Encore un article tiré du site de l'UGTG (Union générale des Travailleurs Guadeloupéens), syndicat majoritaire et de classe de l'île, sur des bases explicitement anti-coloniales. Est-ce pour cette raison qu'on en parle si peu dans la métropole ? La lutte anti-coloniale ferait-elle problème aux militants syndicaux ? Reconnaître que les Antilles et la Réunion sont des colonies, avec tout ce que cela comporte de droits pour les peuples concernés, serait-il un problème ?
LKP - Au 43ème jour de la grève, Rosan Mounien fait le point.
Intervention au meeting du mardi 03 mars 2009
Jodila kanmawad, certains d’entre nous se posent la question : Où en sommes-nous ? Pourquoi ne sommes-nous pas encore parvenus à signer un protocole ? Ne faisons-nous pas trop traîner les choses ? Ne faisons nous pas trop durer le plaisir ? Nous répondons non.
Comme nous l’avons toujours dit dans le cadre de ce mouvement (LKP), si l’Etat et si les responsables de
l’Etat au plus haut niveau s’étaient hissés au niveau de leurs responsabilités, cette grève aurait été suspendue dès le 9 février et le travail aurait repris le 10 février.
Si les négociations ont échoué, c’est parce qu’ils ont tenté de nous faire des crocs en jambe, de glisser des peaux de bananes sous nos pieds... Et chaque fois que l’on pensait avoir
trouvé un point d’accord avec eux, le lendemain ils changeaient ou pratiquaient la chaise vide.
Ils ont cru que le mouvement aurait faibli, que le peuple se serait démobilisé. Ils ont cherché par tous les moyens à affaiblir le mouvement et à nous provoquer :
Ils ont tenté de
nous frapper : nous n’avons pas répondu...
Ils ont tenté de nous emprisonner : mais ils se sont rendu compte que leurs geôles étaient trop petites pour contenir 60, 70000, 100000 personnes...
ils se sont organisé pour que, comme tout au long de l’histoire de notre peuple, arrivé à un certain niveau de notre mouvement, que nous perdions un de nos un fils, une de nos filles, par le
sang.
Ils ont cru que le décès de Jacques BINO aurait été un moyen susceptible d’arrêter le mouvement de grève.
Mais ce qu’ils ignorent c’est que lorsqu’un peuple se lève, lorsqu’il prend conscience, lorsqu’il sait qu’il a raison dans ses actions... il n’y a rien qui puisse l’arrêter. Il balaye tous les
obstacles placés sur sa route, comme un cyclone charrie et nettoie toutes les malpropretés d’un pays.
C’est pourquoi camarades, nous avons mené ces négociations avec méthode. Et à chaque fois que par leur
propagande ils tentaient de faire croire que nous ne voulions pas sortir de ce conflit, nous tous pouvions constater que les seuls à vouloir sortir de ce conflit, c’est précisément nous.
Vous voyez bien que dans toutes nos réunions et rencontres, nous avons mis en place un secrétariat. Une camarade chargée de prendre des notes et de transcrire tout ce qui se dit et fait sur un
ordinateur portable. Et vous constatez que dans toutes les réunions, le seul ordinateur portable observable sur la table des négociations, c’était celui du LKP. Pour noter point par point ce qui
sortait des échanges.
A notre arrivée aux négociations, le samedi 28 février dernier, nous leur avons demandé de mettre en place un secrétariat : parce qu’il s’agissait d’acter un certain nombre de
points.
L’Etat français, un pays de 56 millions d’habitants, sinon plus, un grand pays, qui se fait passer pour une puissance mondiale, était incapable de mettre en place un secrétariat en mesure de
produire à la fin d’une réunion un texte reprenant tous les points d’accord. Il n’était pas capable de faire cette simple chose !
Et quand à 4 heures du matin, nous leur avons dit : voilà, nous sommes prêts, où est donc le protocole qu’ils proposaient ? Nous avons alors eu à constater leurs mines défaites par 10
heures de négociations. Alors que nous nous étions préparés pour négocier durant 3 jours, non stop, si nécessaire. Parce que nous avons été missionnés par un peuple en lutte et que nous ne
pouvions faillir à nos responsabilités.
Eh bien, non seulement ils n’avaient aucun projet de protocole d’accord à proposer à la fin de la réunion, mais en plus, dimanche dernier, où étaient-ils donc ? Nous, nous travaillions ! Nous,
nous nous préparions. Nous leur avons redemandé le projet de protocole.
Or pendant que les négociations se poursuivaient le préfet glissait une nouvelle fois par une porte dérobée... Pour faire une conférence de presse pour annoncer la fin d’un mouvement !
Comme si c’est lui qui avait lancé le mouvement et que c’est lui qui décidait de sa fin !
Nous voyons là aussi l’incompétence, l’irresponsabilité et la méchanceté dans le comportement, dans leur comportement.
Dimanche donc, rien. Pas de document. Nous avons alors pensé que lundi matin un document nous aurait été transmis : nous les avons appelé. Pas de document. Nous avons attendu. Nous avons reçu le
document à trois heures de l’après-midi. En parallèle des camarades chargés des négociations sectorielles ayant débuté le lundi 02 mars, nous avons mis en place une équipe et travaillé
sur le projet de protocole qui nous a été adressé et qui comporte 10 pages, et 125 articles.
Nous l’avons lu en long et en large puis avons travaillé dessus article par article de 3 heures de
l’après-midi à 9 heures du soir.
Qu’avons-nous constaté ?
Un : qu’il est rédigé dans un mauvais français.
Deux : qu’ils y ont fait figurer ce que bon leur semblait, tout en oubliant plus de 50 articles.
Trois : qu’ils y ont inclu des centaines de clous rouillés destinés, si l’un venait à vous piquer, à vous fourguer le tétanos.
Nous avons alors pris le protocole pour le dépoussiérer, le nettoyer, le désinfecter et nous leur avons fait une contre-proposition : de 125, nous sommes passés à 177
articles.
Pourquoi ? Parce que pour chaque réunion, nous avons les relevés de décisions ; nous avons tout ce qui a été dit par chacun des participants ; et ce qui a été arrêté dans
les réunions.
A 21 heures 30 nous avons renvoyé le document au préfet. Mis en difficulté par notre
document exhaustif, il a alors proposé la mise en place d’une commission de lecture et d’harmonisation. C’est ainsi que nous avons envoyé en préfecture une délégation à Basse-Terre composée de
Elie DOMOTA et de Gaby CLAVIER, accompagnées de la secrétaire du LKP, Nathalie.
En parallèle, un groupe d’experts a été chargé de travailler ici même sur le protocole pour effectuer les dernières corrections, en lien avec les trois camarades présents à la
préfecture.
Et pas à pas, nous avançons... Ce travail, camarades se poursuit et devrait s’achever ce soir. Et demain, quand nous arriverons à 11 heures au port autonome de Pointe à Pitre, (où nous
proposons que les négociations se poursuivent, puisqu’elles y ont commencé), ce sera pour une seule chose : signer !
Sortis d’on ne sait où, ces messieurs ont cru, parce que nous étions des petits nègres, parce nous parlons créole, qu’ils pourraient faire ce qu’ils veulent de nous. Nous avons dit non !
Notre force c’est le liyannaj, cette union qu’il y a entre nous et le peuple. Car ce peuple, notre peuple a déjà trop souffert, il a déjà trop porté et supporté des profitants. Et lorsqu’on
observe ceux à qui il confie les rênes du pouvoir, ceux-ci ne font pas face aux responsabilités confiées par le peuple.
Nous disons que pour une fois, pour une fois dans un pays comme la Guadeloupe où tout le peuple est debout, mobilisé et sait ce qu’il veut, il faut qu’il trouve en face de lui des hommes et des
femmes capables de le guider dans le combat ; mais de ne pas prendre sa place et surtout de ne pas faire n’importe quoi lorsqu’on prétend parler en son nom !
C’est pourquoi camarades, toutes les conditions sont aujourd’hui réunies pour que nous remportions une grande victoire dans ce combat. Et faisons en sorte, de la même manière que le
combat mené par Obama aux Etats-Unis a servi d’exemple pour tous les Noirs de la planète, que le combat mené par le peuple de Guadeloupe serve d’exemple pour tous les travailleurs et tous les
peuples de la Terre luttant contre les pwofitasyon.
Ce n’est pas un hasard : si pendant un mois la presse internationale s’est rendue en Guadeloupe, c’est qu’elle s’est rendue compte qu’il y avait quelque chose qui s’y
produisait, et qui ne ressemblait à rien de ce qui s’est déjà produit en quelque autre point de la planète.
Aujourd’hui, nous devons avoir la fierté d’être Guadeloupéen. Le peuple guadeloupéen est un peuple
debout ! Ils cesseront de nous mépriser et de nous tourner en bourrique ! Et ceux qui croyaient pouvoir nous mener où bon leur semble, et bien aujourd’hui, il faudra qu’ils aillent se
cacher. Car lorsque le peuple se lèvera ils auront des comptes à lui rendre !
Désormais, plus rien ne se fera comme avant ! C’est fini ! Nous nous sommes rendus compte que lorsque nous sommes ensemble, nous sommes plus forts ! Alors il ne nous reste qu’une chose à faire :
rester ensemble !
Jou nou ké mété a jounou, péké vwè jou
!
Nou ké gannyé konba !