On le sait, la situation a toujours été tendue à l'intérieur de la CGT du Livre. Entre une tradition historique de lutte et des positions corporatistes bien ancrées par exemple autour du monopole d'embauche, les conflits n'ont pas manqué, y compris entre syndicats CGT eux-mêmes.
C'était une histoire issue de la Libération et de la nécessité pour la bourgeoisie de mettre en place à cette époque un système d'information (de propagande ?) fiable, en établissant une sorte de "compromis historique" avec le syndicat qui avait fait ses preuves dans la Résistance. Pendant cinquante ans, le système a fonctionné tant bien que mal, avec bien sûr quelques épisodes fameux, liés aux premières restructurations dans la presse (le conflit du Parisien Libéré en 1970 par exemple, ou les conflits récurrents aux NMPP).
Aujourd'hui, le conflit se durcit, par la volonté de la direction confédérale de normaliser la situation, et manifestement la tentative d'établir une nouvelle forme de compromis historique, plus moderne, avec les patrons de presse.
Les affrontements se généralisent, entre les diverses structures, par exemple avec Info'com CGT, à côté du syndicat historique, le SGLCE, Syndicat Général du Livre et de la Communication écrite.
Au journal Le Monde, il y aura par exemple deux listes CGT pour les élections professionnelles...
Mais c'est à Libération que la situation est plus tendue, avec la tentative de licenciement d'une secrétaire de rédaction, Florence Cousin, soutenue par le Syndicat du Livre, mais licenciement négocié en douce au dessus de Florence et du Syndicat par la FILPAC directement avec Laurent Joffrin directeur de Libération...
Nous ne rentrerons pas sur ce blog sur le fond du débat entre ces deux courants du syndicalisme CGT dans la presse, n'étant pas sûrs d'être capables de démêler les fils du syndicalisme de classe entre les uns et les autres.
Mais l'affaire du licenciement de Florence Cousin (en grève de la faim aujourd'hui 11 mars depuis 30 jours) appelle de notre part deux remarques.
Une nouvelle fois, des directions syndicales tentent de passer par dessus les intéressés et les syndicats locaux pour négocier en direct avec le patronat. C'est actuellement une attitude en développement dans la Confédération, pour mettre en place des relations de "partenaires privilégiés" avec tel ou tel syndicat et garantir ainsi la paix sociale. C'est ce qui s'est passé à Dalkia, ce qui s'est passé à Forclum Rhône Alpes, ce qui s'est passé autour des sans-papiers dans les relations avec le Ministère Hortefeux.
On trouvera sur le site du SLGCE toute une série de documents (un par exemple ICI) montant que derrière le licenciement individuel de Florence pour "incompétence" (après 25 ans d'ancienneté !!!) se cache la restructuration du journal Libération et la répression contre une ancienne syndicaliste.
La tension est arrivée à un tel degré, que la déléguée CGT de Libération, Fatima Brahmi, a diffusé un très long texte réfutant point par point les affirmations de la direction de la FILAC. Ce document a été diffusé le 7 mars sur Bellaciao, et comme d'habitude quand il s'agit des critiques à la Confédération sur ce site, le texte a été censuré. Cela dit, comme nous commençons a être rôdés, nous mettons ce document à disposition de nos lecteurs (ICI) puisque nous avions pris la précaution de le sauvegarder...
C'est parfaitement clair et parfaitement écoeurant : la direction de la FILPAC en arrivé à accepter le principe du licenciement individuel et à le négocier dans le cadre transactionnel contre l'avis de la première interessée.
C'est absolument inadmissible et nous nous joignons sur ce point à la campagne menée par le SLGCE de Libération en soutien à Florence Cousin.
Mais cette affaire ouvre une deuxième interrogation, très spéciale. Dans ses communiqués, la FILPAC fait explicitement référence à la Sécurité Sociale Professionnelle pour valider l'accord transactionnel. On le sait, depuis plusieurs années, nous menons campagne CONTRE cette "nouvelle" revendication de la CGT, en expliquant en quoi elle n'est que l'intégration à la gestion de la crise du capitalisme et à l'acceptation des licenciements en cherchant seulement à limiter la casse. Voilà, c'est maintenant dit et écrit, noir sur blanc. Les directions confédérales et fédérales valident les licenciements au prétexte de la Sécurité sociale professionnelle...
Plus étonnant, la reprise par le Syndicat du Livre (dans le texte de F.Brahmi ci-dessus, ou ICI), qui soutient pourtant Florence Cousin, de cette revendication pourrie, au lieu de défendre son emploi, en tant que salariée, en tant que lutte contre la répression...
On le voit, encore du pain sur la planche pour le syndicalisme de classe !