"le malaise est total et général"
Nous publions ci-dessous l'intervention de Elie Domota, porte parole du LKP, lors de la conférence de presse du mercredi 18 février 2009, reprise du site de l'UGTG.
On ne peut que saluer l'attitude des militants guadeloupéens à l'égard de la révolte des jeunes. Au souvenir des émeutes des banlieues de novembre 2005, certains syndicalistes et hommes politiques feraient bien d'en prendre de la graine, nous n'avons pas oublié les discours honteux de l'époque !
L'évolution de la situation en Guadeloupe montre que cette grève générale est l'accumulation d'une multitude de révoltes sur des motivations économiques (la vie chère), politiques, sociales qui se renforcent les unes les autres pour déboucher sur un contenu unique, la situation coloniale de cette île.
Trop souvent, le parallèle est fait avec la situation en France, alors qu'il s'agit dans un cas d'une métropole coloniale, dans l'autre d'une colonie. Si l'apparence des choses (la vie chère et la grève générale) peuvent laisser penser qu'il y a des communautés d'intérêt - ce qui est évident - on ne peut surtout pas réduire la lutte aux Antilles à une simple grève générale métropolitaire. Ce serait faire une grave erreur, et escamoter la domination coloniale, parfaitement illustrée par le fameux reportage sur les békés en Martinique. Mais il semble que rares sont les militants qui soulignent cet aspect des choses, et défendent les indépendantistes/autonomistes, quel que soit le sens que les peuples antillais veulent donner à leur lutte !
C'est le sens que nous donnerons à la participation aux manifestations de demain dans toutes les villes de France...
Cela fait maintenant quatre semaines, presque jour pour jour, que les travailleurs sont dans la rue à
revendiquer. Tout le monde est d’accord pour dire que oui, le coût de la vie est chère, que les travailleurs ont raison.
Pourtant nous en sommes arrivés au pourrissement de la situation, tout simplement parce qu’il y a un certain nombre de gens représentées par M. JEGO qui ont refusé d’assumer leurs engagements,
engagements conclus le 08 février au matin à la préfecture.
Mais c’est également le patronat qui en quatre semaines n’ont jamais fait une seule proposition ; alors que nous sommes toujours là, mobilisés, et que nous attendons, debout dans la rue.
C’est également M. DESFORGES [préfet de Guadeloupe] qui justement, au lieu de respecter l’engagement de l’Etat, a envoyé ses manblos (forces de répression) pour tabasser les Guadeloupéens et les
traiter de "sales nègres".
Dès lors, tous viennent dire aujourd’hui, " oui, certes, mais n’était-ce pas évitable ? ". Tous viennent aujourd’hui faire de beaux discours appelant au calme... C’est bien beau de venir
aujourd’hui après la tempête ; mais c’est avant qu’il fallait entendre et écouter ce que les travailleurs disaient et revendiquaient.
Comment peut-on admettre que dans un petit pays de 450000 habitants, qu’on ait plus de 100000 manifestants dans les rues chaque semaine ; que le pays soit bloqué depuis quatre semaines, et que la
seule chose qu’on nous dise [ie : les politiques de Guadeloupe] c’est de " restez là, nous irons voir ce qu’il y a là bas et nous leur parlerons [ie : à l’Etat, au gouvernement français], et nous
leurs parlerons, nous vous parlerons.
Eh bien, maintenant il faut que chacun assume aujourd’hui sa responsabilité, et en premier lieu M. JEGO et l’Etat français. Et ce matin encore, Mme ALLIOT-MARIE, ne dit même pas un mot sur le
camarade abattu et se contente d’anonner : "il faut restaurer l’ordre, il faut restaurer l’ordre". Alors que cela fait quatre semaines que le pays est mobilisé, et que tout le monde nous
ignore.
Et là, nous nous adressons particulièrement aussi aux jeunes. Trop souvent dans les discours, l’on stigmatise les jeunes. Mais nous nous disons simplement que si aujourd’hui il y a autant de
révoltes à Baie-Mahault, Pointe-à-Pitre, Port-Louis, Pointe Noire, Bouillante Deshaies, partout dans le péyi GWADLOUP, c’est véritablement parce que le malaise est total et général. Et que si ce
conflit n’est pas réglé, si l’on ne prend pas les décisions qu’il faut pour le régler immédiatement, cela signifie que l’on est proche du chaos social.
Aujourd’hui, le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans est de 60% ! Et depuis ce matin nous entendons un certain nombre de personnes et notamment un certain nombre d’élus qui ne font rien
qui n’utilisent pas leur mandat pour régler les problèmes et aider les gens dire que c’est la faute du LKP.
Comment alors expliquer qu’il y ait autant de monde dans la rue, en même temps ?! Comment alors expliquer que c’est toute la Guadeloupe qui est mobilisée et concernée ?!
Eh bien c’est tout simplement parce que la désespérance est totale et générale ! Il faut donc des réponses, et la répression n’est pas une réponse !
Car personne ne nous fera croire, ni ne fera quiconque croire que LKP monte la tête des jeunes, ni des autres. Personne ne fera croire que la vie est différente dans ce pays : Oui, il y a de la
misère ; oui, il y a de la désespérance sociale dans ce péyi ! Et tous les cris que l’on entend et voit aujourd’hui, ce sont ceux de la désespérance, notamment chez les jeunes.
Et c’est pourquoi nous disons, que même nous, nous n’avons jamais pensé que la situation était aussi criante et aussi profonde. Et aujourd’hui, ce n’est pas simplement le protocole d’accord de
LKP, ce n’est pas simplement un accord interprofessionnel sur les salaires qui règlera la situation. Il faut un véritable plan d’urgence pour la formation professionnelle et pour l’emploi pour
permettre aux jeunes guadeloupéens de travailler et d’être formés en Gwadloup. Voilà ce qu’il faut faire !
Ils faut qu’ils entendent ce qui se passe depuis quatre semaines où qu’il s’agisse de l’Etat et de certains élus, qu’il s’agisse des patrons : tous se contentent de jouer !
Minute de silence
Tout cela pour réaffirmer aussi que nous restons mobilisés et que nous appelons le peuple de Gwadloup a tenir la mobilisation. Et que bien évidemment, le camarade [ie : Jacques BINO] est tombé ;
qu’il était un militant. Nous pensons à lui et à sa famille. Mais lui, il aurait voulu que nous continuons la lutte. Et nous avons le devoir de de continuer pour tenir ce flambeau et pour montrer
à l’Etat français qu’il ne fera pas avec nous ce qu’il a fait avec d’autres ! Que nous ne sommes pas leur serpillères !
Et que tout ceux qu’ils envoient pour nous détourner de la vérité, aille leur dire que nous ne nous détournerons pas de cette vérité : depuis un mois nous manifestons en ordre ! Quel autre pays
au monde qui peut offrir l’exemple de manifestations et de mobilisations aussi importantes sans qu’il y ait aucun problème ?!
Dans le même temps les nous entendons que c’est seulement aujourd’hui que Mme ALLIOT-MARIE monte une cellule de crise ! Et quelle proposition font-ils ? Eh bien, c’est de renforcer l’ordre !
Nous demandons aux camarades présents sur les barrages de les assouplir pour permettre le passage, mais nous ne levons pas les barrages ! Nous ne levons pas les barrages !
Nous autres assumons nos responsabilités ! Que chacun assume les siennes ! Et singulièrement l’Etat français qui a négocié avec nous le 8 février dernier un protocole, un accord
interprofessionnel sur les salaires !
Et que personne ne vienne jeter le discrédit sur LKP, ni sur NOMERTIN, ni sur FLEMIN, ni sur DOMOTA, ni sur aucun autre dirigeant de LKP.