Nous publions plusieurs communiqués et informations, pour ensuite revenir en fin d'article sur un événement qui était inévitable vue la manière dont le mouvement était mené.
On trouvera également ICI le communiqué de l'UD CGT 75 à ce propos, dont on reparlera à la fin...
COMMUNIQUE DE LA PART DE LA CSP 75:
Par cette action la CSP 75 des sans papiers, regroupant l'ensemble des collectifs d'arrondissement, souhaite interpeller le syndicat CGT.
En effet la coordination 75 reconnaît l'exemplarité du mouvement de grève conduit par le syndicat et l'association Droits Devant.
Ce mouvement a la mérite d'avoir mis sur la place publique les problèmes des travailleurs sans papiers et la nécessité pour eux d'etre régularisés.
Cette grève a ouvert une brèche à une régularisation d'envergure pour les travailleurs sans papiers d'Ile de France.
Ainsi près de 1000 dossiers ont été déposés par la CGT auprès des différentes préfectures afin d'être favorablement étudiés.
En revanche, constat a été fait par la coordination 75, que les dépôts de dossiers sont assujettis à un appui de la CGT.
La preuve en a été faite ce mercredi 30 avril lorsque la coordination 75 des sans papiers s'est rendu en délégation pour déposer les dossiers d'un millier de travailleurs auprès de la Préfecture de Paris.
Ce dépôt nous a été refusé. Or nombre de grévistes appartiennent également à différents collectifs membre de la coordination 75 et à ce titre la CGT ne peut fermer les yeux sur le soutien que nous lui avons apporté.
Les questions que nous posons sont les suivantes:
* Quel est exactement l'ACCORD qui a été passé entre l'Etat et les différents représentants de cette grève?
* Cet accord prévoit-il l'exclusivité pour la CGT ET DROITS DEVANT, du dépôt de dossiers Qui seront pris en compte par cet accord ?
CE QUI BIEN SÛR LIMITERAIT LA PORTEE D'UN MOUVEMENT QUI AURAIT PU CONDUIRE A DES REGULARISATIONS BIEN PLUS MASSIVES !
AINSI DEVANT LE MANQUE DE DIALOGUE ET L'OBSTINATION DE LA CGT A NOUS OUBLIER,
nous demandons :
* L'ouverture de discussions avec le syndicat pour envisager la prise en compte de la coordination 75 des sans papiers, dans les accords passés avec l'Etat.
* La prise en compte de nos dossiers de travailleurs sans papiers au même titre que ceux déposés par la CGT , afin qu'eux aussi soient "favorablement" étudiés.
Un article de Libération de vendredi 2 mai trace par ailleurs bien l'ambiance
Près de 300 travailleurs sans-papiers ont entamé une nouvelle occupation vendredi après-midi, à la Bourse du travail à Paris. Ils affirment que la CGT les a menés en bateau. «La CGT a pris en otage le mouvement. Nous, on prend en otage la Bourse du travail !» : devant le bâtiment rue Charlot, à Paris, Sissoko s’emporte face à un agent de sécurité. «Je suis rage de colère» , dit-il. A l’intérieur, des groupes de sans-papiers ont investi la cour, d’autres sont accoudés aux fenêtres. Ils chantent leurs revendications : «Nous sommes des travailleurs, nous sommes pas dangereux», «On veut des papiers et de la dignité».
«Baladés». Rien à voir, ici, avec une mobilisation traditionnelle. L’ambiance est un peu électrique. Tous les sans-papiers présents affirment qu’ils ont voulu rejoindre le mouvement de grève impulsé par la CGT et l’association Droits devant le 15 avril. Sans succès. «Nous avons eu quatre rendez-vous avec la CGT car on voulait nous aussi faire des occupations de lieux de travail, raconte Sissoko Anzoumane, responsable de la Coordination 75 sans-papiers. Mais ils nous ont baladés, en nous disant qu’il fallait attendre que Sarkozy s’exprime. Et quand ils ont eu un rendez-vous avec le cabinet du ministère de l’Immigration, ils ne nous ont même pas prévenus.»
La coordination 75, qui existe depuis une dizaine d’années, regroupe quatre collectifs parisiens de sans-papiers. Le plus important, celui du XIXe arrondissement, compte près de 2 000 membres. L’organisation affirme avoir présenté 1 000 dossiers pour des régularisations à la préfecture de Paris. «On avait tout fait comme la CGT. C’était des dossiers qui concernaient les travailleurs des métiers en tension, conformément à la circulaire du 7 janvier. Mais à la préfecture, on nous a dit qu’il fallait faire des présentations individuelles ou aller voir la CGT.» Devant la foule, Sissoko prend le microphone : «Nous allons faire passer le message aux médias du monde entier, crie-t-il. C’est un mouvement qui nous appartient.» A côté, Dabo Mankama acquiesce. Pour lui, la CGT a signé un accord avec le ministère : «Le cabinet d’Hortefeux leur a dit OK pour 1 000 régularisations mais ils ont demandé, en contrepartie, de calmer le mouvement. La CGT ne s’occupe que des sans-papiers qui ont leur carte dans leur syndicat.» Même son de cloche du côté de Solange. Assise sur les marches au milieu des grévistes, cette militante de SOS soutien aux sans-papiers dit en «avoir gros sur la patate. Lors d’une réunion, dimanche, la CGT nous a clairement dit : "on arrête le mouvement". C’est évident qu’il s’agit d’un "deal". En même temps, ces sans-papiers qui sortent de l’ombre, c’est une grande première, c’est remarquable.»
Des responsables de la CGT finissent par arriver. L’atmosphère devient de plus en plus tendue lorsqu’un sans-papiers lâche : «La CGT a trahi.» Raymond Chauveau, l’un des leaders du syndicat, s’avance vers lui : «Qui ose dire cela en face de moi ?» Dépassés par les événements, les syndiqués tentent de prendre la parole mais en sont empêchés par les huées. En aparté, Raymond Chauveau souffle : «Je comprends leur frustration énorme. Mais pendant ce temps-là, Hortefeux et Sarkozy doivent rigoler de nous voir ainsi pris en étau. D’autant qu’on a eu quatre réunions avec la coordination 75 pour leur expliquer la manière dont on fait les choses...» Un véritable dialogue de sourds finit par s’installer. Raymond Chauveau commence à expliquer les débuts de la sécurité sociale à un sans-papiers. «Comment les droits ont-ils avancé ?» assène t-il. Un peu perdu, l’Africain hésite puis finit par répondre : «Moi, je veux juste des papiers.» Dans le brouhaha, la tenue d’une réunion est décidée.
«Promesses». A la sortie, les sans-papiers affichent leur déception. «La CGT ne nous a fait que des promesses verbales», précise Mamoudou Diallo, président du collectif du XIXe arrondissement. En début de soirée vendredi, les sans-papiers s’organisaient pour passer la nuit. Lundi matin, ils devraient rencontrer le secrétariat du maire de la capitale, Bertrand Delanoë. Ils espèrent surtout que leurs 1 000 demandes de régularisation soient étudiées. Des dossiers qui viendront s’ajouter aux 1 000 déjà déposés par la CGT. Mercredi, trois premiers sans-papiers d’un restaurant de Neuilly ont été régularisés.
Retour maintenant sur l'analyse.
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Depuis le début du mouvement gréviste, nous répétons que la CGT en est comptable.
Quand on lance un mouvement de grève de plusieurs centaines de travailleurs, sur plus d'une dizaine de sites de travail, ce n'est plus un mouvement particulier, c'est une grève générale, globale, sur un problème qui concerne tous les sans-papiers. Les ouvriers sans-papiers ont bien compris l'enjeu de cette grève, et bien compris que le moment est favorable, que c'est maintenant qu'il faut y aller sans attendre, tous ensemble. C'est ce que nous ne cessons de répéter. Si on ne voulait pas de mouvement global, il ne fallait pas y aller (ce qui n'est évidemment pas notre point de vue, nous ne pouvons que féliciter les camarades à l'origine de l'action). Un syndicaliste est responsable, il a des comptes à rendre aux travailleurs. Quant à l'allusion pernicieuse de la fin du communiqué de l'UD qui sous-entend que seuls les sans-papiers en grève sont des travailleurs, c'est particulièrement crapuleux et rentre tout à fait dans la différenciation entre les "bons" sans-papiers (ceux qui suivent la CGT sans poser de questions) et les autres... -
- Rendre des comptes, c'est ce qui se passe actuellement à la Bourse du Travail. Les négociations en sous-main, au cas par cas, les petits accords secrets au Ministère, tout cela vole en éclat par la lutte des classes, le rapport de forces. R. Chauveau a beau dire que la CGT a tenté d'expliquer les choses, il faut croire que la manière dont la Confédération voit le mouvement ne plaît pas aux sans-papiers. Et quand dans le communiqué, l'UD 75 parle de "provocation de la préfecture", c'est un véritable scandale.
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- Les sans-papiers affirment "C'est un mouvement qui nous appartient" et ils ont raison. Depuis plusieurs mois, le mouvement des sans-papiers en région parisienne était mis "sous contrôle" de la CGT et de Droits Devants. Ils affirment aujourd'hui que c'est à eux de mener leur lutte, et nous les soutenons. Et en ce sens, c'est bien à eux et à personne d'autre de juger s'ils se mettent plus ou moins en danger dans ce mouvement collectif (voir le communiqué de l'UD).
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- Par contre, le mouvement des sans-papiers parisiens ne pose la question qu'en terme de "dépôt de dossier", alors que c'est bien d'une grève qu'il s'agit, une grève pour le rapport de force, pour une régularisation collective et non au cas par cas. Avec RESF, il y a déjà une longue expérience des dépôts de dossier, même collectivement. Faute d'une pression et d'un mouvement d'ensemble, cela n'aboutit qu'à des régularisations partielles, des rejets, des refus, des expulsions, à côté des quelques dossiers réglarisés. L'UD 75 le fait remarquer à juste titre dans son communiqué : c'est une grève. Mais ne répond pas à la question de fond : pourquoi la CGT n'appelle pas à élargir la grève ? Pourquoi la limiter aux actions en cours ? Comment envisage-t-elle la suite du mouvement, que propose-t-elle dans ce sens, hors le refus de l'élargissement, que tout le monde a bien compris ?
Il n'y a maintenant plus le choix. Le mouvement des sans-papiers est en train de s'élargir.
Pour éviter qu'il ne parte dans tous les sens, pour lui donner du sens, pour construire un rapport de forces solide et avoir des résultats, l'heure est à la grève générale des sans papiers !
Faute de ce mouvement, le mouvement va s'éclater en multiples courants et tendances, plus ou moins locaux, plus ou moins combatifs, plus ou moins radicaux ou réformistes.
Il est de la responsabilité de la CGT, tant qu'il est encore temps, de remettre les pendules à l'heure, d'organiser ce mouvement gréviste, de reconnaître ses erreurs, de partager la direction avec les sans-papiers eux-mêmes. Il est temps que la grève démarre en province, à Lyon, Lille, Marseille, Toulouse et ailleurs.