Le document d’orientation est copieux (53 pages, en un préambule, trois chapitres et un rapport financier), écrit dans un langage assez compliqué, et surtout très abstrait. Un très bel exemple de langue de bois, qui nécessite un effort véritable pour saisir les enjeux qu’on cherche absolument à nous cacher. Les références entre parenthèses renvoient aux articles cités.
Par contre, on retrouve en permanence la formule « salarié(e) », et parfois les références spécifiques aux cadres et techniciens. Ce n’est pas nouveau, direz-vous, et vous aurez raison. Cela était déjà depuis longtemps un sujet de dispute dans la CGT à vouloir noyer dans le même sac un ouvrier et son contremaître, une employée et son cadre chef de service etc. Chacun(e) d’entre nous sait bien que lorsqu’il y a autorité hiérarchique, les chefs (quoiqu’ils en pensent par ailleurs) sont à pour faire passer la politique du patron (privé ou d’Etat). Ils ne sont pas de notre camp, ils représentent le camp d’en face.
Ce vieux débat (c’est celui de l’UGICT) prend aujourd’hui un coup de neuf avec la prétendue « mutation du salariat » abordée à plusieurs reprises dans le document.
C’est très peu développé et argumenté dans le rapport d’orientation. On parle de « mutation du travail », de l’importance du chômage et de la précarité, des effets de la mondialisation (I-5). On parle « des mises en concurrence entre salariés qui s’accentuent » (I-24). On prétend que « la structure et la nature des emplois changent » (I-31), du fait de la précarité, du chômage, de la féminisation. Certes, tout cela est bel et bien vrai. Mais cela n’a rien d’un bouleversement majeur. On affirme que « le travail est de plus en plus qualifié, le nombre de cadres et techniciens augmente » (I-35), sans préciser que les postes de travail sont de plus en plus déqualifiés et que de plus en plus de techniciens occupent par exemple des emplois d’ouvriers qualifiés. Il est affirmé que « les conditions de travail changent » (I-38) ce qui est évident dans leur dégradation, mais n’est pas très nouveau depuis que les patrons existent. Il est affirmé que « la finalité du travail change » (I-43), ce qui est complètement faux, car c’est encore et toujours l’exploitation qui subsiste, comme fabrique à profits, sous des formes et des évolutions qui s’adaptent en permanence aux évolutions du capital. Il est vrai que la notion d’exploitation a disparu du rapport d’orientation…
Par contre quelques constats sont justes : « l’aspiration des salariés au travail bien fait se heurte souvent à l’impossibilité d’y parvenir du fait des organisations du travail et de la logique des marchés » (I-37) (nous dirions plutôt la logique du capitalisme !), ou « les objectifs de travail heurtent de plein fouet les aspirations individuelles à se valoriser à travers l’utilité sociale de son travail » (I-48). Mais constat juste ne veut pas dire bonne compréhension ! Car c’est l’exploitation, le capitalisme et plus exactement les capitalistes qui récupèrent à leur profit ces aspirations, grâce à leur domination dictatoriale, tant au niveau de l’Etat que des entreprises. Le tout dans le tourbillon de la concurrence et de la guerre économique mondiale (termes plus précis que le mot fourre-tout « mondialisation » qui ne veut pas dire grand-chose…)
En fait, sous cette formule floue de « mutation du salariat » se cache l’idée d’un changement en quelque sorte « naturel », auquel il faudrait que le syndicalisme sache s’adapter pour se moderniser. On notera que c’était un des arguments de Edmond Maire au Congrès de la CFDT en 1982, et qui a conduit la CFDT à être aujourd’hui le premier syndicat des cadres, devant la CGC. A quel prix ? Et est-ce l’ambition de la CGT ?
Ne serait-il pas plus juste, plus opportun de lutter pour l’unité des plus exploités, ouvriers, travailleurs, chômeurs, RMIstes, précisément contre la société qui les entraîne là où elles et ils en sont ?