Et on n’a pas été déçus ! Ce sont probablement plusieurs milliers de sans-papiers qui ont défilé, essentiellement dans le cortège de la CGT, mais également celui de Solidaires. Des sans-papiers regroupés en tête de cortège, au mépris des consignes syndicales qui prévoyaient leur éparpillement dans les cortèges départementaux, et leur regroupement donnait une ampleur, une visibilité et une force tout à fait remarquable au mouvement. Ampleur qui bien entendu n'est pas étrangère à la suite des événements (voir l'autre article, la CGT, les sans-papiers et le 2 Mai)
Ah, oui, justement… Régularisation de tous les sans-papiers, ou des travailleurs sans-papiers ! Plus que jamais, c’est la pierre d’achoppement du mouvement actuel. Entre la banderole de Droits Devants ! qui précise bien « régularisation des travailleurs sans-papiers » et toutes les autres banderoles, jusqu’à une déclaration de « Unis contre l’Immigration Jetable » cette fois plutôt correcte (c’est assez fluctuant d’une déclaration à l’autre, comme nous l’avons noté).
UNE BRECHE DANS LE MUR
Depuis le 15 avril 2008 a débuté une série de grèves eet d'occupations de travailleurs sans papiers en Ile de France dans les secteurs de la restauration et du bâtiment notamment. Aujourd’hui, ce sont plusieurs centaines de travailleurs qui sont en grève, avec la CGT, Droits Devants, la CNT et Solidaires, et l’appui de nombreuses organisations.
La lutte a ouvert une brèche. Ce premier résultat est à mettre à l’actif de ce mouvement, que l’UCIJ soutient pleinement, et qui doit encourager les organisations syndicales ainsi que les associations à amplifier la mobilisation et la solidarité avec les grévistes.
REGULARISATION DE TOUTES ET TOUS LES SANS-PAPIERS !
Ces grèves mettent en évidence la surexploitation de dizaines de milliers d’hommes et de femmes, qui constitue une aubaine pour les patrons et un moyen de faire pression sur tous les salariés. La plupart des travailleurs sans-papiers paient des impôts, cotisent pour l’assurance maladie, la retraite, les ASSEDIC, et ne peuvent en bénéficier.
La régularisation par le travail n’est pas suffisante. Avant tout fondée sur les besoins de l’économie, elle ignore le droit de vivre en famille, celui des étudiants et des jeunes majeurs, ainsi que le droit d’asile.
Tous les sans-papiers sont sous la menace constante de rafles, d’arrestations, même aux guichets de préfectures, l’objectif gouvernemental restant de faire du chiffre par n’importe quel moyen.
La marche des sans-papiers partis de Lille le 19 avril 2008 et qui seront à Paris le 10 mai offre une occasion de revendiquer la liberté de circulation, la régularisation de l’ensemble des personnes sans-papiers. L’UCIJ appelle à accueillir la marche à son arrivée à Paris à 15h00 le samedi 10 mai place Clichy.
POUR UNE EUROPE OUVERTE ET SOLIDAIRE !
Le Parlement européen devrait examiner une directive le 21 mai prochain, qui prévoit des rétentions de 18 mois, des interdictions du territoire systématiques jusqu’à 5 ans pour les expulsés, y compris mineurs. L’UCIJ soutient le rassemblement du mercredi 7 mai 2008 à Bruxelles contre cette directive (www.directivedelahonte.org) »
On aimerait trouver ces positions à la CGT, dont on a pu noter dans la manifestation le silence en termes de mots d’ordre et de banderoles à propos de la grève des sans-papiers (et pourtant, ce n’étaient pas les drapeaux CGT qui manquaient !). Mais un drapeau ne fait pas une position…
Retour d’ailleurs sur l’attitude de la CGT, qui continue à provoquer de multiples discussions, y compris parmi nous (voir par exemple ce commentaire). Nous avons donc continué l’enquête, discuté, confronté nos positions. Que peut-on conclure (temporairement) :
- Le mouvement des travailleurs sans-papiers a tendance à s’étendre, rencontre un énorme écho, dans toutes les régions de France, et n’attend pratiquement qu’un mot d’ordre et une organisation efficace pour exploser et paralyser probablement des secteurs entiers de l’économie. Ainsi, des sans-papiers du MIN de Rungis sont venus aux nouvelles, prêts à partir, mais actuellement paralysés par l’absence de tel mot d’ordre. Idem dans de gros chantiers de la construction. On imagine assez bien l’impact de Rungis bloqué, ou d’autres secteurs. C’est aussi le sens de la très forte participation des sans-papiers à la manifestation du 1er Mai à Paris. En ce sens, l'occupation de la Bourse du Travail le lendemain par plusieurs centaines de sans-papiers en colère est tout sauf une surprise.
- La Confédération CGT (Bureau Confédéral) ne veut absolument pas de cet élargissement. C’est la tactique du « on gagne sur quelques uns » pour envisager de poursuivre ensuite, sachant que les passions seront retombées… C’est la tactique perdante appliquée sur les régimes spéciaux et les négociations entreprise par entreprise dont on aimerait bien avoir aujourd’hui un bilan global. Il faut donc dégonfler un mouvement, qui s’il s’élargissait de plus et se généralisait prendrait de fait un caractère politique. Ce que la CGT refuse absolument, car celui lui retirerait de fait son statut de « partenaire privilégié », représentatif et tout et tout. De fait, il se confirme que la victoire du CPE a été une victoire contre la position confédérale du rapport de force contrôlé et de la négociation en coulisse. La CGT ne veut pas au fond d’une victoire par le rapport de forces. C’est la même raison qui la pousse à refuser de dire « NON », à vouloir toujours tenter de modifier de l’intérieur la logique de l’adversaire. Donc pas d’appel avant le 9 mai, pas de réunion à Lyon avant le 17 mai etc. Fixer des échéances suffisamment lointaines pour que le mouvement s’essouffle de lui même, sans paraître s’y opposer. Passer des accords secrets dans les ministères, ce qui est évidemment dénoncé.
Une nouvelle fois, l’avenir du mouvement repose sur les ouvriers eux-mêmes, sur les syndicalistes de classe. Partout nous devons multiplier pétitions, délégations de soutien, collectes financières, organisation et élargissement du conflit (chaque fois que c’est possible)… Partout nous devons vaincre les réticences, provoquer le débat dans nos UL et UD, dans nos fédérations, mettre nos dirigeants au pied du mur en exigeant des comptes sur ce qu’ils font, ou ne font pas en soutien à la grève des sans-papiers.
L'heure est à la grève et à l'élargissement, faute de quoi la direction confédérable sera comptable d'un échec catastrophique, et donc d'une véritable trahison !