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26 avril 2006 3 26 /04 /avril /2006 20:42
Mercredi 26 avril 2006
Intervention de JP Delannoy, secrétaire de l'USTM Nord Pas-de-Calais au rassemblement de Lille le 26 avril 2006


Avant de commencer mon intervention, je voudrais apporter une première appréciation sur les deux premières journées du 48ème Congrès.
Au delà des questions de fond sur lesquelles j'interviendrais par la suite, nous constatons que les temps réservés au débat se sont réduit. Résultat : moins d'intervention et forcément d'intervenants, des temps d'intervention plus courts et on ajoute à cela une sélection qui est faite sur certains intervenants à l'exemple de notre camarade Serge Piéplat qui a été le premier à déposer son intervention à la tribune à 14h15 (avant le rapport d'intervention de B.Thibault) et il n'a toujours pas pu intervenir.

Cette situation pose forcément la question du déroulement démocratique des travaux et nous interroge encore plus sur l'avenir de la CGT.

C'est pourquoi l'occasion nous est donnée dans le cadre de ce rassemblement d'avoir la possibilité d'une expression contradictoire, qui permet de faire connaître sans langue de bois l'expression des organisations syndicales de base.

Je voudrais ici féliciter l'engagement des militants de toutes professions, de la construction, de la métallurgie, des enseignants, de l'agroalimentaire, de la chimie (et j'en oublie) qui avec leurs unions locales et leurs unions professionnelles ont tenu aujourd'hui à marquer leur désaccord à l'orientation de la direction confédérale.

Le rassemblement de ce mercredi 26 avril répond à une volonté collective d'organisations syndicales de base. Depuis l'annonce de cette initiative, celle-ci a pris une autre envergure, puisque d'un rassemblement de syndicats d'une profession, d'autres professions de différentes régions du pays se sont jointes à ce premier rassemblement.

Le fossé entre la Commission Exécutive Confédérale et les organisations syndicales à la base se creuse de plus en plus. Que cela soit sur les objectifs revendicatifs ou encore sur la stratégie de lutte d'un syndicalisme rassemblé de sommet qui étouffe toutes les initiatives d'action sur les revendications des salariés.

Et ce n'est pas la formidable victoire des étudiants et lycéens contre le CPE que les Confédérations syndicales utilisent, qui doit nous faire oublier les échecs sur les retraites, la Sécurité Sociale, l'emploi et les salaires des 5 années antérieures.

La victoire du CPE est avant tout celle de la jeunesse, notamment des étudiants et des lycéens. La preuve en est dans le nombre d'appels aux journées nationales d'actions décidées par les organisations étudiantes et lydcéennes. Ce sont 8 appels nationaux des étudiants et lycéens, rien que pour le mois de mars 2006 avec les structures professionnelles dans les départements et interprofessionnelles avec les Unions Locales qui ont entretenu une mobilisation permanente, alors que les confédérations syndicales n'ont appelé qu'à... 3 journées nationales d'action.

Quelle unité aurait eu l'unité syndicale au sommet, que l'on appelle syndicalisme rassemblé, s'il n'y avait eu la formidable poussée des étudiants et des lycéens auxquels se sont jointes les organisations syndicales CGT à la base ?

C'est une question importante au regard des échecs successifs de :
  • 2001 : sur les retraites complémentaires
  • 2003 : sur la retraite (loi Fillon)
  • 2004 : sur la Sécurité Sociale
  • 2005 : sur l'emploi et les salaires
L'on comprend mieux que cette victoire fut un véritable soulagement pour la direction confédérale qui se sert du CPE pour sauver sa stratégie du syndicalisme rassemblé.
Lorsqu'on analyse les événements sur ces 5 dernières années, l'on s'aperçoit que le CPE est "l'arbre qui cache la forêt".

Nous aurions aimé, par respect aux étudiants et lycéens qui étaient toujours dans la bagarre sur le CNE et contre la loi de l'égalité des chances, un peu plus de retenue après que le Gouvernement ait annoncé que le CPE allait être remplacé par un autre texte qui se traduit par plus de fric pour les patrons.

Là également, pourquoi ne pas avoir embrayé dès le 4 avril 2006 contre le CNE plutôt que d'attendre le 48ème Congrès pour proposer d'autres initiatives à ce propos ? Il est évident qu'aujourd'hui il est plus compliqué de repartir dans une mobilisation plus de 15 jours après !

Le Syndicalisme Rassemblé est donc bien utilisé pour étouffer les revendications à la base. Les objectifs soi disant clairs entre les confédérations ne sont en fait que des compromis entre différentes organisations syndicales où les salariés n'y compprennent plus rien. Seuls le CPE, le CNE et la loi pour l'égalité des chances étaient des revendications avec des objectifs clairs, mais qui venaient des organisations étudiantes et lycéennes. Malheureusement, seul le CPE a été retiré et remplacé.

Oui, le syndicalisme rassemblé est une véritable "machine de guerre" où l'on utilise outrancièrement la délégation de pouvoir pour assoir l'autorité de la Confédération.

Il suffit de voir le relais médiatique dont bénéficient la CGT et la CFDT pour se rendre compte à quel point cette stratégie est utilisée par le pouvoir économique, qui d'ailleurs (avant le conflit sur le CPE et le CNE) ne cachait pas son inquiétude sur l'issue que pouvait avoir le 48ème Congrès de la CGT. En effet, une réaffirmation des conceptions de classe, surtout après le camouflet du vote du CCN sur la Constitution Européenne, aurait été pour le Patronat un réel danger pour les discussions qui doivent suivre.

Dans ces conditions, on peut se demander quelle utilisation du conflit du CPE, et la victoire (inespérée) pour les Confédérations syndicales a pu rassurer la majorité des politiques qui n'hésitent pas utiliser le CPE, comme le couple "Sékozy/Sargolène".

Il est urgent que les organisations syndicales à la base prennent conscience que l'on ne peut laisser une Confédération continuer à tourner le dos aux principes de classe, aux fondamentaux qui ont fait de la CGT une organisation de masse, parce que de classe !

Lors du 37ème Congrès de la FTM à Nantes, le Secrétaire Général de la Confédération était intervenu pour clouer au pilori des revendications comme :
  • la retraite à 55 ans
  • la reconstruction des grilles de salaires sur la base de 1590 €
  • l'embauche des jeunes et des précaires
  • l'arrêt des licenciements
allant jusqu'à dire que c'était des revendications sorties "d'un chapeau" !

Tout d'abord, c'est vraiment manquer de respect vis-à-vis des militants de base, qui avec les syndiqués et les salariés avaient construit leur plateforme revendicative, mais on peut aujourd'hui se demander d'où sort cette revendication de Sécurité Sociale Professionnelle ! Est-ce dans les couloirs de la Confédération syndicale ou ailleurs que s'est construite cette revendication ?

En outre, demandez au travailleur quelle perception il a entre la Sécurité Sociale Professionnelle et la retraite à 55 ans, et bien croyez-moi, il n'y a pas photo !

Oui, on peut s'interroger sur la valeur démocratique de revendications aussi ambiguës que floues, que sont la Sécurité Sociale Professionnelle, la garantie collective de haut niveau, quand ce n'est pas la revendication d'un SMIC à 1400 € (9200 FF), revendication qui n'a pas changé depuis plus de 15 ans !!

Les échecs cumulés depuis les dernières années sur les retraites, les salaires, la sécurité sociale, sur l'emploi pouvaient être remis au centre de la mobilisation de mars 2006.
Mettre à profit cette formidable mobilisation contre le CPE et le CNE pour faire exprimer le ras le bol des salariés sur leurs revendications.
Oui, la victoire des étudiants et des lycéens est la démonstration que c'est bien leur unité d'action sur leurs revendications qui a imposé l'unité des Confédérations syndicales et non le contraire. Ce ne sont pas les Confédérations qui ont tiré, mais la jeunesse étudiante et lycéenne qui a poussé !

La démonstration est faite que la délégation de pouvoir ne peut être une issue. Attendre des appels nationaux interprofessionnels le doigt sur la couture, rien n'est plus dangereux pour l'avenir de la classe ouvrière.

Ce qui est inquiétant, c'est l'utilisation outrancière de cette stratégie de syndicalisme rassemblé pour s'attaquer à l'identité de la CGT. La particularité de la CGT, c'est un syndicalisme de classe et de masse qui en a fait sa force. Ce sont sur ces conceptions que les organisations de base ont mobilisé. L'identité de la CGT s'est pleinement exprimée lors du dernier conflit, grâce surtout aux organisations syndicales de base qui ont mobilisé au delà du CPE et du CNE, c'est à dire sur les revendications des salariés.

Nous nous inquiétons des passerelles qui se créent avec les autres organisations syndicales. Non pas que nous sommes contre l'unité syndicale, bien au contraire, mais elle ne peut pas se construire entre elles, en catimini, mais bien sur les revendications des salariés.

Or cette construction nécessité forcément une mobilisation, et surtout un rapport de force exceptionnel.
Une question : comment peut-on imposer
  • la refonte des grilles de salaires sur la base de 1590 €
  • la retraite à 55 ans
  • l'arrêt des licenciements et l'embauche des précaires
  • la revalorisation des pensions avec tout de suite 200 €
  • le maintien et le développement de nos accords conventionnels
  • ...
Ce n'est pas avec une mobilisation d'une journée nationale d'action tous les 6 mois que nous y parviendrons, mais par la constitution d'un rapport de force avec reconductibilité de la grève, pour aller au blocage de l'outil de production.

Le défi de la mondialisation, cher au gouvernement des différents pays de la planète et patronat, n'est autre que le capitalisme qui exploite les salariés de la planète.

En omettant de faire une analyse objective des conséquences du capitalisme, forcément cela pose des problèmes au syndicalisme, à la CGT certes, mais également aux autres organisations syndicales réformistes qui voient arriver une concurrence sur le terrain de l'accompagnement du capital.
Oui, il est plus que jamais urgent que l'on aborde les objectifs revendicatifs des salariés si l'on ne veut pas que le fossé qui se creuse entre nos dirigeants nationaux (la CE confédérale) et nos organisations syndicales s'agrandisse davantage. C'est le sens de notre message d'aujourd'hui que nous voulons faire passer.

Lors du référendum du 29 mai contre la Constitution Européenne, nous avons à quel point ce fossé était important entre la base et la Direction Confédérale.

Les manifestations du 4 octobre 2005, du 7 février 2006, 7 mars, 14 mars, 16 mars, 18 mars, 28 mars, 30 mars et du 4 avril 2006 ont vu les mêmes exigences qui ont motivé le vote contre la Constitution Européenne.

Profitons de la voie montrée par les étudiants et les lycéens pour ressouder toute la CGT, mais cela nécessite d'autres objectifs revendicatifs et une autre stratégie.

Quant au slogan du Congrès, le P.S.E. (Proche, Solidaire, Efficace), ce slogan existe depuis la naissance de la CGT, mais dans la pratique, sans le dire. Le fil à couper le beurre ne vient dont pas d'être inventé !
Si l'on n'était pas Proche, Solidaire, Efficace dans la pratique depuis la naissance de la CGT, la CGT ne serait pas ce qu'elle est devenue aujourd'hui. De là à en faire un slogan, là n'est pas la question.
La question essentielle, c'est quels objectifs revendicatifs et quelle stratégie de luttes ?
Certainement pas celle appliquée actuellement !

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