C'est par les termes du titre de cet article qu'un lecteur s'interroge à juste titre sur la politique de la Confédération vis à vis des sans-papiers.
D'ailleurs, à lire le numéro de rentrée du journal de la CGT à ses adhérents, "Ensemble", la lutte des sans-papiers relève du passé, d'avant les vacances, avec une forme de bilan avant de passer à la mobilisation pour le 7 octobre et les prud'hommes. Et plus aucune information ne sort depuis le mois de juillet !
D'un autre côté, les médias viennent de relayer ces jours-ci l'occupation très symbolique du restaurant La Tour d'Argent (dont les grévistes viennent d'ailleurs d'être évacués manu-militari), occupation hautement téléguidée par la direction confédérale, déclaration de Francine Blanche à l'appui :
"Ces derniers jours, la CGT a apporté son soutien à quatre autres grèves de sans-papiers, à La Tour d'Argent à Paris (7 grévistes), à Massy (Essonne) dans une entreprise de BTP (22 grévistes), à Taverny (Val-d'Oise) dans l'imprimerie Stamp (13 grévistes) et à Nanterre (Hauts-de-Seine) où 40 dossiers de régularisation ont été soumis à l'employeur, la société de nettoyage Isor.
"Ce n'est pas une troisième vague, on aurait pu lancer des grèves dans 30, 40 entreprises. C'est plus une démonstration de force ciblée, on a choisi une entreprise par secteur concerné (BTP, hôtellerie-restauration, nettoyage, imprimerie). On veut arriver à une application banalisée, harmonisée et simplifiée de la circulaire du 7 janvier et ne pas être obligés de faire partir systématiquement en masse des grèves dans des entreprises", a souligné à l'AFP Francine Blanche, secrétaire confédérale CGT.
On ne saurait être plus explicite, et cette nouvelle déclaration va exactement dans le sens du tract honteux diffusé lors de la manifestation anniversaire des Saint-Bernard. La CGT a encore réduit ses ambitions : de la régularisation de tous les sans-papiers votée comme amendement à la décision 13 du document d'orientation lors du 48ème Congrès à la seule régularisation des travailleurs sans-papiers, on est maintenant arrivé à "l'application harmonisée" de la circulaire Hortefeux du 7 janvier... De recul en recul, on est ramené à l'interrogation de notre lecteur, titre de ce billet : quel est le deal avec le ministre ?
Aujourd'hui, jeudi 18 septembre 2008, à 10 h, des travailleurs sans-papiers, soutenus par des militants de l'Union Syndicale de l'Intérim CGT (USI-CGT) ont décidé d'occuper, l'agence de travail temporaire MANPOWER de la rue Parrot dans le 12ème arrondissement de Paris.
Précaires parmi les précaires, les intérimaires sans-papiers sont les travailleurs les plus exposés. Payés au rabais, confrontés à des conditions de travail dignes d'un autre temps, ils sont privés de droits. Ils ne peuvent se défendre face aux abus sous peine de se voir arrêter, emprisonner et expulser. Ils sont des milliers à travailler dans l'insécurité et la peur.
Fin mai, les premières actions d'intérimaires sans-papiers concernaient principalement des entreprises de travail temporaire de petite taille qui restent toujours occupées (MAN BTP, PERFECT INTERIM, CAPI,…) Le mois d'août s'est caractérisé par l'occupation du centre de traitement d'ordures ménagères de Romainville (93) qui s'est terminé par le règlement du conflit mais qui a permis de mettre à découvert la complicité d'une importante entreprise de travail temporaire, START PEOPLE, avec les grands groupes industriels.
Les grands groupes du BTP, le patronat de l'intérim et les réseaux de sous-traitance participent à l'unisson dans l'organisation de cet esclavage moderne. Ils savent qu'ils pourront tirer un maximum de profit en disposant d'une main d'œuvre malléable et corvéable parce ce qu'elle survit sous la menace. Le nombre d'intérimaires sans-papiers est à la mesure de l'impunité dont bénéficie le grand patronat. Et pour cause, le ministre HORTEFEUX a donné pour consigne de bloquer et refuser tout dossier de demande de régularisation concernant les intérimaires sans-papiers. Une décision qui conforte la délinquance patronale.
Depuis le 20 mai, l'USI-CGT est intervenu, à maintes reprises, auprès du PRISME (syndicat patronal du travail temporaire). Sans résultat. L'Union Syndicale de l'Intérim CGT interpelle les pouvoirs publics pour que les travailleurs intérimaires sans-papiers soient régularisés. La CGT compte s'employer à fond pour faire de sorte que les salariés sans-papiers deviennent des salariés à part entière.
Régularisation de tous les travailleurs sans-papiers !
Pourtant, les sans-papiers sont toujours en grève, des conflits débutent même, comme au SYCTOM de Romainville d'ailleurs vite réglé, comme l'occupation d'une agence Manpower (voir encadré). Des grèves dures se poursuivent depuis le mois de Mai, grâce à la détermination farouche des grévistes face à des patrons de choc, soutenus par une poignée de militants locaux, comme à Griallet (Montreuil) face à un patron mafieux, membre ou proche du FN, dont l'activité professionnelle même est contestée par la justice pour "présomption de faillite frauduleuse" (les entrepôts évacués par les grévistes début septembre viennent d'être mis sous scellés par le tribunal, et JP Griallet contraint par les gendarmes à remettre en place les dossiers qu'il tentait d'évacuer !). Dans d'autres endroits la grève se poursuit, et au désespoir des sans-papiers, ce sont les bureaucrates de la CGT qui accaparent toutes les informations et les décisions, laissant les grévistes totalement dépossés de leur lutte, véritables tirailleurs sénégalais de la politique confédérale, chair à canon de la propagande réformiste.
Partout, dans les unions locales, les sans-papiers défilent pour "avoir des papiers", et beaucoup seraient prêts à la lutte, mais rien ne leur est proposé. En province, Lille, Lyon, Marseille, Toulouse et ailleurs, aucun conflit, aucune grève, aucune occupation. Les syndicalistes combatifs de la CGT, honnêtement prêts à s'engager dans la bataille, n'ont aucune directive, aucun conseil, sont laissés livrés à eux-mêmes, et le plus souvent sont ainsi réduits à l'impuissance, d'autant plus que la Confédération ne cesse de tenter d'étouffer l'incendie qui se répand.
La Confédération n'arrive pas à tourner la page, et ce n'est pourtant pas l'envie qui lui manque. C'est à la fois le signe de la force de la lutte des classes et celui de la détermination des plus exploités des travailleurs qui n'ont plus rien à perdre que leurs chaînes.
L'autre volet qui l'empêche d'abandonner les sans-papiers à leur sort est l'épine dans le pied qu'est l'occupation de la Bourse du Travail, qui se poursuit sans faiblir. La fête de l'Humanité et les jours qui suivent ont laissé une impression étrange de "bizarre". Alors qu'il semblait que les choses avaient progressé, la tension a fortement augmenté, d'abord avec la tentative d'exclure les militants de la CSP75 de la fête de l'Humanité, ensuite avec des déclarations étranges de responsables de la CGT de Paris, en concordance douteuse avec des rejets surprenants de dossiers de régularisation à la préfecture... Un communiqué de la CSP 75 résume : Y a-t-il un accord entre une partie de la direction de la CGT et la préfecture pour empêcher les régularisations des 1300 sans-papiers de la Bourse du travail ?
Que cherchent la direction confédérale et l'UD de Paris ? Un règlement par la force, comme avec le 9ème collectif il n'y a pas si longtemps ?
Encore une fois, seule la lutte des classes indique le sens de l'histoire ! Partout, organisons-nous, main dans la main, ouvriers avec ou sans-papiers pour gagner l'égalité ! Ne laissons pas les syndicalistes collabos négocier dans notre dos avec le gouvernement ! Contrôlons notre lutte, ne nous laissons pas manipuler !
Régularisation sans condition de tous les sans-papiers !
Liberté de circulation et d'installation !
Abrogation de toutes les lois et circulaires de discrimination : de Barre/Bonnet/Stoleru à Fillon/Hortefeux en passant par Pasqua et Chevènement !