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14 avril 2009 2 14 /04 /avril /2009 08:54
Mardi 14 avril 2009
[Débat] Journées d'action : Chérèque mène-t-il la danse ?

Nous avons reçu récemment le document suivant qui est une critique d’un article paru le 17 mars sur ce blog, juste avant donc la journée du 19 mars, et qui portait un avis sur cette journée. A la suite de ce point de vue, nous rajoutons quelques remarques pour poursuivre le débat.


Le 19, était-ce bien « Chérèque qui menait la danse ? »

Pas bien sûr. N’est-ce pas tout d’abord le mouvement social, la lutte sociale (voire la lutte des classes) qui menait la danse ? N’est-ce » pas le mouvement social qui impose aux directions syndicales d’engager des journées d’action qui se veulent « syndicales » (mais qui sont en fait générale et politique, du fait de l’ampleur et de la tonalité anti-Sarko), car si les directions syndicales n’agissent pas cela risquerait, comme le dit le collabo Chérèque « d’exploser de manière incontrôlée » ?
Car la détermination est là, même non structurée (selon le blog). Et on ne peut pas uniquement parler de colère, de rage… il faut aussi parler de cette conscience qui naît et se développe, qui désigne l’adversaire : les représentants gouvernementaux et patronaux du capitalisme mondialisé qui contre-réforme. Aux syndicalistes de luttes, aux militants révolutionnaires de le structurer et d’en développer la conscience et l’organisation vers l’abolition du patronat et du salariat.

Et le jeudi 19 n’a en rien été « une désillusion » prévenait le blog. La tension n’est pas retombée, au contraire : les manifs et les manifestants se sont aussi renforcés en détermination. Les sondages le disent encore aujourd’hui 4 jours après : 60% des interrogés en veulent encore, prêts à y aller ! Et ça bouge dans les structures de base des syndicats.

Et il était inutile pour le 19 que « les médias en fassent la pub ». Ce qui surprend, c’est que le blog laisse entendre que la mobilisation serait l’œuvre des médias --- les grands capitalistes qui les contrôlent seraient de mèche avec les grévistes ? La grève générale du 19 serait-elle une vaste « provocation patronale », comme aurait pu le dire, il y a encore quelques années, la direction de la CGT ? Enfin, si les médias en ont plus ( ?) parlé cette fois-ci, c’est peut-être que les journalistes et autres, dans les médias, se sentent concernés, menacés dans leur situation.

Le 19, la combativité s’affirmait en prenant l’exemple de la Guadeloupe : les masses avaient bien compris que « l’arrière plan des luttes » en Guadeloupe était principalement la lutte des classes, la lutte classe contre classe. L’opposition anti-coloniale, légitime et soubassement historique, passait au second plan. C’est la « pwofitazion », l’exploitation et la misère quelles engendrent qui était et restera le moteur de la lutte sociale en Guadeloupe, comme ici. Et il faut l’appuyer, le populariser, car c’est ça aussi qui montre que nous changeons d’époque.

Que Chérèque soit mis en avant par Thibault est un fait qu’il nous faut analyser --- et bien comprendre que dans un premier temps mettre en avant Chérèque vise à justifier une non initiative de la direction CGT, au nom de l’unité syndicale. Ce n’est pas nouveau comme tactique. Ce n’est pas pour autant que la direction de la CGT n’a rien à dire « dixit le blog », à proposer. Elle a bien une ligne politique : ne rien faire qui puisse remettre en question son esprit de collaboration de classe, de « gestion humaine » du capitalisme. Et c’est dans la ligne d’appeler à se syndiquer, d’appeler à une nouvelle politique d’emploi industriel. C’est cela la collaboration de classe : donner des conseils aux capitalistes pour sortir de al crise en pratiquant notamment la flexi-sécurité, la « sécurité sociale professionnelle ».
On ne se fait aucune illusion sur la ligne confédérale. Et le blog quand il le démontre, preuve à l’appui, a tout à fait raison ; faut-il encore oser développer une ligne alternative.
N.



Nous ne comprenons pas très bien le sens de la critique de notre lecteur.

1)    Depuis l’origine, le blog démonte article après article l’orientation de la direction confédérale, il nous est impossible de rappeler la masse des articles qui l’illustrent. Un article de blog n’est qu’un article de blog, écrit rapidement, pas une thèse théorique, et ne peut systématiquement répéter à chaque fois les mêmes démonstrations, ça serait lassant. Donc, OK, la CGT a une orientation, nous ne disons pas autre chose, avec le même contenu d’ailleurs, depuis plus de trois ans.

2)    La critique de notre lecteur comprend selon nous deux confusions :
•    d’une part confusion entre combativité et conscience, en établissant un lien mécanique entre les deux. Nous disons que oui il y a combativité croissante dans les masses révoltées, mais que la conscience est en retrait, ne va pas au-delà de l’anti-Sarko de rigueur, et en particulier qu’on ne voit pour l’instant pas poindre de rupture significative avec le réformisme syndical. Nous l’avons écrit : on n’est même pas encore dans la situation des grèves de 1995. Ce qui bien entendu ne veut pas dire qu'il n'y aura pas radicalisation à l'avenir. C'est même évident !
•    D’autre part confusion dans savoir à qui s’adresse ce blog, quels en sont les lecteurs. Ce blog a en gros 1000 lecteurs différents chaque semaine, qui sont pour l’essentiel des militants actifs. Des camarades engagés dans la lutte des classes, à qui il n’y a pas besoin d’expliquer qu’il faut aller au combat, même si les conditions ne sont pas réunies comme nous le souhaiterions. Des camarades qui cherchent à comprendre, comme ce cheminot retraité. Et le rôle du blog est de donner des éléments d’explication de la situation, justement. Nous le disions dans l’article : ces militants allaient faire grève « pour ne pas baisser la garde face à Sarkozy », même s’ils étaient (et sont toujours) dégoûtés par les directions confédérales, voir par exemple le compte rendu d’une conférence de presse de la Métallurgie Nord Pas de Calais dans la Voix du Nord du 5 avril dernier. Mais nous affirmons que chez ces militants (pas dans les larges masses, qui ne connaissent même pas l’existence du blog…), autant pour le 29 janvier c’était la rage (ce qui ne veut pas dire absence de conscience), autant pour le 19 mars le sentiment était beaucoup plus désabusé. Et à nos lecteurs de nous démentir si nous nous trompons.
•    Les sondages dont parle notre lecteur ne font aucune distinction entre catégories, mais nous, nous les faisons, à partir de notre connaissance directe du terrain, et nous savons qu’il y a une distinction importante entre militants de lutte de classe, plus avancés et conscients que la moyenne des grévistes et manifestants, militants de lutte de classe qui s’interrogent sur les orientations et le rôle de nos directions syndicales… Et c’est à eux que ce blog est destiné.

3)    Sur les médias, franchement, nous ne comprenons pas trop la polémique… Est-elle bien intéressante ? L’article du blog soulignait qu’on en parlait beaucoup plus du 19 mars que du 29 janvier, et que c’était peut-être aussi parce que Chérèque et consorts ne cessaient de donner des garanties au gouvernement sur la manière de canaliser le mécontentement pour d'éviter l'explosion. Vrai ou faux ? Expliquer par le fait que les journalistes soient à leur tour touchés… pffff, c’est un peu nul.

4)    Sur Chérèque qui mène la danse. Le sens de l’article, c’était de traiter de pourquoi 7 semaines entre deux journées d’action, question que tous les syndicalistes un minimum combatifs se posaient – et ce sont à eux que le blog s’adresse. Bien sur il y a la révolte, développement des grèves, maintenant début de séquestration des dirigeants, et ce la va sans doute aller en s'accentuant. Nous en parlons systématiquement, et continuerons à le faire. Mais la question, c’était d’expliquer qu’au nom du « syndicalisme rassemblé », la direction de la CGT s’alignait sur les positions de la CFDT, une illustration particulièrement nette de ce que nous appelons la CFDTisation. Chérèque n’a pas été "mis en avant"  par Thibault, contrairement à ce que dit notre lecteur, la confédération est suffisamment maligne pour garder un fer au feu en cas de trahison manifeste (toujours possible) de la CFDT. Mais la CGT s’est mise à la remorque de la CFDT, c’était flagrant, il fallait le dire, nous l’avons fait. Où est exactement le problème ?

5)    En conclusion, nous voudrions terminer sur la petite phrase prétentieuse de notre lecteur : « Faut-il encore oser développer une ligne alternative ». Nous avons développé dans un article de débat très récent les difficultés de notre position. Nous tentons à chaque moment de proposer une orientation, une alternative, des propositions, ce que nous avons commencé lors du 48ème Congrès, que nous avons poursuivi autour des Forums d’opposition syndicale, des sujets majeurs comme la pénibilité, les sans-papiers, le suivi de l’actualité sociale et syndicale. Mais un blog n’est qu’un blog, rien de plus, et nous savons (c’est aussi un indicateur de la période actuelle) que pour l’instant il n’est pas capable d’organiser. Alors, à sa petite échelle, il trace une orientation, sans doute pas encore une « ligne alternative », nous le savons sans nous y résigner. Nous serions cruels de renvoyer à notre lecteur sa propre incapacité à tracer cette ligne alternative, qu’il n’aurait évidemment pas manqué de proposer à tous s’il l’avait eue…

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commentaires

M
Bonjour à tous !<br /> <br /> J’ai suivi avec intérêt cette discussion, que j’ai trouvé quant même très révélatrice d’un certain désarroi idéologique produit d’une impuissance reconnue à la conduite des affaires de défense économique du salariat ; mais surtout ressenti cette étrange impression de déjà vécu « comme si l’histoire des propositions nouvelles-anciennes directives aux masses devait se répéter indéfiniment sans que jamais rien ne change.»<br /> <br /> Faux débat que celui-ci oserais-je dire ! La domination « sans partage » du réformisme sur les organisations du salariat, c’est pas du neuf c’est même aussi vieux que le salariat lui-même ; la duperie c’est de laisser croire qu’il pourrait en être autrement que le syndicalisme devrait être porteur sur la base de la prise en charge des intérêts économiques du salariat d’un projet de société. La charte d’Amiens référence des syndicalistes dis révolutionnaires, bien que marquant les grands principes de l’émancipation intégrale n’avait d’ailleurs pas elle même cette prétention. sinon que de façon très générique.<br /> <br /> Des décennies durant, le prolétariat des pays capitalistes avancés à été conduit à faire le deuil de ses propres capacités, non pas à entreprendre les ripostes nécessaires sur le plan de la défense de ses intérêts économiques… (cela il saurait bien le faire quant bien même il ne disposerait pas d’organisation reconnues pour y parvenir, rappelons-nous que le syndicalisme toute nuance se régénère d’abord et avant tout de la confrontation quasi permanente du capital et du travail) mais à se donner les moyens sur le plan politique, à construire une alternative au capitalisme, dans l’autonomie de pensée et d’action que l’on lui refuse.<br /> <br /> Des décennies durant, faisant diversion les agents de l’idéologie bourgeoise introduits dans le mouvement ouvrier ont en permanence joués de cette fausse dualité entre différentes voies ou méthodes d’actions, devant conduire le prolétariat aux succès de ses aspirations, occultant que le syndicalisme qu’il soit d’essence réformiste où dit de lutte de classe enferme en lui sa négation qui demeure de ne pouvoir conduire de son simple fait à son propre dépassement… dépassement qui reste celui de régler dans le provisoire les situations les plus criantes d’injustice menaçant la paix sociale en période de prospérité du capitalisme, où d’être des freins la concorde nationale nécessaire à produire l’esprit de sacrifice du salariat (y compris sur les champs de batailles) dans les périodes de son déclin C’est de cette situation que naissent les embarras idéologiques aboutissant au défaitisme de masse, laissant chez les militants les plus en interrogation cette désagréable impression d’impuissance quant sonne l’heure de la revanche des prolétaires.<br /> <br /> Ceci dit, je partage une bonne partie des propos de Lili, et ajouterai qu’il est quant même curieux ( sen vouloir offenser personne) que sur ce blog nous ayons pu assister à ce moment peu commun, où des militants membres d’une organisation politique ayant ce blog sous tutelle, se déclarent démunies d’orientations et de perspectives, jusqu'au point d’en faire aussi le reproche à leur interlocuteur, de surcroît qualifier de prétentieux parce que ayant osé avancer que finalement ce travail voulu à l’intérieur du syndicat ce n’était peut-être pas la bonne direction à prendre.<br /> <br /> Alors comme lili je m’interroge…parce que je croyais moi aussi : «que l'avant-garde, c'était celle qui montrait la direction? » sauf que je rajouterai la direction de classe à laquelle elle appartient !<br /> La vérité « est ailleurs » est demeure beaucoup plus simple, de ce qui m’aparaît relever de la plus pure diversion idéologique, les militants politiques de ce qu’il est convenu d’appeler l’extreme-gauche (principalement issue de la petite bourgeoisie), dans leur désir de se rapprocher de la classe ouvrière, ont fait et continuent de faire abus de la stratégie, et cela de façon très stéréotypé, du militantisme dans les syndicats, ne s’étant « pas aperçus » que la classe ouvrière ses militants les plus avancés avaient eux parcourus le chemin inverse, c’est-à-dire, s’en êtres éloignés et pour les militants les plus actifs, souvent s’êtres « repliés » dans leur syndicat d’entreprise, ou section, assurant le service minimum "dû" à la confédération. Mais plus grave s’en perspective révolutionnaire, comme pourrait en offrir une organisation politique de l’avant-garde authentiquement ouvrière, des dizaines de militants sincères se sont laissés enfermés dans des luttes de tranchés contre le réformisme ambiant en lui servant de caution…et qui, que nous le voulions où non, s’ils si laissaient entrainer, ne pouvaient que déboucher sur des luttes de pouvoir au sein des syndicats, les luttes pour les places diraient les ouvriers.
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L
Il va falloir m'expliquer comment les travailleurs pourraient retrouver ce niveau de conscience qu'apparemment ils avaient encore en 1995 (je sais pas j'avais 17 ans) si les militants de classe se noient parmi les réformistes, s'ils n'osent pas porter la rupture au delà de leur syndicat ou section, s'ils n'osent pas s'affirmer révolutionnaires et fiers de l'être (hormis sur des tracts politiques)?<br /> Je croyais que l'avant-garde, c'était celle qui montrait la direction?<br /> Désolée, mais les travailleurs ne sont pas seulement désabusés ou je ne sais quoi, l'exploitation ils la vivent directement, ils la ressentent, ils en ont une connaissance sensible comme on dit, à la différence des petits bourgeois. Et même s'ils ne sont pas de purs militants de lutte de classe, cela ne les empêche pas de s'interroger et de résister! S'ils étaient seulement désabusés, pourquoi les travailleurs étaient ils si nombreux le 19 mars en grève? Ils auraient mieux fait de garder leur fric pour se faire un resto! Nous sommes tous dégoutés par les directions confédérales, politisés ou non, pas besoin d'être un super militant pour voir comment elles nous mènent en bateau! Mais quand même les militants de classe disent qu'il faut y aller, qu'on n'a pas d'autres solutions à proposer, que peut on attendre de la majorité des travailleurs?<br /> <br /> Je trouve assez contradictoire de dire que dans ce système, les travailleurs sont aliénés et dépossédés de leur capacités de réfléchir, et en même temps, regretter qu'ils ne soient pas assez instruits, pas assez combattifs, pas assez conscients ou politisés.....franchement, les prolos ne semblent jamais assez bien pour les militants, sauf les quelques « combattifs » ou « avancés », qui eux, méritent qu'on s'adressent à eux! <br /> Il me semble pourtant que le rôle des militants, au lieu de regretter l'âge d'or et de regarder vers le passé, est d'aider justement les travailleurs à comprendre, à structurer leur pensée et à analyser ce qu'ils vivent, et de participer à l'éducation populaire de tous les prolétaires! Quand on a eu la chance de faire des études, d'apprendre à lire et à réfléchir, on ne se rend souvent pas compte de ce que c'est d'en être privé, c'est dommage, et tant qu'on en sera là, je ne vois pas comment on avancera, et comment on sortira de cette conception élitiste de l'avant garde. Les masses ont tellement de chose à apporter, et des choses qui vont bien au delà de leur combattivité......<br /> Lili
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