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11 juillet 2008 5 11 /07 /juillet /2008 10:11

Vendredi 11 juillet 2008

 

Y a-t-il un intérim abusif ?


[mise à jour 31 janvier 2016] Il y avait initialement une vidéo en lien sur Dailymotion sur cet article, aujourd'hui disparue. Nous en supprimons donc la référence]

Nous avons reçu la correspondance suivante d'un de nos lecteurs, intérimaire et syndicaliste dans son secteur. Nous la publions d'abord intégralement, pour ensuite porter le débat sur la question, en toute fraternité. Car c'est avant tout de débat que nous avons besoin, pour savoir dans quel sens nous battre dans la lutte des classes, puisque bien sur, c'est notre lutte commune.
Voici donc cette correspondance :

 

DE L'USAGE ABUSIF DE L'INTÉRIM…


Depuis plusieurs années l'usage de l'intérim s'est intensifié partout en France, plus de DEUX millions d'intérimaires et 700 000 emplois en équivalent temps plein en 2007.
Avec le sempiternel Motif « Accroissement Temporaire d’Activité »
Les Intérimaires sont reconduits de mission en mission, parfois après le respect du délai légal de carence (1/3 de la durée de la mission). Le Code du travail (ou ce qu'il en reste) est pourtant très précis :
"Le contrat de travail temporaire ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'Activité normale et permanente de l'entreprise et qu'il ne peut être conclu que pour une tache précise et temporaire "

- Dans certaines Entreprises même lorsque la charge de travail était au plus bas il y avait un besoin de travailleurs temporaire ??
Cela prouve que le nombre de salariés au statut est sous dimensionné.
- Le départ d'un intérimaire correspond, souvent à un jour près, à l'arrivée d'un nouvel intérimaire pour le même métier !!! Et pour des contrats de 18 mois de durée !!
De fait, ces intérimaires occupent des postes pérennes pour une activité pérenne.
Mais pas de façon pérenne.. Toutes ces sociétés ne peuvent donc pas mettre en avant, année après année, mission après mission, l'accroissement temporaire d'activité pour justifier l'utilisation de ces travailleurs intérimaires.

Le seul souci du Medef est le maintien des bas salaires, d'une main d'oeuvre fragilisée prête à accepter tous les travaux atypiques pour légitimement grossir de modestes salaires.
Mais surtout le plus dramatique et le plus INTOLÉRABLE est que la population des intérimaires paie le tribut le plus lourd en terme d'Accident GRAVE du Travail (étude européenne), car beaucoup moins informés en matière de sécurité.
Toutes les Entreprises de Travail Temporaire y compris les "Majors " Adecco, Manpower, Randstad et Vediorbis considèrent les intérimaires comme uniquement de la matière première et ne font aucun cas ni de l'intégrité physique ni de la santé de LEURS salariés !!
La meilleure preuve est que, ces Pseudos spécialistes des Ressources Humaines, se retranchent derrière la loi minimaliste en matière de sécurité du travail et refusent obstinément de pourvoir des moyens supplémentaires aux CHSCT de l'intérim qui, devrait, en la matière, en être les garants.

C'est le retour, d'une manière progressive et insidieuse, au 19e siècle, à Zola et à Germinal en Intérim c'est DEJA arrivé et demain avec la Casse du Collectif et l'Individualisation du travail qui se poursuit à marche forcée TOUS les salariés sans exception y seront contraints.

ATTENTION camarades : « ça n'arrive pas qu'aux autres »
En dehors des cas strictement encadrés par la loi pour le recours au travail temporaire, LA forme de travail normal doit rester le CDI !

 


Maintenant, revenons au débat.
Notre lecteur montre l'accentuation de la précarité avec en particulier le développement de l'intérim.
 Il a évidemment absolument raison, quand il parle de casse du collectif et individualisation du travail. C'est la tendance partout, avec la précarité externe (l'intérim est le plus visible), la précarité interne (la flexibilité des horaires et des postes), et aussi les projets de Sécurité Sociale Professionnelle avec les parcours individualisés en termes de qualification, salaire, formation. Sans rentrer encore dans le détail, c'est hier le 10 juillet que vient de sortir
le pré-rapport sur la formation professionnelle présidé par P.Ferracci qui entérine encore plus cette individualisation du parcours professionnel.
Il est donc tout à fait juste de mener bataille (comme dans ce document ou dans la vidéo) pour faire respecter le code du Travail et les limites actuellement existantes à l'usage de l'intérim. De même que nous luttons pour les salaires, les conditions de travail en tentant (souvent difficilement) de faire respecter les règles déterminées pourtant par les patrons eux-mêmes...

La question est : existe-r-il un intérim "abusif", ce qui voudrait dire en retour qu'il y aurait un intérim acceptable ?
Sur ce blog, nous sommes tout à fait clair : nous sommes pour L'INTERDICTION DE L'INTERIM, en général. Nous sommes (comme notre camarade bien sûr) pour le CDI comme seule forme de contrat de travail. Nous luttons pour l'embauche de tous intérimaires et contrats précaires (CDD) sans aucune restriction. Car les seules restrictions qui existent sont celles que donnent les capitalistes, selon leurs règles à eux, selon les lois du marché, de la concurrence, de la compétitivité, de la guerre économique.
On ne saurait trop rappeler qu'il fut un temps où l'intérim n'existait pas, ou seulement pour des métiers très précis et d'ailleurs très qualifiés. Le développement de l'intérim est directement lié au développement de la guerre économique capitaliste et de la précarité qui l'accompagne, et cette guerre n'est pas la nôtre.
Nous n'avons pas à rentrer dans les subtilités de la gestion du capital, dans les arguments des patrons sur les bonnes ou mauvaises raisons de recours à l'intérim. Comme ouvriers, comme exploités, nous disons : "Halte à la précarité !", "NON à l'intérim, EN GENERAL !".
C'est l'intérim en lui-même qui est abusif, du point de vue de l'ouvrier, du travailleur.

Notre deuxième remarque portera sur la sécurité et les CHSCT. Notre lecteur note à juste titre le taux d'accidents chez les intérimaires, largement supérieur à celui des fixes, et qui en plus sert à masquer la dégradation des conditions de travail de tous. Et il revendique plus de moyens pour les CHSCT dans les entreprises d'intérim.
Nous sommes sceptiques.
Selon nous, c'est d'abord avec les CHSCT des entreprises donneuses d'ordre que doit se faire le travail. Ah, bien sur, dans de nombreuses entreprises, les fixes, syndicats compris, n'ont pas grand chose à faire des intérimaires, c'est vrai, on le vit tous les jours. Il n'empêche. Pour les syndicalistes de classe des entreprises, il faut à la fois mener le combat pour l'embauche des précaires, et pour le respect des règles de sécurité, intérimaires (et sous-traitants, qu'on oublie trop souvent) compris. En ce sens, la question n'est pas tellement celle de plus ou moins de moyens : il est très difficile en venant de l'extérieur, de comprendre la réalité des conditions de sécurité. On le voit dans les entreprises : souvent, seuls les ouvriers, les travailleurs en situation sur leur poste sont capables d'expliquer les risques de leur travail.
Augmenter les moyens des CHS d'intérim ? Pourquoi pas. Mais arriver de l'extérieur sans rien connaître... Augmenter les moyens des CHS des entreprises en fixe à l'égard des intérimaires ? Pourquoi pas, mais quand les fixes n'ont rien à faire des intérimaires...
Alors ? Alors, la question n'est pas une question de moyens, c'est une question politique, celle de la construction du syndicalisme de classe, de l'éducation des camarades, fixes ou intérimaires dans la défense intransigeante des intérêts de leur classe, sans souci de la bonne marche du capital.

Enfin, car c'est l'actualité, nous voudrions insister sur
le début des grèves des sans-papiers parmi les intérimaires. Car la précarité n'a pas de limite. Les patrons savent faire "toujours plus", et utiliser les formes les plus extrêmes de la précarité pour renforcer l'exploitation.
Aujourd'hui, en région parisienne,
ce sont des centaines d'intérimaires sans-papiers qui rentrent en grève. Cela mérite qu'on s'y intéresse et que l'on développe ce combat !

Voilà les trois remarques que nous voulons faire à ce courrier.
Nous le répétons, c'est en toute fraternité qu'il faut débattre, par exemple par commentaire sur ce blog. Nous vivons une période de confusion, difficile sur le chemin à suivre, mais tonique par la lutte des classes. Alors, ensemble, allons de l'avant !

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commentaires

A
Il n'y a pas que le travail en intérim qui mène des milliers de travailleurs à la précarité ! Les contrats aidés tels que les CAE, le RMA, les CIE, les CI (tous issus du plan de cohésion sociale de Borloo) sont à temps partiel imposé (20 heures par semaine), payé moins de 620€ par mois, d'une durée de deux ans et non renouvelable ! Après, retour à la case départ : ANPE, indemnisations ASSEDIC...Et avec les nouvelles dispositions de Sarkozy contre les chômeurs, l'avenir des jeunes travailleurs risque d'être très incertain.<br /> Alors oui : la forme de travail normal c'est le CDI !
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