
Des milliers d’ouvrières et ouvriers envoyés au chômage, avec plus ou moins de ménagements, mais sans aucun souci véritable pour ces « ressources humaines » devenues inutiles pour le capital.
Une vieille histoire
La lutte contre les restructurations, contre les délocalisations, contre les licenciements est une longue lutte, entamée dans les années 1970 avec la sidérurgie, le textile et le bâtiment, et qui s’est étendu à tous les secteurs de la production, jusqu’aux entreprises d’Etat. Certains ont mené de rudes luttes, déterminées, parfois impitoyables. D’autres ont rendu les armes rapidement, contre de belles promesses dont on peut faire le bilan quelques années après. Et pourtant, à chaque fois, on constate l’embarras et l’impuissance des syndicats, l’absence de projet, de propositions mobilisatrices et positives. On se défend le dos au mur, le mieux que l’on peut, on vend sa peau le plus cher possible, mais rien de bien exaltant, d’offensif pour la classe ouvrière.
Du côté des syndicats englués dans le réformisme, c’est toujours la même sauce qu’on nous ressert depuis ces décennies. Celle des « contre-plans » industriels :
« Mais si, c’est possible, on peut faire autrement, c’est une affaire de logique financière, de mauvaise gestion. Faites-nous confiance, on va proposer une autre solution, une autre gestion pour garantir l’emploi. » Voilà ce qu'on nous a toujours chanté.
Il y a vingt ans, la solution garantie, c’était « Fabriquons français », sus à l’étranger ! Tuons français (Manufrance), Fumons français (Seita), Roulons français (Renault) etc. Faillite complète, le rouleau compresseur de la mondialisation est passé par là.
Nouvelle vague

Aujourd’hui, non seulement la crise capitaliste s’est approfondie et développée dans tous les domaines.
C’est Miko : « Pour le cégétiste Henri Mazelin, secrétaire du comité d'entreprise de Miko à Saint-Dizier, le principal enjeu de la réunion de cet après-midi à laquelle participeront les délégués syndicaux CGT et FO et des parlementaires haut-marnais sera d'obtenir une négociation avec les vrais décideurs d'Unilever sur les solutions alternatives proposées par les syndicats : mesures liées à la pyramide des âges, conservation des lignes pour améliorer la productivité, transfert sur le site de Saint-Dizier d'une partie de la production des 66 millions de litres de crèmes glacées de Miko en Europe. » C’est Arcelor Mittal où la CGT de l’usine propose le 6 mars un contre plan (sans aucune discussion avec les structures de la CGT d’ailleurs) réalisé confidentiellement avec un cabinet d’experts et qui s’insère totalement dans la logique du marché mondial de l’acier. C’est Kléber, «victime d’une logique financière ». C’est SANOFI Aventis à Vitry (plus de 300 suppressions de postes annoncés fin février) où la CGT promet un contre plan en bonne et due forme.
Décadence réformiste
Mais le réformisme syndical s’est également approfondi. Dans la CGT, on ne parle plus de capitalisme, de guerre économique, de lutte des classes, d’intérêt ouvrier. On parle défense de la compétitivité, de la productivité, des lois du marché, de la croissance (« croissance » de quoi, au juste ? des profits ?).
Le meilleur exemple, c’est bien entendu JC Le Duigou, dans son livre « Demain le changement », socle du 48ème Congrès. Mais on aurait tort de croire que c’est seulement une caricature… Dans un « relevé de conclusions » datant de mai 2007 et resté confidentiel, l’ensemble des syndicats (dont la CGT) a signé avec le MEDEF un document sur la politique industrielle qui relève certes des désaccords, mais surtout des points d’accord : nécessité d’une politique industrielle de type nouveau, adaptée à la nouvelle période, ancré sur un « dialogue social qui prépare l’avenir », pour répondre aux objectifs de Lisbonne (mars 2000), c'est-à-dire pour « faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ».
C’est une certaine conception d’un capitalisme intelligent, à visage humain, respectueux de l’être humain. L’entreprise a une responsabilité sociale qu’elle doit assumer… La guerre économique et l’exploitation disparaissent derrière le rêve d’un monde pacifié, où exploiteurs et exploités marchent la main dans la main vers l’avenir radieux d’un développement perpétuel…
« Il n’y a pas de fatalité à la désindustrialisation. Par contre, il y a des décisions des directions d’entreprise et des pouvoirs publics qui peuvent précipiter la ruine du tissu industriel ou, au contraire, le stabiliser et le développer. C’est bien face à une telle alternative que nous sommes. » Ca, c’est la confédération lors de la mobilisation de 2005 pour la défense de l’emploi industriel. Et donc l’insistance (appuyée sur les sondages) sur la nécessité d’être « force de proposition » (Ensemble N°6 qui vient de paraître).
Le rêve de propositions alternatives
S’il y a donc des licenciements (pour ces syndicalistes réformistes), c’est qu’il y a des "erreurs de management", des "dérives financières", un manque de dialogue social surtout. C’est ce que mettait en avant le fameux document confidentiel réalisé conjointement avec le MEDEF. Mais c’est aussi le sens des GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences), négociations obligatoires depuis 2005, dont l’objectif explicite est d’anticiper les évolutions du marché en intégrant les syndicats dans cette gestion, ce dans quoi se précipitent tous les syndicats réformistes. Logique que l’on retrouve dans la conception de la CGT de la Sécurité Sociale Professionnelle, ainsi que dans le récent accord sur l’Aménagement du Marché du Travail, que la CGT n’a pas signé pour cause de « déséquilibre », mais dont elle partage totalement l’esprit. La boucle est bouclée.
Si les restructurations sont le fait d’erreurs, et non pas le fruit inéluctable de la guerre économique capitaliste, il faut trouver d’autres solutions. Et voilà les cabinets d’experts, SECAFI Alpha en tête qui surgissent pour conseiller les salariés, bataille d’experts à l’appui face aux directions, manière supplémentaire de déposséder les ouvriers de leur vie et de leur lutte.
Et l’on propose d’autres solutions, dont on se demande pourquoi nos patrons n’y ont pas pensé plus tôt. Seraient-ils stupides à ce point de ne pas chercher à préserver à tout prix la source de leurs profits ?
- On propose de développer l’investissement industriel (Miko, Kléber, Arcelor), comme si justement l’enjeu de la fermeture était que ces nouveaux investissements devaient se faire ailleurs pour être plus rentables.
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On propose une logique industrielle contre la logique financière des patrons. Mais voilà un siècle que les banques, la finance et l’industrie ont fusionné pour constituer ce que Lénine appelait l’impérialisme. Il n’y a plus de logique séparée. Il y a une et une seule logique, celle du taux de profit, de la rentabilité des capitaux, qui se déplacent au gré des gains attendus. Les fonds de pension des années 2000 ne sont que l’aboutissement (provisoire, ce n’est pas fini) d’une évolution entamée au début des années 1900…
- On propose de rapatrier la sous-traitance, et tant pis pour les ouvriers européens, asiatiques qui vont se retrouver au chômage. Autant il est juste pour un ouvrier de lutter contre la délocalisation et la sous-traitance pour défendre son emploi, autant proposer la fermeture d’entreprises à l’étranger est particulièrement odieux et diviseur quand ce n’est pas étroitement nationaliste !
- On demande une vraie négociation avec les vrais décideurs. Mais qu’est-ce qu’une « vraie » négociation ? Quand on réussit à « convaincre » le patron, ou lorsqu’on lui impose un rapport de force tel qu’il doit céder en tout ou en partie ?
Et pendant ce temps on ballade les ouvrières et les ouvriers dans l’attente de négociations, d’avis d’experts, de relevés de conclusions. Alors que l’affaire est claire : les ouvriers n’ont rien à attendre d’une logique du capital qu’ils subissent leur vie durant.
Ils doivent défendre leurs intérêts, et rien d’autre. Leurs conditions de vie, de travail, de salaire, sans se soucier de la marche d’une économie qui n’est pas la leur, sur laquelle ils n’ont aucune prise. Sans remettre leur sort dans les mains d’experts qui se veulent plus malins que les capitalistes. Sans rêver à un contre plan qui ne sera qu’une illusion et une impasse.
Nous reviendrons très vite sur la manière de lutter sur l’emploi, d’un point de vue de classe pour les ouvriers. Dans l’immédiat, nous disons :
Ni GPEC, ni contre-plan, ni aménagement du marché du travail, défense de l’emploi !