La grève des sans-papiers est en "stand-by" comme on dit. Pas de grands bouleversements, pas de grands changements, pas d'évolution notable. Quelques régularisations, à peine plus d'une centaine. Un élargissement difficile, des réunions, des discussions partout, mais pas de reprise de la grève en province, ailleurs.
Pourtant, "l'idée de la grève générale" fait son chemin. Le Neuvième collectif en fait le titre de son journal. Le collectif du CSP75 relance l'idée. A Lyon, on décide d'une journée de grève des sans-papiers le 22 avec les autres salariés (voir ci-dessous). On se rappelle de la grève générale des immigrés aux Etats-Unis le 1er Mai 2006, qui avait été très largement suivie avec un impact extrêmement important qui est en train d'aboutir à une nouvelle vague de régularisations massives...
Dans ce constat, la CGT apparaît malheureusement complètement à l'arrière-garde. Nous soulignons : à l'arrière-garde. Tous les collectifs de sans-papiers, toutes les associations, RESF, MRAP, GISTI etc. prennent des positions plus radicales que notre syndicat. C'est quand même incroyable !
Nous illustrons.
Saint-Ouen le 14 mai. Manifestation "départementale" vers le MEDEF pour demander la régularisation des sans-papiers. Un tract "départemental" signé par la CGT 93, déjà diffusé sur ce blog. Tract en fait non diffusé dans la CGT 93, à peine le recto dans une réunion de bureaucrates (mais pas le verso qui critique la circulaire Hortefeux du 7 janvier). Pourtant manifestation dynamique, 100 à 150 personnes, motivées, des mots d'ordre offensifs, "Non au cas par cas !", "Régularisation de tous les sans-papiers" etc. Dans cette manifestation, un bureaucrate pitoyable de l'UD, des militants motivés et relativement nombreux de la CGT locale (Saint-Ouen) et quelques militants éparpillés d'ailleurs du département (Bobigny, Montreuil, Aubervilliers). Certainement pas une mobilisation départementale. Plus même : un sabotage organisé, par une UD qui se flatte de sa combativité et de son soutien aux sans-papiers. Un scandale.
Lyon le 17 mai, l'élargissement de la lutte des sans-papiers ? (d'un correspondant du blog à Lyon)
Environ 120 personnes, dont bien la moitié de sans-papiers, se sont retrouvées ce samedi 17 dans les locaux d'une UL CGT de Lyon, pour discuter d'engager la lutte à Lyon comme à Paris, ce qui est une première sur la ville. Le secrétaire général de l'UD était à la tribune avec 2 responsables lyonnais des questions immigration. La tribune CGT a affirmé en introduction que la lutte des sans-papiers était l'affaire de toute la CGT et pas seulement de quelques militants, et que la CGT était pour la régularisation de tous les sans-papiers. Le Rhône paraît être considéré par la CGT comme le département qui doit venir à la rescousse de l'Ile de France pour créer un rapport de force national. La Préfecture du Rhône n'a donné aucune réponse depuis le depôt des 14 premiers dossiers. Ont été affirmées la nécessité de continuer à préparer des dossiers, et de monter des actions assez rapidement compte-tenu de l'approche des vacances. Nous avons insisté sur les actions comme préalable... Appel dans un premier temps à la participation des sans-papiers à la manifestation du 22 et, après discussion, à la grève y compris des sans-papiers ce jour-là. Les sans-papiers ont affirmé leur détermination à lutter "jusqu'au bout" avec l'Etat. L'un d'eux a affirmé que les sans-papiers devaient prendre les décisions et la CGT être derrière eux. Beaucoup d'interventions pour dire que le risque était plus grand de rester dans son trou que d'engager la lutte...
Mais la CGT voit la lutte à mener comme une affaire d'abord strictement CGT. Une intersyndicale, ce n'est pas le moment, c'est ce qui a été répondu à celles et ceux qui la réclamaient. La coopération avec le collectif 69 de soutien aux demandeurs d'asile et sans-papiers et avec RESF ne paraît pas écartée. Le collectif était en tout cas déjà bien présent et réactif à la réunion de samedi. Nous ferons notre possible pour que la situation évolue le plus rapidement possible, et que les paroles prononcées ce samedi soient suivies d'effets.
Le bilan global de "l'opération CGT " est catastrophique, comme on le pressentait, et tous les efforts de la direction confédérale pour dégager en touche les responsabilités n'y peuvent rien. Un article publié dans le Monde du 16 Mai a ainsi provoqué la réaction d'une militante fortement investie dans le mouvement des sans-papiers de l'Eglise Saint-Paul de Massy (à bien distinguer de l'activité de l'UL CGT de Massy) - [ commentaires de la camarade surlignés en jaune ]:
"La CGT juge « minable » le premier bilan de l'examen des demandes derégularisation déposées dans cinq préfectures d'Ile de France. Jeudi 15 mai, un mois après le lancement de la grève de centaines de travailleurs franciliens coordonnée par la CGT et l'association DroitsDevant !!, sur les quelque mille dossiers de régularisation déposés dans cinq préfectures par le syndicat, 109 étaient « réglés » selon le ministère de l'immigration. Mais "réglés" ne veut pas dire régularisés".
Bien sûr que "réglés" ne veut pas dire "régularisés". Dans l'occupation de l'église St Paul de Massy nous avons eu 496 dossiers "réglés" et 296 rejets !! Je rappelle que ces situations étaient comparables à ceux des grévistes CGT actuellement en cours de discussion.
"L'examen des dossiers traîne en longueur et les titres de séjours ont accordés au compte goutte. Sur ces 109 cas, 85 ont donné lieu à régularisation, avec une carte salarié d'un an renouvelable : 29 dans les Hauts de Seine, 42 en Seine Saint Denis, 15 dans l'Essonne. A Paris, quinze personnes ont été convoquées seulement mercredi 13 mai. Et sur ces quinze, six se sont vues octroyer une autorisation provisoire de séjour (APS), cinq ont été reconvoqués à une date ultérieure pour compléter leur dossier, et quatre ne se sont pas présentés, selon la préfecture de police. Dans le Val de Marne, 14 ont reçu « un récépissé de titre de séjour » dans l'attende de pièces complémentaires. « Provisoire, insiste la préfecture, ce titre ne débouchera pas forcément sur une régularisation ».
Il serait utile, juste histoire de se faire une idée, de savoir combien de dossiers ont été déposés dans chacune des préfectures citées. Pour le 94, il ne nous est pas dit si le récépissé délivré "autorise son titulaire à travailler" ou non. Cela fait une sacré différence. Ce document doit, en principe, être délivré à tout demandeur de titre de séjour (en général il n'autorise pas son titulaire à travailler, le temps de l'instruction du dossier).
"Pour la CGT, le bilan, après quatre semaines de grèves, est « minable ». « Les Préfectures demandent sans cesse de nouvellespièces. A Paris, il a fallu, par exemple, que l'on produise des factures EDF, raconte Francine Blanche."
Je rappelle que la revendication du départ de la CGT et DD!! était: "Discussion uniquement avec le Ministère". En acceptant, lors de leur négociation précipitée que ces dossiers soit transmis aux préfectures, c'était déjà se fourvoyer dans les disparités de traitement et reculer sur une revendication importante.
"C'est une régularisation par le travail, non familiale : nous n'avons pas à donner l'âge des gosses » insiste la secrétaire confédérale de la CGT."
Ce que dit là Francine Blanche est TRES GRAVE. En effet, si le"travailleur en grève" ne voit pas sa femme et ses enfants régularisés, pire exposés, de ce fait à un rejet de la Préfecture (nous avons eu le cas dans l'Essonne) qui sera peut-être confirmé par le Tribunal Administratif, à quoi aura servi qu'il se mette en grève ?
Est-ce le rôle d'un syndicat de contribuer à la séparation des familles ? Que dit R. Moyon (représentant RESF à l'UCIJ), très investi aux côtés des "décideurs CGT" Pour Raymond Chauveau, il y a surtout « l'arbitraire des préfectures ». Le secrétaire général de l'Union Locale CGT de Massy (Essonne) déplore le manque de cohésion entre les administrations. « Pour ces cas similaires dans la même entreprise, des préfectures donnent des papiers et pas d'autres » souligne-t-il.
Indépendamment du fait qu'on est un peu perdu sur les mandats de R.Chauveau, tantôt présenté comme Confédération, tantôt département, tantôt UL, j'en reviens à ma remarque plus haut sur la revendication première. Il était dans cette fichue négociation (en ayant "oublié" paraît-il J.C. Amara initialement partenaire en tant qu'organisateur DD!! sur le bord du trottoir), il est donc responsable d'avoir accepté que les dossiers soient devenus "Préfecture".
"Toutes les préfectures ne font toutefois pas preuve du même formalisme. « Dans un esprit de simplicité, nous avons accepté de traiter les dossiers en prenant en compte la domiciliation de l'entreprise » explique Pierre de Bousquet de Florian, préfet des Hauts de Seine. "
Mon esprit chagrin, me laisse à penser qu'il y a peut-être relation de cause à effet sur le fait que RESF ne manifeste plus devant la préfecture du 92, dénonçant la circulaire des arrestations au guichet. J'espère que le même "esprit de simplicité" vaudra aussi pour les occupants de l'église St-Paul à Nanterre.
"Le directeur de cabinet du ministre de l'immigration, Thierry Courdert, réfute l'existence d'un traitement arbitraire. « Tous lesdossiers qui nous ont été transmis étaient loin d'être recevables, il a fallu les compléter » relève-t-il pour expliquer ces délais d'examen. « On ne s'est jamais engagé sur un délai », précise-t-il."
Qu'en disent "Super-Négociateurs" CGT. Toujours pas de démenti sur le délai ? B. Thibault, dimanche demandait à ce que les délais soient brefs. Est-ce à dire que les dates n'avaient pas été fixées en négociation ?"
De son côté, interrogé par le Monde le Ministre de l'immigration Brice Hortefeux souhaite « que les préfectures closent les dossiers dans les semaines qui viennent ». Et de rappeler qu'il n'y aura que « quelques centaines de régularisations »."
Quelques centaines, mais c'est déjà ce qui était prévu avant la grève, aux alentours de 1200 parait-il. Qu'ont fait gagner les grèves ? Est-ce à cause de cela que dans le cadre des SP de l'église St Paul de Massy, des Sans-Papiers pressentis initialement comme "critères de travail" donnant lieu à une APS avec autorisation de travail aient été purement et simplement mis dans la colonne rejets, ceci afin de ne pas dépasser les quotas ?
"Le 6 mai, dans une lettre adressée au secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, le premier ministre François Fillon lui rappelle qu'il n'y aura pas de « régularisation massive ». Il n'exclut pas « d'envisager d'éventuelles modifications » de la Loi. Mais pour l'instant, il oppose une fin de non recevoir à la demande d'un « Matignon des travailleurs sans-papiers » réclamé par la CGT, CFDT, la CIMADE et la Ligue des Droits de l'Homme. « Le gouvernement ne nous prend pas au sérieux, estime Mme Blanche. Cela ne peut que nous inciter à mener de nouvelles actions »."
De mon point de vue, c'était au moment du rapport de force qu'il fallait aller de concert rencontrer le 1er Ministre et pas tout seul voir le Ministre de l'immigration. Et il a raison de ne pas prendre au sérieux une organisation qui n'a aucun respect pour ses partenaires. Il table sur la division engendrée et ce qui se passe à présent avec ce gouvernement qui joue l'essoufflement parce que le mouvement est porté visiblement par une seule organisation (qui en plus n'a pas que ça à faire en ce moment) ne peut qu'aller dans son sens. "
Depuis mercredi, dans le val d'Oise, une soixantaine de salariés sans-papiers occupent leur entreprise Sofrabrick. Jeudi, 130 nouveaux dossiers de régularisation ont été déposés auprès de la préfecture des Yvelines par la CFDT.
Et pour finir, j'ajouterai que la CGT a déçu nombre de ses adhérents Sans-Papiers et que l'exemple du CSP 75 n'est pas un épiphénomène.
Solidairement
Jeanne