ans... » (tract du 25 mars).
 Lors du rassemblement du 22 mars à Rueil, il y a eu des accrochages assez vifs entre ouvriers affiliés à la CGT Goodyear et les camarades présents de SUD Dunlop, les premiers disant aux seconds qu’ils n’avaient rien à foutre d’eux, que les problèmes étaient distincts etc. et qu’en gros ils ne voyaient pas pourquoi ils étaient là !!! Citation : « On est des Goodyear, on n’a rien à foutre des Dunlop, ce sont tous des bâtards ». Et de resservir le souvenir de  la supposée acceptation des 4x8 en 2008. Alors que les camarades de Dunlop sont présents à tous les rassemblements à Rueil depuis le début, bien entendu en soutien aux camarades de Goodyear menacés comme eux…

Vieille histoire, en fait. Lors de la mise en place des 4x8, la CGT Goodyear a refusé l’accord et l’a dénoncé, comme SUD d’ailleurs on l’oublie trop souvent. A Dunlop, SUD a refusé de signer, a dénoncé l’accord et l’a même contesté devant les tribunaux,  mais la CGT Dunlop de l’époque, majoritaire, a signé l’accord (voir l’article de mars 2008, « Restructurations à Goodyear Amiens, deux voies dans la lutte »).
Comme nous le disions alors, immédiatement le délégué CGT en question est exclu de la CGT. MAIS
Il crée le syndicat UNSA avec son équipe (la CGT va disparaître), et le délégué syndical central CGT comme la FNIC CGT ne dénoncent pas l’accord (ce qu’ils auraient pu faire) ; ils se lavent les mains de la suite. La CGT Goodyear expliquera que ce n’est pas son combat, que si les Dunlop ne veulent pas des 4x8 ils n’ont qu’à refuser de signer leur avenant individuel (et donc se retrouver au chômage…). Les ouvriers de Dunlop sont explicitement abandonnés à leur sort, et on en reste à critiquer l’UNSA  et la CFTC - qui a également signé l’accord, mais en oubliant soigneusement que l’UNSA vient de la CGT. La CGT Goodyear aura toujours des mots très durs contre les Dunlop, tous mis dans le même panier, en laissant de côté la responsabilité de la CGT dans l‘affaire, même s’il s’agissait de pourris, et en refusant même de reconnaître l’existence de SUD Dunlop (majoritaire pourtant en DP, ce n'est pas rien !).
Or SUD Dunlop a depuis l’origine refusé les 4*8, pour les mêmes raisons que la CGT et SUD Goodyear, et poursuit la lutte sur ces bases, dans les conditions difficiles qu’on peut imaginer.
Alors, quand les camarades de Dunlop viennent soutenir leurs collègues aux rassemblements de Rueil, c’est la marque d’une forte solidarité ouvrière dans le combat commun. Les camarades mettent un mouchoir sur tout ce qu’ils ont entendu et subi, et ils sont là. C’est l’important.

Voilà pour le passé. Sur le fond, pour le présent, l’affaire c’est que la CGT Goodyear ne veut pas entendre parler d’un combat commun, car son optique n’est pas la recherche de l’unité ouvrière contre l’exploitation, mais la recherche d’un contre-plan capitaliste à la fermeture annoncée de Goodyear.
Alors que le contexte est favorable à l’unité, alors qu’on voit bien que l’attaque va avoir lieu sur tous les fronts, alors que tout le monde sait bien que « l’union fait la force », la CGT Goodyear refuse l’unité, s’enterre dans la contre-gestion capitaliste et d’ailleurs n’engage  pas le combat de classe, la lutte véritable, mobilisée, à l’image des camarades de PSA. Du point de vue du syndicalisme de classe, c’est grave, c’est la marque de l’acceptation du capitalisme et de ses divisions, de ses règles du jeu - même si on prétend s’opposer férocement (en paroles au moins) aux plans de la direction, en fait pour proposer une autre gestion supposée possible…

Nous le répétons, nous ne rentrons pas dans la discussion des divers contre-plans, des uns et des autres ("Emplois et licenciements : les contre-plans industriels"). Nous n’y croyons pas, ni aux uns, ni aux autres, le capitalisme ne se réforme pas.
« Prolétaires, sauvons-nous nous-mêmes », ce sont nos paroles et notre guide. Ce qui compte, c’est l’unité de combat contre l’exploitation, la plus large possible – et là, il est sûr et certain que l’unité des travailleurs de Goodyear et de Dunlop doit être évidente !

C’est en tous les cas une des bases du syndicalisme de classe.

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