Pour enrichir la discussion sur le congrès de notre confédération, il est intéressant de se plonger dans la presse des partis politiques qui regroupent un certain nombre de militants ou responsables de la CGT. La manière dont cette presse a vu le congrès confédéral nous permet, en positif comme en négatif de mieux comprendre où nous en sommes.
Chacun sait que si les liens officiels ont été coupés entre le PCF et la CGT, la grande majorité des responsables de la confédération sont toujours membres de ce parti. D’où des articles dans l’Humanité qui soutiennent la direction de la CGT, mais sous une forme assez détachée (et salement hypocrite), en se contentant de rendre compte sans point de vue particulier du déroulement des débats, mais bien tournés à la sauce confédérale.
La situation est pourtant un peu nouvelle, dans la mesure où un certain nombre de prétendus opposants à la direction confédérale sont également membres de ce parti ! C’est le cas de Didier Le Reste (cheminots), des UDs des Bouches du Rhône et de Seine-Saint-Denis, etc.
Alors certes, l’Humanité se fend de quelques articles montrant la contestation (« En préambule la lutte des classes », « 25 propositions âprement discutées par les congressistes », « Décisions difficiles autour des cotisations »), mais en se gardant bien de prendre position sur les contradictions.
Finalement, il ne restera que l’appréciation positive des articles principaux, sur le rapport d’activité (« Le rapport d’activité adopté à 82% »), sur le document d’orientation (« L’ouverture de la CGT largement approuvée ») qui marquent, implicitement, le soutien du PCF à l’orientation réformiste de la direction confédérale.
Là encore, cela n’étonnera que celles et ceux qui veulent bien être étonnés. Au risque de heurter quelques militants sincères, nous devons rappeler qu’il y a bien longtemps (des décennies !) que le PCF a abandonné toute perspective révolutionnaire et de destruction du capitalisme. Voilà bien longtemps qu’il s’est rangé dans le camp de la réforme du monde existant.
Il n’est pas inutile de rappeler ici sa participation au gouvernement « de gauche » en 1981, son soutien au capitalisme d’Etat des pays de l’Est, sa trahison de la grève générale de Mai 1968.
Il faudrait même revenir jusqu’au Front Populaire dont nous fêtons les 70 ans en ce moment, et la soumission de la grande grève générale à un gouvernement de réforme du capitalisme. Il faudrait rappeler la participation héroïque de nombreux militants communistes à la Résistance, dont l’idéal révolutionnaire a été trahi lorsqu’ils ont été mis sous les ordres du gaulliste Jean Moulin par la direction du PCF. Il faudrait rappeler que cela s’est poursuivi par le soutien à la reconstruction de la France impérialiste à la libération (« Au service de la France », Xème congrès du PCF, juin 1945) etc.
Cet article n’est pas le lieu de tracer ce bilan. Mais nous voulions simplement rappeler que le soutien aujourd’hui du PCF à l’orientation de collaboration de classe de la CGT n’est que la suite logique des trahisons passées…
Les militants de la LCR sont nombreux dans la CGT (comme dans la plupart des mouvements de masse), connus et respectés pour leur combattivité. On aurait pu imaginer les voir en pointe contre le recentrage de la CGT. Il n’en a rien été.
Déjà, l’analyse commence juste avant l’ouverture du Congrès par une erreur monumentale qui était de croire que le Congrès allait se trouver « sous le contrôle des luttes », et que du NON à la Constitution Européenne à la victoire contre le CPE allait sortir « un débat nourri visant à faire apparaître une autre CGT que celle du piètre document initial. Une CGT de lutte et unitaire, une CGT appelant à battre le fer quand il est chaud, et à défendre des revendications d’urgence sociale ».
Car la seule critique c’est que le document d’orientation est « minable », que les tenants du NON (ces prétendus opposants internes) n’ont pas été assez offensifs, c’est qu’il y a « impasse revendicative ». Tout cela est bien sûr exact. Mais l’affrontement entre orientations réformiste et de classe ne porte pas avant tout sur la lutte et la revendication : les réformistes savent parfaitement récupérer n’importe quel mouvement social, même d’ampleur historique. Après le Front Populaire, Mai 68, le CPE en a été une nouvelle illustration.
On cherche en vain une critique de fond, sur l’évolution de la CGT, sur la collaboration de classe, l’intégration à la logique du capitalisme mondialisé, qui permettrait de comprendre la multiplication de ses trahisons partielles.
Les articles suivants de Rouge sont du même tonneau. On se borne à souligner « l’envie d’une stratégie offensive », jusqu’à une demi-critique (« entre institution et réalité ») qui souligne certes les magouilles démocratiques dans la tenue du Congrès mais sans en démonter les fondements, et reste plus que discret sur les désaccords majeurs que sont la Sécurité Sociale Professionnelle et le Nouveau Statut du Travail Salarié. On en arrive ainsi à répandre des illusions impardonnables comme « la nouvelle CE aura donc une responsabilité politique décisive : combler les vides de ce congrès, en répondant à l’attente d’une CGT de combat, ou s’effacer, en laissant le secrétaire général seul à la barre. Dans ce deuxième cas, la victoire de la direction, en partie équivoque, pourrait se retourner en un boomerang de mécontentement », comme si la nouvelle CE était autre chose qu’une chambre d’enregistrement de l’orientation réformiste. On voit là toutes les illusions incrustées à la LCR sur les oppositions internes de l’appareil CGT ! Malheureusement pour nous tous, l’avenir immédiat de la CGT à l’issue de ce Congrès est sans aucune incertitude : c’est la voie de la Sécurité Sociale Professionnelle, du syndicalisme rassemblé, de la nouvelle centrale syndicale mondiale, du syndicalisme responsable et collaborateur. C’est la voie de la collaboration de classe.
Il est vrai qu’en ce moment on retrouve les mêmes illusions dans les relations entre la LCR et le PCF autour d’un projet bien partagé pour les élections de 2007 !
Non camarades, il n’y a strictement rien à attendre de ces prétendus opposants. Nous ne pouvons compter que sur nos propres forces et sur le camp du syndicalisme de classe réuni en toute indépendance et clarté… Et donc on pourrait presque trouver étonnant de lire dans Rouge un compte rendu du meeting de classe de Lille, qui justement se situe sans ambigüité en rupture avec l’orientation confédérale et non en demi-critique plus ou moins mesurée…
Lutte Ouvrière a une longue présence à la CGT, dans de nombreuses entreprises, dirige des syndicats et avait plusieurs délégués au Congrès, affirme avec permanence une orientation de classe. On aurait pu imaginer un intérêt et une participation active aux débats du 48ème Congrès, qui avait somme toutes une certaine importance…
Rien. Absolument rien. Les militants de LO n’ont pas préparé le Congrès, ont à peine lu les documents préparatoires. Ils n’ont manifesté aucune opposition, aucun intérêt au débat, au prétexte que ce congrès était comme les autres. Et leurs délégués au congrès sont restés silencieux.
Le fond de l’affaire, c’est qu’ils considèrent qu’il n’y a pas de débat à avoir sur l’orientation syndicale, que tout est joué et laissé aux directions réformistes, et que si l’on veut débattre politique, il n’y a qu’à rejoindre Lutte Ouvrière ! En ce sens, la construction d’un syndicalisme de classe ne les intéresse pas.
Dès qu’une proposition va dans ce sens, ils ne cessent d’en montrer les limites ou les confusions (parfois à juste titre), mais pour mieux s’en dégager et renvoyer le débat vers leur seule organisation. Apparemment, se situer politiquement par rapport à une échéance importante (et ce congrès confédéral en était une !) les laisse dans la confusion, ou plutôt dans l’incapacité à proposer une orientation, puisque leur seule proposition est … de rejoindre Lutte Ouvrière !
Les articles de leur journal en sont l’illustration. « Un objectif bien vague » titre LO à l’ouverture du Congrès, sur la seule base du rapport de Bernard Thibault, montrant ainsi qu’elle n’a déjà pas compris grand chose. Rien n’était vague dans ce congrès et certainement pas l’affrontement de classe au sein de la CGT.
A l’issue du congrès, un nouvel article parle « d’enterrement de la lutte des classes », mais là encore, comme à la LCR, sans aucune démonstration ni critique de fond, seule manière pourtant de refonder le socle d’un syndicalisme de classe. La seule chose que l’on critique, c’est « Un discours totalement déconnecté de la situation réelle » ce qui est d’ailleurs absolument faux, car le syndicalisme d’accompagnement est parfaitement collé et adapté à la situation réelle d’un point de vue réformiste.
A noter néanmoins un point de vue un peu plus lucide et complet de la part de la minorité de Lutte Ouvrière qui titre « syndicalisme de négociation : Thibault persiste et signe »
Pourquoi toujours critiquer ? Pourquoi ne pas travailler tous ensemble, chacun à sa guise, à la construction d’un syndicalisme de lutte de classes ? Pourquoi s’intéresser à l’orientation de tel ou tel courant, au risque de passer pour des grincheux ou des sectaires ?
S’il s’agissait seulement de luttes, du meilleur moyen de s’organiser et de combattre, on pourrait comprendre la critique. Mais la question du syndicalisme déborde largement ce plan là. Il ne s’agit pas de « construire les luttes », ou de « préparer l’avenir des luttes », comme semblent le penser les camarades de « Débat Militant » dans leur bilan du Congrès.
C’est bien sûr une question importante. Mais on pourrait dire que la question est déjà réglée : tou(te)s les camarades qui se réclament du syndicalisme de classe ne sont plus à convaincre et n’ont pas grand-chose à apprendre de ce point de vue. Elles et ils font leur preuves, jour après jour, dans tous les petits conflits comme les plus grands (et ils ont leur part dans la victoire contre le CPE).
La question qui nous préoccupe est plus vaste : à quoi sert le syndicalisme ? Dans quelle direction avancer ?
Se contenter de défendre le mieux possible au quotidien la classe ouvrière et les travailleurs, dans un combat éternellement recommencé ? Ou avancer vers la libération des travailleurs, vers une société différente, vers le pouvoir des travailleurs ?
C’est là que se trouve la différence entre syndicalisme réformiste et syndicalisme révolutionnaire : la perspective, le sens qu’il donne au combat ouvrier, l’éducation au combat de classe qu’il met en place.
Plutôt que de répéter nos anciens, nous republions sur ce blog deux chapitres d’un vieux texte de 1921, écrit par Alexandre Losovsky, alors dirigeant de l’Internationale Syndicale Rouge. Relus 85 ans plus tard, ils sont criants d’actualité !
Le premier traite de la conquête ou de la destruction des syndicats. Il répond à des camarades qui abandonnent le terrain syndical au prétexte de ses diverses compromissions réformistes. Le deuxième trace une nette ligne de démarcation entre le syndicalisme de classe et le syndicalisme de collaboration.
Ces textes démontrent qu’il ne peut y avoir syndicalisme de classe sans politique révolutionnaire. Sans projet socialiste, pouvoir des travailleurs, révolution sociale anti-capitaliste. Sans politique communiste au véritable sens du terme, sans parti ouvrier.
Pas de syndicalisme de classe sans politique révolutionnaire : c’est le "kit" que Voie Prolétarienne propose aux lectrices et lecteurs de ce blog !