six mois de luttes !
Depuis maintenant six mois, la population de Redeyef résiste.
Partie d’une lutte contre la corruption et les conditions d’embauche dans la société minière, cette lutte prend jour après jour un caractère politique.
En face, l’ennemi est identifié : la direction de l’entreprise étroitement liée au pouvoir gouvernemental. De son côté, le camp du peuple s’organise à partir des salariés, des familles, de toute la population de la région.
Nous publions ci-dessous (et bien trop tardivement) un communiqué de solidarité qui date de mi-juin, signé à Paris par de multiples associations. Nous invitons tous les syndicats à le diffuser et le faire connaître, la version imprimable est également disponible.
Depuis, la répression s’est intensifiée, des syndicalistes ont été arrêtés, mais la lutte se poursuit.
Le soutien est essentiel pour plusieurs raisons :
- bien sûr la solidarité la plus essentielle des exploités du monde entier, contre leurs exploiteurs communs. Et l’on connaît les liens existant entre l’impérialisme français et la Tunisie
- ensuite la solidarité politique, puisque Sarkozy s’est fait le plus ferme défenseur du régime tunisien, justifiant ainsi la répression féroce et l’exploitation sans limite du peuple tunisien. Comme indiqué dans le communiqué, l’Union pour la Méditerranée dont on nous a bassiné autour du 14 juillet, ce n’était pas que la présence de Assad, c’était aussi celle de Ben Ali, un des alliés les plus proches de notre gouvernement
- enfin, ce conflit exemplaire, âpre et déterminé, se déroule précisément dans un pays d’origine de l’immigration. A l’heure où la réaction ne cesse de nous parler « immigration choisie et contrôlée », « co-développement », comme si l’immigration n’était un problème que vu de notre pays, cette grève rappelle les conditions féroces d’exploitation dans les pays d’origine. Et montre aussi la détermination de nos camarades, dans des conditions incroyablement plus difficiles et périlleuses qu’ici. Comme nos camarades sans-papiers, ils nous montrent le courage exemplaire de la lutte des classes !
Vive la lutte commune contre notre ennemi commun, l’impérialisme et le capitalisme !
Pour l’information, on peut consulter le site de la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives. On y trouvera en particulier toute une rubrique sur la lutte à Redeyef.
FTCR, 3 rue de Nantes 75019 Paris - Tél : 01 46 07 54 04 - ftcr2@wanadoo.fr - www.ftcr.eu
Par ailleurs, pour signer ce texte, veuillez adressez vos signatures à : zonegrise@yahoo.fr
Depuis plus de cinq mois maintenant, les habitants de la région du bassin minier de Gafsa au sud-ouest de la Tunisie mènent un mouvement de protestation contre la corruption et les conditions injustes d'accès à l'emploi. Parti de la contestation des méthodes de recrutement de la Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG) il s'est transformé en une véritable révolte pour le droit de vivre dignement posant dans sa globalité la question sociale dans une région particulièrement défavorisée : L'emploi, la redistribution des richesses, la cherté de la vie, la corruption...
Les différentes formes de contestation pacifique ont impliqué des chômeurs, des ouvriers et employés, des travailleurs de la sous-traitance privée et du secteur public, des syndicalistes, des veuves de mineurs, des diplômés sans emploi, des jeunes élèves et étudiants...
Face à cela, les pouvoirs publics comme la CPG, principal employeur et principal acteur économique de la région, ont pratiqué une gestion du mécontentement par l'étouffement. Un blocus médiatique a été appliqué aux évènements et des renforts de plusieurs milliers d'agents de l'ordre ont été dépêchés pour encercler le bassin minier. La région a été coupée du reste du pays pendant des mois, subissant des opérations de répression répétées qui ont notamment causé la mort dans le hameau de Tabeddit d'un jeune chômeur (Hicham al-Alaymi) participant à un sit-in. Il a été également procédé à des dizaines d'arrestations, de tabassages, de mises à sac de domiciles...
La semaine dernière [début juin - NdlR], une offensive policière d'une grande violence a été menée contre la ville de Redeyef. Une vaste campagne d'arrestations, des tirs à balles réelles, des menaces et des mises à sac de domiciles privés et de boutiques ont semé l'épouvante et la colère dans la ville durant deux nuits. Cela s'est soldé par un mort par balle (Hafnaoui Bel-Hafnaoui) et au moins 26 blessés dont 17 graves ainsi que par la fuite d'un nombre important d'habitants vers les montagnes environnantes. A partir du vendredi 6 juin au soir les véhicules blindés de l'armée ont pris position dans l'ensemble de la ville.
Aujourd'hui, le mouvement n'a toujours pas montré de signes d'essoufflement après cinq mois de blocus . La mobilisation est au contraire plus large et mieux organisée. Surtout, elle commence à déborder la région minière de Gafsa vers d'autres régions du pays (notamment dans la région de Kasserine plus au nord). Elle trouve également un écho dans les révoltes de Sidi Ifni au Maroc, et dans une exaspération populaires contre la pauvreté et la cherté de la vie un peu partout au Maghreb.
Face à cette situation extrêmement inquiétante, les organisations syndicales, associations et partis politiques signataires réunis à Paris, affirment leur détermination à suivre de prés l'évolution des évènements dans cette région. Ils affirment leur soutien aux habitants du bassin minier et à leurs revendications. Elles condamnent la politique répressive des autorités tunisiennes vis à vis des mouvements sociaux et syndicaux. Elles tiennent à rappeler que cette politique hostile à la liberté d'expression et d'organisation et en infraction avec les lois et conventions de défense des droits, bénéficie de la complicité des plus hautes autorités françaises (déclarations de N. Sarkozy lors de sa dernière visite en Tunisie).
Plus largement, les signataires considèrent que les autorités françaises et l'Union Européenne ont une lourde responsabilité dans cet état de fait. Le partenariat euroméditerranéen, fondé essentiellement sur une zone de libre -échange néo-libérale, a aggravé la situation des pays concernés. Dans ce contexte de crise grave les états européens et l'Union se doivent de réévaluer d'urgence le fond de leur politique afin de montrer aux pays de la rive sud une volonté de véritable coopération d'intérêt mutuel et d'apporter une contribution positive aux attentes sociales et aux exigences du développement dans toutes ses dimensions.
Ils demandent d'urgence :
- L'évacuation immédiate des troupes policières disposées dans la région et dans la ville de Redeyef en particulier.
- La libération de l'ensemble des personnes arrêtées dans le cadre du mouvement et l'arrêt des poursuites à leur encontre.
- La reprise de négociations en vue d'aboutir à des mesures concrètes et rapides d'allègement de la situation de pauvreté et d'injustice que subit la population de la région. Ces négociations ne peuvent se faire qu'avec les négociateurs choisis par la population.
- La levée du blocus imposé à Redeyef, qui est en train de devenir une menace pour l'approvisionnement en aliments et en produits de première nécessité, y compris de lait pour bébé. Cela a été aggravé par les saccages de boutiques d'alimentation dont ce sont rendu coupables des membres des forces de police
- La mise en place des conditions d'une enquête indépendante et transparente afin de faire toute la lumière sur les violences policières ayant coûté la vie à aux moins deux personnes et fait un grand nombre de blessés.
- Les signataires expriment par ailleurs leur entière solidarité à la communauté des migrants originaires de Redeyef à Nantes qui mènent un mouvement en solidarité avec la population du bassin minier et dont 12 personnes ont entamé une grève de la faim ouverte à partir du mardi 10 juin 2008
Premiers signataires :
Association de Défense des Droits de l'Homme au Maroc (ASDHOM); Association des Travailleurs Maghrébins en France (ATMF); Association des Tunisiens en France (ATF); ATTAC; Cedetim; Comité pour le respect des Libertés et des Droits de l'Homme en Tunisie (CRLDHT); Confédération Nationale du Travail (CNT); Corelso; Ettajdid France; Fédération Syndicale Unitaire (FSU; Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR); Forum Action Citoyen et Solidarité; Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés; Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR); Ligue des Droits de l'Homme (LDH); Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples (MRAP); Parti Communiste Français; Parti Communiste des Ouvriers de Tunisie (PCOT); Parti Démocrate Progressiste – Tunisie/France (PDP); Parti Socialiste Unifié – Maroc/France; Rassemblement des Associations Citoyennes des Originaires de Turquie (RACORT); Solidarité Algérienne en Europe; Syndicat de la Magistrature; Union Syndicale Solidaires; Union des Travailleurs Immigrés Tunisiens; Réseau No-Vox; Les Verts; La Voie Démocratique;
Avec le soutien de : La Confédération Générale du Travail (CGT)