Dossiers

25 avril 2008 5 25 /04 /avril /2008 06:05
Vendredi 25 avril 2008
Grève des sans-papiers : où va la CGT ?

L'attitude de la CGT provoque de plus en plus d'interrogations parmi les militants et les soutiens aux sans-papiers.
Alors que la pression est énorme de la part des sans-papiers pour élargir le mouvement, alors que l'opinion est acquise en soutien à cette grève, alors que les syndicalistes sont mobilisés massivement sur le sujet et que le 1er mai pourrait être une occasion énorme d'avancer pour faire plier le gouvernement Sarkozy, la confédération ne semble pas avoir choisi ce chemin.
L'attitude prise semble de ne pas élargir le mouvement pour l'instant pour ne pas bloquer le gouvernement et de tout faire pour gagner la régularisation des 600/800 premiers demandeurs pour ensuite tenter de gagner un élargissement de la circulaire Hortefeux sur les critères des métiers en tension. D'où l'attitude actuelle de tout faire pour empêcher l'élargissement, tant en province que même en région  parisienne (voir par exemple les tensions avec SUD et la CNT qui se sont inscrits dans le mouvement au restaurant Birdy). Raymond Chauveau, supposé être un militant  plus radical, a été tout à fait explicite lors du meeting du 23 avril à Paris, ci-dessous un extrait du journal de 8h00, jeudi 24 avril sur France Inter :



C'est l'attitude nouvelle de la confédération de négociation dans les couloirs des ministères au détriment du rapport de forces et de la lutte.
C'est d'abord une illusion : le gouvernement ne cèdera sur son principe de la régularisation au cas par cas que par une pression considérable. C'est un enjeu lourd de conséquence, et si on en reste à la feuille de route retenue par la direction confédérale, il va y avoir des pertes collatérales, c'est à dire des refus. Pour l'instant, rien n'est gagné...
Ensuite c'est trahir l'espoir soulevé chez les sans-papiers : la CGT en est comptable.
Enfin, plus fondamentalement, c'est la poursuite de l'attitude à l'oeuvre sur les régimes spéciaux, sur le marché du travail, dans les divers "Grenelle" de ci et de çà, c'est à dire la construction d'un rapport de force - toujours limité - pour faire pression et négocier, mais pas pour faire céder, et donc accepter au départ des résultats maigres, par peur du conflit radical et d'être "exclu du champ de la négociation", de ne plus être "représentative" peut-être ?
Bien loin du syndicalisme de classe tout cela !

Partager cet article

commentaires

C
J'habite et travaille à Vitry-sur-Seine. Avec d'autres camarades, dont plusieurs de Partisan, nous essayons, par différents biais (RESF, intervention dans les foyers), de construire un collectif de ville de travailleurs Sans-Papiers. Un certain nombre de Sans-Papiers, qui s'engagent dans cette construction, sont organisés par ailleurs dans d'autres collectifs ou avec la CGT de Massy. C'est le cas d'anciens de Paristore, le dépôt de Thiais qui fait l'objet d'une lutte pour la régularisation de 17 travailleurs licenciés l'an dernier. Ils occupent aujourd'hui le magasin de Choisy, rue du Docteur Roux dans le cadre du mouvement engagé.<br /> Par ailleurs, il y a plusieurs années, nous avions tenté, sans succès, de mobiliser les Sans-Papiers d'une usine aujourd'hui occupée : la SENI de Kremlin Bicètre. Un article de Partisan de décembre 2006 rend compte de cette expérience.<br /> Ceci pour dire que, bien que non impliqué dans le mouvement, j'en ai une vision un peu de l'intérieur.<br /> Je trouve que les articles publiés donnent une image en partie fausse du mouvement et, du coup, les critiques à la direction du mouvement se mélangent faussement aux critiques générales contre la direction confédérale.<br /> Le mouvement a une audience extraordinaire et des groupes de Sans-Papiers prennent contact. Parfois ils se proposent de lâcher leur travail et de renforcer les lieux d'occupation. Mais ils ne sont pas les seuls.<br /> Une grande partie des Sans-Papiers qui convergent aujourd'hui vers les lieux d'occupation n'ont pas une compréhension qu'il s'agit d'une lutte dans laquelle ils doivent s'impliquer. Les occupants expliquent à ceux qui viennent qu'ils doivent discuter avec les autres Sans-Papiers de leur entreprise, contacter le syndicat ou l'UL et que c'est un préalable avant de se lancer dans une grève. Bref qu'il faut faire ce qu'eux-mêmes ont fait il y a des mois. <br /> Parmi ceux qui viennent, beaucoup aussi ne soutiennent pas vraiment mais ne cherchent qu'une chose : déposer leur nom sur une liste et repartir. On ne les verra probablement plus si ce n'est pour s'inquiéter de l'avancée de leur dossier. <br /> Cela est particulièrement vrai depuis que le gouvernement a ouvert une porte de régularisation « au cas par cas ». La bourse du travail de Villejuif, à 50 mètres de l'occupation de l'immeuble du syndicat patronal du nettoyage, 3 avenue Jean Jaurès, a vu passer ces derniers jours plus d'un milliers de Sans-Papiers. J'y suis allé mercredi après-midi. Il y en avait une centaine (un millier le matin), dont certains leur dossier sous le bras, agglutinés devant la porte. Rentrer dans la bourse du travail, rentrer sur les lieux de l'occupation devait être devenu synonyme de régularisation. Le problème s'est reproduit le soir, lors du meeting à la bourse du travail à Paris. C'est d'ailleurs ce qu'en dit un militant CGT aux infos de France Inter mis en lien sur le blog « Il y en a beaucoup qui viennent en demandant où est-ce qu'ils déposent leur dossier ».<br /> D'ailleurs, les occupants de Paristore à Choisy se refusent à prendre une liste de nom pour les régularisation. Ils inscrivent, mais en vue de construire un mouvement futur. Même l'élargissement du nombre de dossiers négociés, au-delà des 200 du départ, n'est pas le fruit d'une décision collective et ne reflète pas la réalité de l'élargissement de la lutte.<br /> Je comprends, dans ces conditions, que les animateurs de l'occupation, ouverte pendant des jours à tous ceux qui voulaient venir la renforcer, aient décidé de la fermer à de nouveaux occupants.<br /> Je peux aussi comprendre Raymond Chauveau qui, dans les mêmes infos, déclare « Nous avons de nouveaux camarades qui nous nous ont sollicité, collectivement, pour partir en grève. Pour le moment ils ne partent pas ». Une grève, ça s'organise. Surtout dans les secteurs où se retrouve les Sans-Papiers : des petites unités (restauration, nettoyage, chantiers) où seule une partie est concernée par la question des papiers. Il ne faut pas transposer ce qu'on connaît de la Métallurgie où une grève peut effectivement se répandre à toute vitesse dans de grands ateliers avec beaucoup d'ouvriers. <br /> Le tableau donné par les derniers articles du blog : une CGT freinant des quatre fers un mouvement gréviste qui ne demande qu'à se développer me semble donc faux.<br /> Ce mouvement est largement positif. Les critiques sur la tactique de la direction de la lutte ? Franchement je manque largement de base d'enquête pour en débattre. Par contre il est important de critiquer le cadre politique dans lequel les structures CGT veulent faire rentrer le mouvement.<br /> Par exemple l'objectif d'élargir les critères de la circulaire Hortefeux « ...donner toute son application à la circulaire de janvier qui prévoit la possibilité d'une régularisation pour ceux qui disposent d'un emploi régulier. ». (tract de l'UD CGT 94) ou bien la dénonciation, dans le même tract, de « l'absurdité économique (...) de la politique d'immigration dite « choisie ». <br /> Les structures CGT qui soutiennent, y compris activement le mouvement... et c'est positif... le font évidemment avec leur ligne « pour un meilleur capitalisme ». <br /> Cette politique gouvernementale, bien entendu, n'a rien d'absurde. Avec la terreur exercée sur les travailleurs sans-papiers déjà en France, elle est un des volets importants de la précarisation générale mise en oeuvre. Comprendre cela, c'est la base même de la solidarité active de tous les travailleurs avec la lutte des Sans-Papiers. C'est dans ce sens qu'il faut critiquer l'orientation confédérale CGT.
Répondre
Z
Je suis d'accord avec patrice, cette action soulève bien des questions. La question des sans-papiers est aujourd'hui centrale dans la lutte des classes en France, et grâce à cette action, elle apparaît au grand jour.<br /> <br /> Cependant, il faut maintenant que la lutte s'étende, qu'elle soit prise en main par tous les militants. Dans la CGT, beaucoup de camarades n'ont pas l'expérience de ce type de luttes, qui sont difficiles à mener : parce que les sans-papiers risquent très gros, et ça nécessite donc une certaine "technicité" sur le plan juridique, et surtout des collectifs solides politiquement, qui ne se laissent pas embrouiller par les préfectures, qui ne cèdent pas à la division à la première occasion...<br /> Il est donc de la responsabilité de tous ceux qui ont une expérience de se mettre au service de l'élargissement du mouvement, et il est de la responsabilité de chacun de faire en sorte que dans les semaines qui viennent, la solidarité de classe fasse plier le gouvernement sur cette question emblématique.<br /> <br /> Seule notre détermination permettra de dépasser les opportunistes de tous poils, qui agitent le drapeau pour vite le ranger sous la table et arrêter le mouvement avant qu'il démarre. Aujourd'hui, en être arrivés à batailler pour la régularisation de TOUS, c'est vraiment un recul. Chacun bataille dans son coin, pour le "travailleurs" pour les "parents" pour les "conjoints de français", etc... Sans parler des demandeurs d'asiles et déboutés, dont de toute façon personne ne parle !<br /> <br /> Ensuite, je suis persuadée qu'il faut profiter de ce mouvement naissant pour réaffirmer les revendications politiques du mouvement des sans-papiers, qui sont "régularisation de TOUS les sans-papiers, abrogation des lois racistes, liberté de circulation, fermeture des centres de rétention".<br /> Notamment, la question des lois qui régissent "l'entrée et le séjour des étrangers" n'est jamais abordée, alors que c'est bien la question politique sur laquelle il faut se battre. Parce qu'il faut non seulement que les sans-papiers qui vivent ici vivent avec des droits identiques aux nationaux, et donc les régulariser, mais il faut aussi gagner ces droits pour les futurs immigrés.<br /> <br /> Alors que la direction de la CGT joue un jeu dangereux dans les couloirs du ministère, à nous tous de construire un mouvement puissant de solidarité et d'unité de la classe ouvrière !
Répondre
P
effectivement, beaucoup d'interrogations sur cette action; même l'attitude de Raymond Chauveau pose question (dont le tri des "bons" sans papiers )<br /> <br /> Dans une interview à Libération, il dit que la CGT "espère" 9 régularisations sur 10 parmi les grévistes<br /> <br /> Je suis peut-être naïf, mais pour moi, à la CGT, on se bat pour tous, sans laisser un camarade sur le carreau, même si on sait que c'est difficile.<br /> <br /> On peut poser "l'espérance" d'une manière plus cynique : cela veut dire aussi accepter 1 expulsion sur dix, parmi les travailleurs sans papiers.<br /> <br /> Si on extrapole, toujours avec cynsime, et si on inclut les familles de ces travailleurs non régularisés, donc expulsés ( 10% des travailleurs grévistes) , on dépasse largement les objectifs d'Hortefeux<br /> <br /> On n'est pas à l'armée, où l'on accepte à l'avance 10% de perte !<br /> <br /> On peut s'interroger aussi sur le "coup de pub" : la CGT est incapable de monter plusieurs centaines de "dossiers" en préfecture (les militants ne sont pas formés à ça)<br /> <br /> On peut s'interroger aussi sur le fait que les Collectifs de Sans Papiers aient été tenus à l'écart, de même les autres composantes de l'UCIJ<br /> <br /> Il est assez heureux que la CGT se préoccupe enfin des Sans Papiers par la seule arme des travailleurs : la grève ! Mais sur la stratégie....<br /> <br /> L'extension de cette grève doit se faire partout, peut-être dans un second temps, avec pour objectif de faire abroger la loi CESEDA, d'avoir des cartes de 10 ans, et non des cartes temporaires de travail<br /> <br /> C'est la responsabilité de TOUS les militants CGT, c'est la responsabilité de notre confédération<br /> <br /> Pour le respect de la résolution du Congrès de la CGT "Régularisation de TOUS les Sans-Papiers" : UNITE des travailleurs, UNITE des luttes !<br /> <br /> Et une action concrète, massive, véritablement de Classe !
Répondre
M
A noter qu'à Paris, on vient d'apprendre que pour le 1er mai les sans-papiers vont défiler UD par UD et pas tous ensemble en tête de cortège...<br /> Ca, c'est un choix !
Répondre