A l’initiative du bulletin « La CGT n’est-elle pas en danger » (c/o Nicole Bernard, 5 rue André Murger 75019 PARIS), animé par des militants du PT, une rencontre a eu lieu le samedi 25 mars dernier à Saint-Ouen. Cette rencontre nationale a réuni plus de 500 syndicalistes CGT (chiffre vérifié) provenant de toute la France, du privé comme du public, contre l’orientation que nous propose la direction confédérale. Une vingtaine de délégués au 48ème Congrès étaient présents, et la rencontre, d’une très bonne tenue, a duré toute la journée, avec plus de quarante interventions très variées mais toutes concordantes contre la dérive réformiste de la direction confédérale.
Un camarade du blog « Où va la CGT ? » a participé à cette journée, où il a d’ailleurs pu prendre la parole, ce dont nous remercions les organisateurs. Nous faisons ici un compte rendu rapide, comme nous ferons un compte rendu de la rencontre organisée le 8 avril par le Collectif Syndical de Classe.
Cette rencontre est un succès pour les organisateurs. Réunir 500 militants CGT à la veille du Congrès n’est par rien, et ce n’était pas gagné d’avance. Cela a donné une salle comble, combative, déterminée, redonné du tonus aux militants isolés, renforcé la détermination de chacun(e) à ne pas laisser faire Thibault, Le Duigou et compagnie.
Avec ce que nous connaissons par ailleurs des réactions d’opposition (la FNIC, les syndicats cités sur ce blog, toutes les initiatives en cours dans la confédération), c’est la marque évidente que l’opposition se renforce dans la CGT, d’où d’ailleurs toutes les manœuvres et magouilles dans la désignation des délégués ou les mises à l’écart…
Quel contenu à cette opposition ?
Tou(te)s les camarades présent(e)s s’opposent à la direction actuelle, c’est très clair.
Le sentiment qui réunissait les participant(e)s dans la contestation de l’évolution confédérale, c’était « nous sommes la CGT », « La CGT doit rester la CGT », « nous sommes la majorité, l’opposition c’est eux ». Autrement dit, il faut défendre la CGT telle qu’elle est, saine, combative, de classe, contre un appareil bureaucratique qui bloque.
Il faut donc défendre les statuts, défendre les conventions collectives, défendre les services publics et le retour des entreprises privatisées comme monopoles publics, défendre la Sécu de 45, rejeter les documents d’activité et d’orientation, rejeter les réformes des structures et du système de cotisation pour conserver la CGT telle qu’elle est. Avec en prime la référence à la Chartre d’Amiens dont on fête les 100 ans.
Nous ne partageons pas ce point de vue. Nous disons qu’il faut construire un syndicalisme de classe, parce qu’y compris dans le passé de la CGT il y a des zones d’ombre et des pages peu glorieuses… La CGT de Séguy, c’est la trahison de mai 1968. La CGT de Frachon, c’est l’arrêt des grèves de 1947 et l’appel à la reconstruction de la France capitaliste. La CGT de Krasucki c’est la gestion des CE, mutuelles, institutions paritaires (comme la Sécu, et oui !) et la constitution de la bureaucratie syndicale dans les fauteuils de la cogestion capitaliste.
Voilà pourquoi nous ne pouvons en rester à « La CGT doit rester la CGT ». Il faudra aller bien plus loin pour reconstruire un syndicalisme de classe !
Donc, pour les organisateurs, comme pour la plupart des participants d’ailleurs, c’est un appareil qui bloque, qui dérive. Et quelle en est la cause ? L’Europe, Bruxelles et la CES.
Aucune analyse de l’évolution du capitalisme, de la tendance à l’intégration du syndicalisme comme appareil d’accompagnement, comme instrument de collaboration de classe à l’intérieur même du système (voir l’évolution de la CFDT).
On en reste à la nostalgie d’une CGT de lutte dont on efface soigneusement toutes les trahisons et compromissions passées.
Soyons honnêtes : cela reflète assez bien l’ambiance de la base combative de la CGT, mais ne permet pas d’aller bien loin.
Cela dit, ne crachons pas trop dans la soupe. Réunir 500 militants sur une base d’opposition, même limitée, c’est déjà très bien, au moins un point de départ pour aller plus loin, si l’on sait avancer.
La réforme des structures, du système des cotisations, la démocratie dans la CGT
C’est l’unanimité pour rejeter en bloc la réforme des structures, qu’il s’agisse de la fusion des fédérations, ou de la taille minimale de 20 pour constituer un syndicat, pour défendre le fédéralisme, pour défendre toutes les structures existantes.
C’est l’unanimité pour rejeter le nouveau système de cotisations centralisé de haut en bas, permettant le contrôle bureaucratique de toutes les structures. Un camarade avait beau jeu de rappeler comment un tel système avait servi lors de la crise de la FEN en 1991 pour « désyndiquer » autoritairement les empêcheurs de tourner en rond.
Beaucoup d’arguments ont du sens, et peuvent sans doute mener au vote contre ces résolutions. Mais ne nous trompons pas, il ne s’agit pas du tout d’un enjeu clé du congrès comme on a pu l’entendre dans la salle. Nous l’avons dit, c’est un combat obscur, où les secteurs de classe ont raison de se sentir menacés par un contrôle centralisé, mais où nombreuses sont les féodalités syndicales repliées sur elles-mêmes qui cherchent à ménager leurs petits prés carrés…
Il est même possible que les propositions initiales soient soit rejetées, ou plus probablement qu’il se trouve un consensus pas très clair dans les coulisses, à l’image de ce qui s’était passé au 47ème Congrès.
Quant à la démocratie dans la CGT, les témoignages ont été multiples, concordants et édifiants. Il faut le dire, c’est la magouille à grande échelle dans la confédération, en particulier pour la désignation des délégués au 48ème Congrès. Nous le disons sur ce blog depuis des semaines, toutes les informations supplémentaires ne font que le confirmer.
Elimination des opposants, comme dans la Construction à Paris où trois délégués successifs sont opposés au choix des syndicats qui n’a pas l’aval de la Fédération (citation : « vous pouvez voter pour qui vous voulez, ce n’est pas celui que vous élirez qui ira au Congrès »). Idem dans la santé Franche-Comté où le délégué élu est refusé par la Fédération. Elimination d’opposants à la SNCF, à l’UD de Paris, dans l’Essonne, dans la Haute Garonne, désignation de délégués inconnus au prétexte d’équilibre, votes bloqués des structures pour éliminer l’opposition…
Il a été réaffirmé à plusieurs reprises et à juste titre que les syndicats devaient demander des comptes, exiger de connaître leurs délégués, exiger de connaître le mandat sur lequel ils iraient au Congrès, exiger qu’il y ait un vote préalable sur le rapport d’activité et le document d’orientation et que le délégué soit porteur de ce mandat impératif.
Dans de très nombreux syndicats, importants, les deux documents sont rejetés en bloc (par exemple tout les SDEN Educ’Action de l’Ile de France). Il faut exiger que cela soit rapporté au congrès confédéral !
La Sécurité Sociale Professionnelle et le Nouveau Statut du Travail Salarié
Chacun(e) sait sur ce blog tout le mal que nous pensons de cette revendication d’accompagnement de la précarité capitaliste. Nous en avons même fait le fer de lance de notre opposition à l’orientation réformiste dès l’origine du blog, avant que la revendication apparaisse au fil des manifestations du CPE et de la préparation du Congrès.
Aussi avons-nous été agréablement surpris de voir l’unanimité contre cette revendication dans l’assemblée. Sans hésitation, le Nouveau Statut du Travail Salarié est rejeté au nom des « droits individuels attachés à la personne » opposés aux droits collectifs représentés par les statuts et les conventions collectives. C’est tout à fait juste et nous ne l’avons peut-être pas assez souligné ici.
Par ailleurs, un parallèle intéressant a été fait pour dire que si nous rejetions la précarité du CPE et du CNE dans la rue, ce n’était pas pour en accepter la couverture revendicative dans les textes de la CGT. Exact également : nous l’avons dit à plusieurs reprises, le nouveau statut du travail salarié ne s’oppose pas aux licenciements et aux statuts précaires, mais propose une couverture sociale pour les rendre supportables, à l’instar de la « flexisécurité » proposée par la CES.
Enfin, a été rappelé que jamais ce statut n’a jamais été une revendication des travailleurs, et que face aux restructurations, délocalisations, licenciements, la seule revendication était la lutte pour l’emploi, pour « l’interdiction des licenciements » disait un participant, revendication que nous ne partageons pas tout à fait, et que nous interprétons comme « Zéro licenciement ! », à la suite de la grande lutte des Lu-Nestlé de Ris-Orangis en 2001.
Mais alors d’où sort cette revendication ? Facile, de Bruxelles, une fois de plus !!!
Un peu court quand même… Et quand nous avons rappelé le contenu du livre de Le Duigou, sur son analyse de l’évolution du capitalisme dans la mondialisation, le caractère inéluctable de la flexibilité et de la mobilité nécessaire, et donc la nécessité de trouver des revendications pour s’adapter à ce caractère nouveau, cela a provoqué un intérêt certain chez les participants, parce que cela expliquait un peu plus à fond l’évolution de la CGT vers le syndicalisme d’accompagnement, de la collaboration de classe.
Nous publions également ci-joint l’intégralité de la contribution proposée à ce propos pour cette rencontre, pour que chacun(e) se fasse une idée en comparant avec l’analyse que nous proposons.
Il est tout à fait juste de s’opposer à cette revendication réformiste, mais il faut aller jusqu’au bout de la critique pour comprendre ce qu’il faut combattre pour construire un véritable syndicalisme de classe. C’est l’acceptation de la logique du capital, de la guerre économique, de la compétitivité, qui ne vient pas du tout de l’Europe, de la CES ou que sais-je encore, mais de l’évolution du capitalisme lui-même. Evolution qui provoque partout les mêmes adaptations réformistes ou brutales, la « flexisécurité » en est l’illustration !
Contre la collaboration ouverte
Enfin, plusieurs exemples ont été donnés de lutte contre la collaboration de classe honteuse comme le club Confrontations auquel participe JC Le Duigou avec une poignée de patrons de chocs. Contre l’association Dialoguessonne dans le 91, contre l’association Odec (Observatoire de l’Egalité des Chances) dans le 93, associations auxquelles participe la CGT, contre Didier Le Reste, dirigeant de la Fédération de Cheminots CGT et Président (plus ou moins secret !) du Comité pour le Dialogue Social Européen des Transports (nom de mémoire…) association commune avec le patronat européen…
Nous partageons tout à fait. A l’heure où les conflits de classe se durcissent partout, il est inacceptable de rentrer dans ce jeu de partenaires responsables. La CGT ne doit pas participer à ce cinéma qui ne sert qu’à répandre la confusion !
Quelles suites à la rencontre ?
Le Congrès confédéral lui-même bien entendu, où les délégués oppositionnels vont avoir fort à faire pour faire entendre un minimum la voix du syndicalisme de classe.
Et une nouvelle rencontre, au mois de mai, en forme de bilan et pour voir la suite de ce collectif.
Une rencontre donc qui a regroupé du monde, qui marque l’élargissement de l’opposition à l’intérieur de la CGT à la suite du CCN sur la Constitution Européenne. Un pas en avant positif.
Mais une rencontre malgré tout très limitée dans son opposition, peu interrogative sur le bilan autocritique de la CGT et qui ne voit pas ce qu’est réellement la nature du syndicalisme de classe. Encore du chemin à faire !