Jeudi 27 mars 2008
Restructurations massives dans l’industrie du pneumatique. La guerre économique, la concurrence pousse à toujours plus de productivité, et bien sûr c’est sur le travail ouvrier que l’on va chercher le profit.
Après Kléber (filiale de Michelin), voilà des années que la direction de Goodyear France veut restructurer les deux usines du groupe de la région d’Amiens.
Voilà le résumé qu’en fait l’Usine Nouvelle (journal du patronat, faut-il le rappeler !)
:
« Avant la reprise des négociations direction/syndicats en février 2008, la direction de Goodyear Dunlop France avait annoncé un plan de réduction de la production des sites d'Amiens, tout en laissant une dernière « chance » aux syndicats, c'est-à-dire la possibilité de signer rapidement un accord sur son « projet de modernisation ».
Pour mémoire, ce « projet de modernisation » vise à améliorer la compétitivité du site dont les coûts de production sont jugés 20 % plus chers que ceux des « autres sites du groupe en Europe de l'Ouest » et parallèlement d'y injecter 52 millions d'euros pour produire des pneumatiques de véhicules de tourisme à plus forte valeur ajoutée de 15 à 18 pouces, contre 13 à 15 aujourd'hui. Pour réduire ses coûts, Goodyear Dunlop entend réduire la masse salariale en supprimant 450 postes en trois ans et ouvrir davantage son complexe industriel - 350 jours par an contre 326 aujourd'hui - en mettant en place une nouvelle organisation du travail reposant sur un passage à quatre équipes par semaine (au lieu de cinq) avec un rythme de « 35 heures par semaine pour tous ». C'est ce système dit des « 4 x 8 » en vigueur dans l'ensemble des sites Goodyear en Europe que les salariés des sites Goodyear Dunlop d'Amiens avaient rejeté en octobre 2007 par Référendum. »
Augmentation de la production, réduction des effectifs, augmentation de la durée du travail (28 à 35h en feux continus), tout y est !
Sur l’usine Goodyear, les syndicats ont refusé l’accord. Sur l’usine de Dunlop, surprise le syndicat CGT, majoritaire, signe l’accord le 17 mars. Surprise, car la signature est le fait du seul délégué syndical, sans avis du syndicat et bien sûr de la fédération (Chimie).
Réaction immédiate : le 20 mars a lieu une réunion syndicale extraordinaire qui nomme une nouvelle direction, et décide de dénoncer l’accord, expliquant sans ménagement et sans détour son opposition totale au projet de la direction.
Quelques commentaires sur ces événements…
- La lutte pour l’emploi et les restructurations est une lutte âpre et dure. Les capitalistes cherchent toujours à augmenter la compétitivité et donc l’exploitation des travailleurs. Partout, dans tous les secteurs, toutes les régions, toutes les entreprises.
- Les ouvriers résistent, avec détermination. Mais le plus souvent dans un combat désespéré, le dos au mur, sans projet et autre vision du monde. Surtout après le bilan de l’échec de la gauche au gouvernement en France et des ex-pays dits socialistes (qui n’étaient en fait que des pays capitaliste d’Etat).
- De ce fait, nombre d’ouvriers, de syndicalistes, et bien sûr de dirigeants syndicaux sont sensibles aux sirènes « réalistes » du patronat : on ne peut pas faire autrement, il faut se faire des sacrifices pour des lendemains qui chantent, il faut être réaliste, accepter des aménagements. C’est par exemple l’attitude constante de la direction confédérale de la CGT qui a abandonné toute idée de la lutte des classes, qui rentre dans le jeu de la réforme du monde actuel, pour un « capitalisme à visage humain », comme si l’on pouvait marier l’eau et le feu…
- Souvent, dans les luttes pour l’emploi, la tentation est forte d’accepter des propositions patronales, soi-disant pour sauver l’essentiel. Ou de se lancer dans des « contre-plans » pour prétendre qu’on est plus intelligent que les patrons, mais toujours dans le cadre de l’exploitation… C’est l’échec assuré. A Kléber Toul, les ouvriers avaient déjà accepté tous les « sacrifices » demandés par la direction : le retour aux 40 heures en 2001, 6 jours de travail supplémentaire par an en 2006, et voilà, c’est la fermeture annoncée pour 2009. « Ils nous ont mené en bateau », voilà le résumé !
- Dans la lutte pour l’emploi, la classe ouvrière a comme arme principale sa détermination. Pour imposer le maintien des emplois, il faut populariser, en élargir la lutte à toute une région (surtout quand il y a deux usines voisines du même groupe), élever la pression au plan national, au plan politique, en marquant le rapport de forces par la grève, l’occupation, la menace, comme on su le faire d’autres camarades, par exemple à Cellatex. L’imagination ouvrière est sans limite si on est déterminés, et sans aucune illusion sur ce qu’est le capital et ses projets.
- Dans cette lutte, les camps se marquent, chacun se détermine. Ce qui est particulièrement frappant, c’est que la signature d’un tel accord pourri par la CGT a immédiatement provoqué une révolte dans le syndicat et la destitution du délégué syndical responsable. C’est une excellente nouvelle pour le syndicalisme de classe, et le signe que le courant que nous représentons n’est nullement marginal, qu’il y a un potentiel d’ouvriers, de travailleurs pour défendre notre conception de syndicalisme comme instrument d’organisation et d’émancipation de la classe ouvrière.
- Enfin, et c’est bien l’essentiel. La lutte pour l’emploi pose la question du capitalisme, de l’exploitation de l’homme par l’homme. Système qui a définitivement fait faillite et qui ne nous apporte que plus de misère tous les jours. La question est bien politique : quelle société voulons-nous ? Qu’est-ce que peut-être un socialisme véritable pour en finir avec l’exploitation ? Comment organiser la production, selon quels critères ? Quel combat mener en ce sens ? Politique, c’est politique. Il faut s’organiser, réfléchir et lutter, construire un projet nouveau, un véritable parti ouvrier. Et pas un parti pour aménager l’état des choses actuelles…
C’est dans ce sens que nous soutenons la lutte des camarades de Goodyear et Dunlop, en particulier les nouveaux délégués syndicaux. Nous invitons nos lecteurs à les soutenir, et à leur envoyer des mails d’encouragement à leur adresse : contact@cgt-goodyear-nord.fr