Vendredi 17 Juillet a vu un tournant significatif dans la lutte des sans-papiers de la CSP75. Une majorité d'entre eux a quitté le trottoir du Boulevard du Temple pour occuper un immeuble dans le 18ème arrondissement, une minorité est restée sur place. Nous ne rentrerons pas dans les divisions de cette lutte, car nous n'avons pas tous les éléments, et de plus ce n'est pas l'objet de ce blog.
Par contre, c'est l'occasion de revenir sur le soutien aux sans-papiers et son contenu.
Vendredi après-midi, en sortant avec les camarades de la CSP75 du métro pour arriver place du Châtelet, il y avait quelque chose d'indécent à être applaudis par tous les "soutiens" qui avaient soigneusement évité de venir sur place devant la Bourse, ce qui aurait marqué une prise de position explicite face à la CGT. D'une certaine manière, on pouvait entendre ces applaudissements et mots d'ordre comme "bravo, enfin vous abandonnez votre conflit avec la CGT, enfin on peut oublier l'occupation de la Bourse"... Oui, un côté indécent quelque part.
Car avec les sans-papiers, devant la Bourse, très rares étaient les soutiens. Quelques camarades de RESF, la présence remarquée de représentants de la CGT Saint-Gobain, mais bien seuls, et les soutiens issus du courant libertaire et autonome.
La vérité, c'est que les prétendus "soutiens" d'aujourd'hui à la CSP75, on ne les a pas vu pendant les 14 mois d'occupation. Pire même, ils se sont prononcés CONTRE l'occupation de la Bourse, et les divers communiqués embarrassés suite à l'expulsion ne peuvent pas masquer ce qu'ils ont défendu. Et tout tourne autour de l'attitude à l'égard de la CGT.
Avec quels arguments ? On écoutera avec intérêt l'émission de France Culture du 17 juillet capturée ci-dessous, ainsi que les compléments sur le site de la station.
Les arguments sont de trois ordres :
- Quand même, c'est scandaleux de s'attaquer à la CGT qui fait justement revivre la solidarité des travailleurs. Il ne faut pas se tromper d'ennemi.
- C'est la Confédération qui lance la grève le 15 avril, l'occupation de la Bourse le 2 mai est incompréhensible.
- A qui profite le crime ? L'occupation de la Bourse est un complot contre la CGT et ne profite qu'au ministère et à la préfecture.
Il y a d'abord quelque chose de frappant : jamais ces soutiens ne s'interrogent pourquoi la Bourse a été occupée. Quand on insiste, la seule réponse qu'on a, c'est que c'est la Préfecture qui a renvoyé la CSP75 sur la CGT, et que les sans-papiers ont donc été manipulés.
La réalité, c'est que le mouvement n'a pas commencé le 15 avril comme le prétend la CGT. La vérité c'est qu'il a commencé dès 2007, et que à l'époque (et bien avant d'ailleurs), des collectifs de sans-papiers existaient et travaillaient de concert avec la CGT. Cela, Chauveau le sait très bien, puisqu'il a été un des instigateurs de ce mouvement à ce moment.
La réalité, c'est que fin 2007, la Confédération prend les affaires en mains, sur une base extrêmement restrictive : limitation des grèves à quelques actes symboliques pour faire pression, acceptation des bases de l'économie capitaliste et de l'immigration choisie. Provoquant au passage la démission de plusieurs responsables du Collectif Immigration.
La réalité, c'est que la CSP75 préparait depuis des mois ce mouvement, de concert avec la CGT. Et que les camarades se sont rendus compte, le 15 avril que l'objectif de la Confédération n'était pas d'élargir le mouvement, d'avancer en quelque sorte vers un mouvement d'ensemble des sans-papiers, mais de médiatiser quelques exemples symboliques pour arriver en position de force pour négocier au ministère. D'où le sentiment d'abandon, voire de trahison, et l'occupation de la Bourse. Nous renvoyons à l'article que nous écrivions le lendemain de l'occupation.
La réalité c'est que la Confédération s'est alignée sur Hortefeux, l'acceptation de l'immigration choisie sur critères, et qu'elle a d'ailleurs tenté de le faire valider par les associations.
Nous affirmons que la CSP75 ne s'est jamais trompée d'ennemi. Toutes ses déclarations, toute son attitude a cherché à amener la Confédération à reprendre en main son combat. Beaucoup d'illusions au contraire, on l'a encore vu dans le communiqué après l'évacuation.
Nous affirmons, dans notre combat pour l'égalité des droits et la libre circulation depuis des décennies, pour avoir suivi de près tout ce combat que la responsabilité principale de l'occupation de la Bourse du Travail est du côté de la Confédération et de sa conception de la lutte, de sa tentative de manipulation des sans-papiers au profit de ses objectifs propres. D'ailleurs, rien de vraiment surprenant, c'est exactement ce qu'on nous a joué avec les journées d'action bidon, ou les mobilisations éparpillées mais surtout sans mouvement d'ensemble, par exemple dans l'automobile...
Alors, bien sûr, la Confédération a développé la lutte, permettant de faire passer dans l'opinion publique que les sans-papiers étaient bien des travailleurs, ce que souligne Emmanuel Terray. Mais il est impossible en juillet 2009, d'en rester à la situation de début de 2008, en escamotant toutes les contradictions qui se sont développées avant et depuis. Car, comme le soulignent nos camarades sans-papiers, " au début la CGT a favorisé la lutte des sans-papiers, ensuite elle a été un frein, aujourd'hui elle est un obstacle".
Aussi, quand nous voyons tous ces arguments hypocrites qui tentent de ré-écrire l'histoire, qui veulent absolument "oublier" le passé, "sortir de la crise par le haut" mais sans surtout revenir sur le passé, nous comprenons bien. Nous avons là des camarades qui considèrent que la direction de la CGT, ce sont des amis qui se trompent, pas des ennemis qui se cachent.
Et nous, sur ce blog, nous disons l'inverse, et nous l'assumons. Nous avons en face de nous dans les directions diverses de la CGT de prétendus syndicalistes qui ne cherchent qu'à négocier le capitalisme, dans une relation de coopération conflictuelle avec Sarkozy. Et nous disons que tous ces "soutiens" de la dernière heure permettent à la direction de la CGT de redorer son blason, de faire passer son orientation pourrie de collaboration de classe et de négociation clandestine dans les ministères.
Enfin, un mot pour conclure sur une position qui a le mérite d'exister, tant la plupart des structures se sont contentées de rediffuser honteusement le communiqué de l'UD de Paris, sans plus de commentaire.
La CGT de PSA Aulnay (dont on sait qu'elle est dirigée par Lutte Ouvrière, ce n'est pas un secret, plusieurs délégués ont été candidats à diverses élections) a produit un tract approuvant l'évacuation (voir ci-joint, cliquer que l'image pour avoir le texte intégral).
Ce document a d'ailleurs fait pas mal de vagues dans le syndicat, car plusieurs militants n'étaient pas d'accord - les camarades immigrés en foyer sont nombreux dans l'usine..
Il faut dire que le contenu du tract est un peu nauséabond. La CSP75, "par démagogie ou autre, s'attaque aux syndicats au lieu de s'en prendre au patronat et à son gouvernement".
Un mépris certain envers la CSP75 - qui ne s'est jamais "attaquée aux syndicats", la défense inconditionnelle de la "famille" CGT sans chercher même à comprendre ce qui s'est passé, aucune réserve... Bref, bien dans la ligne,
On retrouve le mépris, teinté de paternaliste envers nos camarades sans-papiers, qui ont l'affront de s'organiser par eux-mêmes et de vouloir diriger eux-mêmes leur lutte, sans remettre leur sort dans les mains des experts syndicaux, fussent-ils CGT... Et nous, militants avec papiers, nous avons quelque part le même problème !