Nous vivons donc dans un monde sans ouvriers, sans travailleurs, sans lutte des classes, sans profits ni licenciements. Quelle est donc la cause de nos problèmes ? Et bien il s’agit d’un problème de « démocratie ». La société capitaliste n’est plus une société où les bourgeois ont le pouvoir politique et l’usent au service de leurs objectifs économiques (exploitation, profits etc.), c’est une société en quelque sorte neutre, voilà, c’est comme çà, simplement trop injuste et pas assez démocratique. Une société où s’exprime seulement « la contradiction d’intérêts entre employeurs et salariés » (I-115), intérêts semble-t-il aussi légitimes les uns que les autres…
Mais quelle est la nature des choix ? Quel est le moteur de l’économie mondiale ? Est-ce que ce sont la satisfaction des besoins des plus pauvres, le progrès technique, ou que sais-je encore ? Non, d’ailleurs le rapport le reconnaît. Au lieu de partir de ce que nous connaissons tous, la guerre économique mondiale, la course effrénée à la compétitivité et à la productivité du fait de la concurrence, au lieu de s’opposer au marché capitaliste, on voudrait nous faire croire qu’il suffirait d’un peu plus de démocratie pour régler nos problèmes ? Qu’on pourrait convaincre (sous la pression, amicale, sans doute !) nos patrons de gérer autrement ? Qu’il suffirait d’un peu plus de « négociations » (II-70), de « droits sociaux » (II-62, II-92) pour changer ?
C'est une plaisanterie qu’on nous joue depuis des lustres, dont on a vu un résultat avec les lois Auroux en 1982, du bavardage que certains patrons acceptent parce qu’ainsi ils ont la paix et qu’ils savent que cela ne changera rien. D’autres s’en fichent royalement, et ne comprennent que le langage du rapport de forces, de la lutte des classes, eux-mêmes produits de l’exploitation capitaliste…
Bien entendu, pas de faux débat. Nous sommes tous favorables à plus de démocratie, plus de droits. Evidemment. Dans nos entreprises, nous sommes comme des milliers et des milliers de syndicalistes combatifs à la pointe du combat contre la dictature patronale.
Ce que nous discutons ici, c’est qu’il ne faut pas nous faire prendre des vessies pour des lanternes, nous faire croire que la « panne de démocratie » est la cause de nos malheurs. Cela est faux et archi-faux, ce n’est que le rêve de cadres et de petits-bourgeois déjà bien au chaud dans leurs fauteuils de cuir et qui aspirent à être califes à la place du calife, à être reconnus comme des experts responsables par leurs partenaires conflictuels, les patrons.
C’est un morceau important et un peu nouveau du rapport d’orientation (II-12 à II-24). Nous n’y reviendrons pas ici, c’est déjà assez long, et renvoyons à l’article écrit à ce propos sur ce blog.