1) Il faut commencer à préparer les esprits dès avant le début de la grève, en affirmant, l’air optimiste, que « la grève pourrait être raccourcie » alors qu’elle n’est pas encore commencée (B.Thibault).
2) Au fur et à mesure des jours de grève, répétez que les grévistes doivent préserver leur unité et leurs forces (D. Le Reste), alors que la CFDT appelle à la reprise, et que Chérèque se fait honteusement expulser de la manifestation du 20 novembre par des syndicalistes décidés. Syndicalisme rassemblé, vous avez dit ?
3) Toujours au fur et à mesure de la grève, empêchez à tout prix les rencontres entre dépôts, la convergence des luttes, l’apparition des cheminots en cortèges dans les manifestations : le 20, les cheminots étaient éparpillés dans les UD et les UL pour éviter qu’ils se retrouvent ensemble et renforcent ainsi leur détermination collective. Pour briser une grève (n’ayons pas peur des mots), il faut diviser les grévistes, les isoler, les parcelliser… Même technique que les patrons !
4) Le lendemain de l’ouverture des négociations, faire assaut de démocratie, mais surtout sans s’engager ouvertement :
- lister tous les prétendus aspects positifs avancés par la direction (en fait déjà annoncés avant le début de la grève).
- Soigneusement passer sous silence tous les aspects négatifs, à savoir les points qui font clivage parmi les grévistes : les 40 ans, la décote, l’indexation des retraites sur les prix. Ou ne plus en parler qu’en (très très) général !
- citer sans explication et sans analyse le nombre de grévistes (qui parait faible), sans montrer son impact réel sur la société ;
- Se montrer extrêmement sérieux et responsable. « Vous comprenez, il y a des dossiers complexes, comme la pénibilité, qui ne pourront pas être traités en quelques jours. Et on ne va tout de même pas faire grève un mois ! » (JC Le Duigou, le brave homme, il s’est beaucoup donné ces jours-ci en ce sens…).
- Insister sur la durée des négociations, qui va durer « un mois, voire plus »
- Insister à nouveau, communiqué après communiqué, sur la nécessité de l’unité et de conserver ses forces (pour quoi, pour quand… on n’ose pas imaginer après 10 jours de grève !)
- « continuer à débattre des enjeux à venir et des conditions les plus appropriées pour conserver le rapport de forces dans le cadre des deux négociations qui vont s’engager »...
- Ne surtout pas donner de consigne de vote. Affirmer haut et fort que la CGT laisse les AG décider souverainement (D. Le Reste). Alors qu’en fait une position a été prise en haut lieu, celle de la reprise, mais qu’il ne faut pas la faire savoir publiquement.
- Mobiliser les délégués et responsables syndicaux dans les dépôts pour, toujours sur cette base, mener tout doucement les grévistes à reprendre le travail sans ouvertement appeler à la reprise et en affirmant au contraire sa détermination à continuer la lutte (bien entendu « sous d’autres formes ») pour les revendications des grévistes.
Tout cela résumé par Libération de ce jour (22/11) en un paragraphe bien senti :
« La CGT a elle aussi présenté hier soir, sous un jour aussi positif que possible, les premiers éléments des négociation. Pour le secrétaire général de la CGT-cheminots, Didier Le Reste, «des premiers points ont été marqués». Selon son habitude, la CGT n’a pas explicitement appelé à la reprise du travail, s’en remettant à la sagesse des assemblées générales. Mais le premier syndicat de la SNCF (40%) et de la RATP (37%), a donné à ses délégués l’argumentaire pour faire voter la suspension de la grève et éviter l’enlisement. »
Et le mal se répand, de dépôt en dépôt, impulsé par quelques AG particulièrement molles, bien sûr encouragé par les médias qui n'attendaient que cela. Au lieu de s’appuyer sur la détermination des secteurs les plus combatifs pour entraîner les hésitants, on s’appuie sur ces hésitations pour isoler les combatifs et faire reprendre le travail…
Il y a de très fortes résistances à la base et dans certaines sections syndicales, heureusement, en particulier quelques résistances historiques chez les cheminots. Mais ce soir, il semble bien que la trahison soit consommée. Gageons qu’on va hélas voir des cartes déchirées à la CGT…
Cette attitude de nos dirigeants (confédéraux et fédéraux dans le même sac) n’est pas nouvelle. De tous temps nous avons vu cette attitude dans les conflits durs dont ils ne contrôlaient pas le développement.
Et de voir que dans ces occasions, la CGT se gargarise de démocratie, mise à toutes les sauces…
Pour les militants de classe dans la CGT, cela provoque un petit sourire crispé. Nous connaissons trop les exclusions, les départs forcés (comme celui qui a mené à la création du CGT-E), les magouilles en tous genres, les débats tronqués et les comptes-rendus sans aucune contradiction, la manipulation du Congrès confédéral, pour donner un quelconque crédit à ce bavardage médiatique.
Pour un syndicaliste de classe, une véritable démocratie ouvrière, c’est :
- le débat public et ouvert, contradictoire, faisant le bilan positif et négatif de ce qui a été gagné, ce qui n’a pas été atteint, en toute clarté, y compris en tenant compte du rapport de forces social et politique. Lors de ce débat, rien ne doit être escamoté ;
- la convergence des luttes, l’unité des grévistes, la détermination collective contre l’isolement.
- l'expression d'un point de vue du syndicat, organisation permanente dont les travailleurs ont une nécessité vitale pour résister et s’organiser face au capital. La CGT doit donner un avis aux Assemblées Générales, aux Comités de Grève, elle ne doit pas rester au cul du mouvement, surtout pour en fait travailler en sous-main à la reprise. Il est absolument inadmissible de voir aujourd’hui les responsables CGT se défiler à l’heure de la décision ! Les grévistes doivent exiger un avis de la CGT (et des autres syndicats), c’est la moindre des choses, et c’est aussi ainsi qu’ils peuvent porter une opinion sur celles et ceux qui prétendent les défendre ;
- et, sur ces bases, en dernière instance, organiser la consultation des grévistes, et respecter leur décision, quoiqu’il en soit, même si elle n’est pas conforme au point de vue syndical.
La construction du syndicalisme de classe est un combat de longue haleine.
Il faut adopter à la fois une attitude sans concession sur le fond de nos positions, ne pas hésiter à les défendre, parfois à contre-courant, tout en restant parfaitement démocratique dans l’expression du débat, des contradictions, sur la prise de décision.
Le syndicalisme de classe ne craint pas d’être minoritaire quand le débat a été poussé jusqu’au bout et quand au final les décisions sont prises démocratiquement. C’est à la fois respecter les grévistes, gagner leur respect, et être capable ainsi de poursuivre le travail de conviction et d’organisation sans rien brader de ses positions de classe.
Nous parlons ici pour l’avenir, pour notre combat.
Parce que pour ce qui est des dirigeants confédéraux et fédéraux de la CGT, leur choix est clair et ils ont toujours travaillé dans le même sens : des négociations avec Sarkozy/Fillon, mais surtout pas de grève dure et de convergence des luttes !
Il faut transformer la colère et la révolte en force constructive.
Déchirer une carte ne sert à rien pour l’avenir.
Il faut que les syndicalistes de classe se retrouvent, s’organisent, se structurent à l’intérieur de la CGT.
Thibault et les autres de la direction confédérale ne partiront pas d’eux-mêmes, il va falloir les chasser !