Mardi 14 octobre 2008
Vendredi 10 octobre, 5000 manifestants de la filière ont investi le Mondial de l’Automobile à la Porte de Versailles, une manifestation très ouvrière, des jeunes et des moins jeunes à part égale, en majorité des hommes mais aussi des équipes de femmes, avec une absence quand même notable, celle des travailleurs immigrés pourtant nombreux dans le secteur.
Des milliers d’ouvriers en force face au luxe de la bourgeoisie, pour exprimer leur colère au milieu de voitures qu'on produit dans des conditions de merde et qu'on ne pourra jamais acquérir sans s'endetter... pour enrichir les banques !
Des camarades de Renault Flins (2 cars), de Renault Cléon (4 cars), de Renault et des équipementiers du Nord Pas de Calais (plus de 300 personnes), de Renault Trucks Caen (2 cars) ou Limoges (1 car), de Goodyear (2 cars), des sous-traitants comme Faurecia, Valeo, Wagon Automotive, Plastic Omnium, NTN, Continental et de partout.... Des milliers de personnes, deux fois plus qu’il n’en était attendu par les organisateurs, une bombe dans le climat social, tant face aux divers réformistes qu’à Sarkozy qui a tenté cet été de nous chanter la fin des grèves… Au delà du traditionnel gratin de bureaucrates fédéraux bien sûr bien visibles, des milliers de travailleurs directement en première ligne face aux restructurations, au chômage technique, aux licenciements, bref, d'abord et avant tout une manifestation de "révoltés" !
Cela faisait plaisir de voir les voitures de luxe bardées d’autocollants, dans une manifestation ouvrière, déterminée, combattive. Ca a vraiment fait du bien de voir que la combativité était là, de discuter avec des camarades, de ressentir et de vivre la solidarité et l'unité, l'unité réelle, celle à la base. Une manifestation vigoureuse, vivante, de lutte de classe, comme on n’en a plus vu depuis longtemps (voir une série de photos particulièrement explicites en fin d’article, également sous forme de galerie photo). Une manifestation réellement « Tous ensemble » pour le secteur concerné, avec l’étrange sentiment de l’absence des directions réformistes (qui d’ailleurs en ont pris pour leur grade, ici où là, Thibault ouvertement contesté dans certains cortèges !), le sentiment qu’il faut en finir avec la division et des négociations bidon, qu’il faut construire une véritable unité de combat entre travailleurs, parce que le combat va être dur.
A voir cette vidéo des Renault Sandouville, pas d'une qualité terrible, mais par contre terriblement vivante et pêchue !
Quand on voit à l'inverse la vidéo qu’en a faite la Confédération, avec interview d’un cadre et d’un technicien, pas un seul ouvrier de production, on comprend bien qu’on n’a pas la même vision du monde, pas la même critique de cette société, pas les mêmes objectifs. Quand la CGT en est réduite à parler pénibilité sans dire un mot du travail à la chaîne, du travail posté, pour se concentrer sur les suicides des cadres (au demeurant scandaleux), c’est que vraiment, « nous n’avons plus les mêmes valeurs »…
Non camarades, tous les salariés, tous les travailleurs ne sont pas à égalité ! Non camarades, nous refusons de comparer un OS à la chaîne et un ingénieur, ou un enseignant ! Les ouvriers sont au cœur de la production collective, ils sont totalement dépossédés de leur intelligence, du contrôle sur leur vie, jusqu'à chaque geste de leur travail quotidien. Ils sont usés, détruits, physiquement, intellectuellement et mentalement, par les maladies professionnelles, l'amiante ou le travail posté, les horaires déments comme le décrit très bien l'ouvrier de Renault de la vidéo...
Cette manifestation des ouvriers de l’automobile était une manifestation ouvrière, une manifestation de classe, et c’est l’avenir de notre classe qui est posé, ici, sur notre table, posé par les manifestants en colère et leur invasion du salon de leurs exploiteurs. Par cet acte de révolte, ils ont rompu le pacte de soumission qu’on tente de leur imposer, ils ont explosé à la face de la société leur volonté : nous sommes au cœur du système, de la « bête immonde », et NOUS N'EN VOULONS PLUS.
Les camarades de la CGT de Goodyear résument bien le sentiment général : « La colère se lisait dans les yeux de chaque manifestant, une envie de crier haut et fort le ras le bol du mépris de ces actionnaires qui se gavent sur notre dos et qui font crever nos familles !!!! Le capitalisme à atteint ses limites, avec la crise financière lié à la spéculation sans limite, mais qui peut être surpris de cela ? ». Des manifestants révoltés par la situation actuelle, dans l'incompréhension aussi, des travailleurs qui se demandent pourquoi autant de licenciements sachant que les groupes pour lesquels ils bossent s'engraissent au maximum, pourquoi l'Etat qui soit disant est endetté lorsqu'il s'agit de « sauver » leurs emplois accourent au secours des banques.
D’une manière générale, c’est le capitalisme qui était en accusation, dans ses conséquences mais aussi ses fondements, bien au-delà des discours réformistes qui tentent de trouver des solutions illusoires à ses contradictions de fond. « De cette société-là, on n’en veut pas ! » est plus que jamais le mot d’ordre du moment, en allant jusqu’au bout de la formule : c’est bien de l’exploitation, d’une société fondée sur la concurrence, le marché et le profit qu’on n’en veut plus !
Il ne s’agit pas d’imaginer un contre-plan, un capitalisme à visage humain, il s’agit d’imaginer un autre monde et le moyen d’y arriver, de se donner les instruments syndicaux et politiques pour en finir avec l’exploitation, avec le capitalisme. Comme le dit un extrait du tract des militants qui animent ce blog diffusé dans la manifestation :
« Le chantage, ça ne marche pas avec ceux qui luttent. Le chantage aux licenciements, ça n'a pas marché avec les camarades de Goodyear-Amiens. Ni la peur, avec les ouvriers sans-papiers qui sont en grève pour leur régularisation. Car, de chantage en chantage, de compromis en compromis, on aboutit quand même aux suppressions d'emplois. La seule chose qu'ils essaient vraiment d'assurer, c'est le profit et les dividendes !
Ce n'est pas qu'ils spéculent au lieu de bien gérer. Ce n'est pas la logique financière au lieu de la logique industrielle. C'est le capitalisme. La finance, l'industrie, le commerce, les femmes et les hommes sont au service du capital.
Pour nous, travailleurs, cette société, c'est le « bord du gouffre » tous les jours. Le bord du gouffre pour la santé, avec des conditions de travail et de vie de plus en plus dures (Ouvriers nous sommes cassés à 50 ans). Le bord du gouffre financier avec des salaires au ras des pâquerettes. Le bord du gouffre pour l'emploi, avec la précarité, à commencer par le secteur automobile, le pneu et le verre, à commencer par les intérimaires, les sans-papiers, sans oublier les sous-traitants et les équipementiers. »
La crise de l’automobile (comme celle du capital en général) n’a pas fini de se développer, et le combat va se poursuivre. Les camarades de l'automobile ont posé un jalon important, vendredi dernier. Il va falloir poursuivre, prolonger la colère et la révolte en conscience et en organisation.
Par ailleurs, et nous aurons l’occasion d’en reparler, se tient l’an prochain un nouveau Conseil International des Travailleurs de l’Automobile en Allemagne. Il va falloir y aller, il va falloir y participer : car si la guerre économique des capitalistes est planétaire, à l’heure de la mondialisation, la riposte ouvrière doit l’être également ! Le blog "Où va la CGT ?" va préparer cette manifestation, n'hésitez pas à prendre contact avec nous !
A lire également deux autres reportages sur cette journée :
L’un fait par un camarade du site Bellaciao, avec une série de photos (plus la vidéo officielle de la Conf', c'est nul, c'était vraiment pas la peine !)
L’autre sur la présence des camarades de Goodyear dans la manifestation, en forme de diaporama.
Et à suivre quelques photos pour faire regretter aux absents de n'être pas venus...