La journée du 7 octobre a provoqué quelques remous dans la confédération. Oh, pas bien visibles ! Lors du meeting au Zénith du 25 septembre Thibault a même été ovationné quand il y a fait référence... et les manifestations ont regroupé un peu de monde. L'apparence superficielle est que tout baigne, que la mobilisation montait. Et pourtant, pas mal d'informations nous sont revenues sur les vagues que cela a provoqué...
La première remarque relevée par les uns et les autres, c'est que personne n'a vraiment lu les textes d'appel, et que la plupart des militants, même les plus lucides, s'en moquaient. Partout où on a réussi à imposer la lecture des textes, le résultat a été immédiat et clair, avec refus de participer, tant le contenu est effrayant : on ne construit plus un syndicat, mais une ONG mondiale, expert auprès des institutions internationales comme l'OIT ou autre... !
Ensuite, partout où la discussion a réussi à s'imposer, grâce à l'acharnement de quelques militants déterminés, la riposte a commencé par une attaque frontale et violente de tous les responsables. Le débat a été extrêmement conflictuel, et il fallait des nerfs d'acier pour "tenir". Mais toujours, le résultat a été positif, surtout quand on opposait cette initiative au véritable symbole de la rentrée sociale qu'était la manifestation des Goodyear. Le doute était semé, et les interrogations sur l'orientation confédérale posées sur la table. Toujours, le débat a permis que d'autres camarades s'expriment, donnent leur position, parfois pour aboutir à des attitudes majoritaires pour combattre le contenu et refuser de participer à cette mascarade, quelle qu'en soit la forme. Du Limousin à la Picardie, en passant par l'Ile de France et Midi-Pyrénées, nous avons eu comptes rendus de ces débats, avec la même tournure partout.
Enfin, de nombreux camarades admettaient pouvoir être en désaccord sur le fond, mais contournaient la contradiction en prétendant "transformer" la journée du 7 octobre en journée de lutte de classe. Un commentaire reproduit sur le site Bellacio et tout à fait éclairant de ce point de vue :
"Être révolutionnaire c’est être opportuniste et se saisir de toutes les occasions à notre portée, surtout "de masse", pour dire et affirmer ce que NOUS nous voulons.
Le 7 octobre ON NE DOIT PAS RESTER CHEZ NOUS - on ne boude pas dans son coin , ça fait le jeu des anti-révolutionnaires, des réformards de tout poil - on réunit des camarades à peu près sur la même longueur d’onde, on fait de l’AGIT-PROP, on donne NOS tracts avec NOS mots d’ordre".
On a ici une attitude mobilisée, c'est déjà ça, mais on a vu d'autres déclarations beaucoup plus surprenantes de la part de camarades qui se réclament du syndicalisme de classe, comme le collectif Continuer la CGT qui a reproduit l'appel au 7 octobre avec un commentaire symbolique, ou les Comités Syndicalistes Révolutionnaires qui ont fait de même, jusqu'à la réunion qui vient de se tenir à Douai, qui minimise radicalement la critique au contenu de la journée. De leurs côtés Lutte Ouvrière et Rouge ont été exactement dans le même sens en escamotant complètement l'origine et la nature de la journée du 7 octobre et ce qu'elle manifestait sur le fond de l'évolution de la CGT. Idem d'ailleurs pour les syndicats SUD qui se sont investis dans la journée sans plus de discernement...
On retrouve là une attitude extrêmement fréquente dans la CGT. On n'affronte pas ouvertement le réformisme des directions fédérales, départementales ou confédérales, on botte en touche, on veut faire "autre chose", on veut être "positifs". Oui, mais résultat des courses : la journée réformiste a bien lieu, avec la participation active des opposants, sans la moindre critique publique, sans le moindre débat. Si encore le débat avait eu lieu en interne, on aurait pu l'imaginer, mais cela a raremant été le cas !
Et on a donc vu Thibault et Chérèque se féliciter du succès de la mobilisation, des manifestations proposées ici ou là pour espérer "contrebalancer" le contenu particulièrement pourri de la journée. Les réformistes se moquent de ces prétendus opposants qui n'osent pas s'affronter. Au contraire, cela leur sert bien, ils savent utiliser les plus combatifs pour faire passer leur orientation réformiste, récupérer les prétendus opposants au service de leur politique.
On retrouve la même chose partout dans la Confédération : les camarades qui viennent nous voir dans les couloirs pour nous féliciter d'une intervention plutôt critique, mais qui votent immédiatement après contre nous. Les camarades qui sont critiques mais qui votent les résolutions de congrès sans débat, le petit doigt sur la couture du pantalon.
L'impression que malgré toutes les couleuvres qu'on avale, il faut absolument défendre le syndicat, peut-être le seul instrument qui nous reste ? Ou simplement de l'opportunisme confortable ?
Mais c'est une illusion complète. Illusion de croire que peu importe le contenu, pourvu qu'il se passe quelque chose, que cela "bouge" en période difficile, alors qu'il est évident que de toutes façons c'était une journée d'action bidon de plus, au moment où tous les jours, secteur après secteur, entreprise après entreprise, les luttes se développent dans l'isolement et la division. Indépendemment même du contenu "indécent" de cette journée mondiale, qui peut croire une seule seconde en la volonté de notre direction confédérale d'aller vers un mouvement général ? La seule perspective qu'ont les directions réformistes en ce moment, celle qui les tétanise pour leur "représentativité" face à Sarkozy, ce sont les élections prud'homales du 3 décembre. Belle perspective pour la lutte des classes !
On ne reviendra pas au syndicalisme de classe en s'imaginant contourner le débat de fond CONTRE les réformistes qui nous dirigent. Eux savent parfaitement naviguer dans les contradictions, ils savent laisser filer la bride quand c'est un peu chaud, pour conserver l'essentiel, la direction et l'orientation. Ils savent utiliser les conflits radicaux quand cela les arrange, mais quand l'affrontement devient explicite et ouvert tout se durcit. Nos camarades du CGT-E Dalkia en ont fait la rude expérience.
Cela aussi fait peur, la pression, le harcèlement, les exclusions, les tentatives de déstabilisation comme celle en cours à l'Union Locale CGT de Douai, ils sont capables de tout, et chacun d'entre nous le sait.
Mais il faut savoir ce que l'on veut, si l'on veut vraiment avancer. Si on est convaincus et déterminés, il faut aller au combat, convaincre, de manière tactique bien entendu ( et de ce point de vue parler de "boycott" de notre part n'était pas très adapté, car nous n'avons aucun moyen d'un véritable boycott, c'est pour cela que nous sommes revenus à "combattre et refuser de participer"), mais fermes sur le fond.
Car ce combat n'est pas inutile. Le débat a eu lieu et a produit des effets partout où il a été mené par des militants déterminés. Même au niveau national, les remous autour du 7 octobre dans la Confédération ont été visibles en transparence, pour qui sait lire entre les lignes (et nous en sommes devenus champions du monde !). On peut par exemple noter les évolutions de la direction confédérale depuis le début de la campagne fin août. La déclaration du CCN du 1er octobre est de ce point de vue révélatrice. Elle réussit l'exploit de ne pas dire un mot de l'origine de cette mobilisation : la CSI et la CES, ainsi que sur le contenu de cette journée mondiale, pour un "travail décent".
Tout au plus découvre-t-on à la fin une vague référence à une "journée interprofessionnelle de lutte" suivie d'un "rassemblement international de lutte et de solidarité", aussi lisses qu'imprécis. On trouve quand même toujours quelques perles du style "il faut repenser le système économique mondial"... ce qui relève évidemment du voeu pieux si l'on ne parle plus de capitalisme.
Mais ce qui est étonnant dans cette déclaration, c'est son éloignement des positions initiales de la confédération, où elle assumait beaucoup plus ouvertement son insertion dans l'initiative de la CSI. La luxueuse plaquette(voir ci-contre) a disparu, plus un mot sur la pétition à signer, les tracts initiaux également (voir tous les liens dans l'article précédent), seulement une référence lointaine, avec une insistance nouvelle sur la situation en France.
C'est évidemment le signe que ça ne passait pas quelque part, et qu'il fallait "recentrer" le contenu pour que cette journée ne soit pas un bide retentissant comme l'a été la journée d'action de juin dernier. Gommer les aspects les plus choquants pour calmer ceux qui rechignaient et garantir donc le succès recherché, la seule chose qui restera.
Nous sommes les seuls (à notre connaissance) à avoir publiquement dénoncé cette journée pourrie, à l'avoir combattue, à avoir refusé d'y participer, contre vents et marées, car il y avait là selon nous un saut dans le réformisme confédéral, un de plus mais particulièrement honteux. Partout où nous avons pu, nous avons mené bataille, et franchement, au bilan, le résultat est plus que positif. La seule chose que l'on peut regretter, c'est qu'il n'y ait pas eu plus de camarades pour sortir du bois avec courage et détermination pour afftonter ouvertement les positions réformistes.
Il n'y a pourtant pas d'autre moyen pour construire le syndicalisme de classe... Et nous allons le revivre pour la préparation du 49ème Congrès confédéral déjà sur le feu...