Jeudi 6 juin 2013
A Goodyear après le CCE et le Tribunal de Nanterre
Dans un article précédent (« Impasse juridique ou sursaut de la lutte des classes à
Goodyear ? ») nous faisions le point des procédures et mobilisations sur l’usine.
Petit état des lieux pour continuer.
Mardi 28 mai, nouveau CCE.
La CGT n’envisage aucune action, ne prévoit pas de déplacement à Rueil et va même jusqu’à s’opposer à la proposition de piquet
proposé par SUD le jour dit. La veille, tous les délégués CGT tournaient dans l’usine, jusqu’à 21h, y compris Mickaël Wamen qui n’a donc pas participé à la préparatoire, pour dissuader les
ouvriers de participer à cette action. C’est quand même fort…
Le piquet a eu lieu malgré tout le lendemain, avec une très faible participation, mais qui marque quand même les esprits dans
l’usine. Lors de chaque prise de parole au haut-parleur, on voit les ouvriers sortir écouter les interventions, c’est un signe. Sur ce piquet, nous remettons une pétition de soutien signée
lors d’une réunion publique organisée à Toulouse le 10 avril dernier. D’ailleurs, il n’est pas trop tard pour la signer et
la faire signer largement !!! (ICI)
Par ailleurs, ce CCE qui ne devait servir à rien, n’apporter aucun élément nouveau selon la CGT, entérine qu’il n’y a aucune
solution via un repreneur, information sur laquelle le gouvernement saute d’ailleurs immédiatement pour justifier son abandon des Goodyear (« Après Mittal et PSA, le gouvernement abandonne les Goodyear
»). C’est un petit coup de tonnerre, et quoi qu’en disent les dirigeants de la CGT c’est un pas de plus préoccupant vers la fermeture…
Pour justifier son inaction on se rappelle (article précédent) que la CGT locale était prête à inventer tous les arguments, même
les plus bidons. « Il n’y a plus de sous pour les cars », « les ouvriers ne veulent plus faire grève » etc…
Mais comme par hasard juste après l’initiative de SUD, la CGT appelle à un rassemblement le vendredi 31 mai pour « des informations de la plus haute importance », dans l’optique de l’audience du TGI de Nanterre du 3 juin et d’un déplacement pour l’occasion. Donc ce qui était impossible la veille (la grève et les cars) devient miraculeusement possible le lendemain… Plus grave, c’est l’avocat (Rilov) et pas le syndicaliste (Wamen) qui se déplace devant les médias pour faire de la retape pour la réunion (voir ci-contre)… Où est passé le syndicalisme de mobilisation ? Le syndicalisme de terrain ? Le syndicalisme de lutte des classes ?
400 ouvriers se déplacent pour cette réunion (ce qui montre au minimum une vraie inquiétude !), filtrée et triée sur le volet.
Deux votes complètement formels sont organisés :
- Le premier : « Voulez-vous conserver votre emploi ? ». Mort de rire. Evidemment, avec des votes
comme ça, on ne risque pas la contradiction, et la CGT locale peut utiliser le résultat pour valider n’importe quoi…
- Le deuxième vote est à l’inverse hyper technique et parfaitement incompréhensible pour l’immense majorité
des présents : « Etes-vous d’accord pour joindre à la procédure en assignation forcée les fabricants de matériel agricole qui utilisent les pneus Goodyear ? ». Même pas une
question, même pas un débat… la majorité vote… Allez comprendre, mais le but explicite est de retarder la procédure et de gagner du temps.
Tout cela est une pantalonnade, une comédie tragique où les ouvriers sont manipulés et baladés d’une impasse à l’autre, au gré
des hésitations et de la navigation à vue de l’équipe juridico-syndicale.
Lundi 3 juin, audience au TGI de Nanterre.
La CGT bloque l’entrée de l’usine avec des feux de pneus (tradition oblige), l’usine est déserte, mais le piquet est
squelettique au regard de la force supposée de la CGT. Un seul car est rempli pour partir à Nanterre, le deuxième car est renvoyé au dépôt faute de participants. Voilà la démobilisation où
mène la voie juridique. Dans le compte rendu de cette journée (ICI), la CGT ne parlera même pas du blocage et du piquet…
A tribunal, grosse présence policière et journalistique (nettement plus que le 17 mai), une cinquantaine de camarades de
Goodyear.
Comme annoncé (« voté » !!!) le vendredi d’avant, l’avocat tente de demander un nouveau report. Il est renvoyé dans les cordes
par une présidente fatiguée de ces tergiversations alors que Rilov avait justement demandé un référé d’heure à heure (procédure d’urgence, pour trouble manifeste et illicite – qui nécessite
précisément une décision d’urgence) et qu’il en est à une deuxième demande de renvoi… Par ailleurs, son argumentation juridique inconsistante est balayée d’un revers d’article du Code de
Procédure Civile.
Nota en passant pour montrer l’incohérence de la CGT dans le système juridique : depuis plusieurs jours, ils clamaient que
l’audience du 3 juin au TGI était la journée « la plus importante depuis 2011 », (voir par exemple ICI) bien plus
importante que le CCE du 28 mai, alors qu’ils s’apprêtaient à demander un renvoi au point de le faire voter formellement par l’assemblée… Qui prend-on pour des crétins dans l’affaire ?
L’audience passe ensuite au fond, et les parties plaident sur le contexte économique, les relations entre Titan et Goodyear,
le marché du tourisme et de l’agricole etc… Débat d’experts en gestion capitalistes, chiffres, courriers, marchés, accords secrets, entourloupes… Ne soyons pas trop bégueules, si c’est pour
gagner du temps, pourquoi pas ? Mais encore faut-il que ça bouge à côté !!!
Mais c’est morne plaine… même si on sent bien que l’inquiétude monte. Là c’est juste un débat expert contre expert…
Fin des plaidoiries à 14h30, décision en délibéré pour le 20 juin, immédiatement commentée sur le piquet : « Bon, et ben demain
on reprend le boulot et on attend le 20 »…
No comment…
Fin de la séquence CCE + TGI.
Le temps passe. Les procédures s’enchaînent. La direction prend son temps, joue nettement plus habile que les fois précédentes.
Elle vient ainsi d’accepter une expertise des CHSCT, après que la CGT ait été contrainte d’accepter la consultation sur le projet de fermeture du site. Un peu de retard ? Bon, rien de grave au
regard du résultat final, et de toutes les façons, rien ne bouge, et cela la direction le voit aussi.
Donc inutile de se précipiter au risque de faire rater la mécanique, la direction se contente d’engranger les points, expertise
CHSCT, diverses réunions de CCE, tribunaux, pour asséner le coup de grâce quand la situation sera mûre. Lors de la réunion secrète de vendredi 31, une seule question dans l’assemblée : « mais
qu’est-ce qui se passera si on perd au tribunal ? ». Oui, bonne question et pirouette de Rilov qui annonce de nouvelles procédures etc.
Bref, à suivre ce cours, les camarades de Goodyear recevront leurs lettres de licenciement sans avoir vraiment compris ce qui
leur arrive, ni entamé le début de commencement d’une lutte sérieuse… Toujours lors de cette réunion du 31 mai, Mickaël Wamen a eu des mots très durs contre la grève des camarades de PSA, 4 mois
de blocage de la production quand même… (en gros la CGT a négocié la fermeture avec la direction…), on aimerait bien qu’il les dise en
public, qu’un journaliste ose lui poser la question, cash… [ceci est une adresse spéciale à nos lecteurs journalistes,
nous savons qu’ils sont là…]. Le Blog Où va la CGT était d’ailleurs très implicitement visé pour avoir qualifié cette grève d'historique (ICI), merci pour lui et en plus, nous confirmons !
Une nouvelle fois la question est posée de prendre ses affaires en mains. La polémique n’est pas juridique ou pas, c’est de
savoir si c’est l’essentiel ou si c’est secondaire par rapport à la lutte des classes. Aujourd’hui, et chaque jour plus, la CGT Goodyear s’enferre dans la voie juridique et entraîne les ouvriers
à leur perte.
Alors, aujourd’hui plus que jamais nous le répétons, l’heure n’est pas à « Juridique ou pas », l’heure est à « Comité de grève
ou pas » !