[2ème mise à jour 15 Novembre - 16h00]
Depuis le 18 octobre, on ne « sentait » pas trop le chemin suivi par la direction confédérale pour s’opposer aux régimes spéciaux.
Nous avions déjà soulevé à plusieurs reprises l’hypothèse qu’elle était en fait déjà prête à lâcher sur ce
terrain en échange de quelques miettes de pénibilité…
Malheureusement, depuis hier, cela devient criant…
Nous
n’allons pas répéter ce que les médias passent en boucle : la demande de rencontre de B.Thibault à X.Bertrand,
l’acceptation de la négociation entreprise par entreprise en échange de la participation de l’Etat, ce qui n’est ni plus ni moins que la trahison de la lutte collective, et l’abandon direct
des secteurs les plus faibles et des 37,5 ans de cotisations, la liquidation de fait des régimes
spéciaux. La CGT citée jusqu’à l’écœurement sur toutes les radios, télés et journaux comme exemple de réalisme, de responsabilité, favorisant le déblocage et la sortie de crise, B.Thibault
allant même jusqu’à annoncer que « la grève pourrait être raccourcie » alors même qu’elle n’était
pas commencée ! Du jamais vu, une rencontre demandée (et obtenue, bien sûr) quatre heures à peine avant le début d’une grève reconductible… Et dès le lendemain matin, l’acceptation par X.Bertrand
de l’offre de service de Thibault. Les journalistes bourgeois du Monde ont de quoi en faire leur
éditorial du 15 novembre tellement ils en sont émoustillés !
Nous disions il y a trois jours que l’enjeu était de faire coucher les directions syndicales. C’est fait. La
direction de la CGT vient de gagner ses galons de respectabilité et de partenaire de négociation pour les mois et années à venir. De quoi faire saliver à l’avance les bureaucrates confédéraux,
les élus comme les experts de l’ombre (fort nombreux à la CGT, on l’ignore trop souvent – c’est comme dans les ministères !).
Oh, bien sûr, il y a les précautions de style : « ce sont les assemblées qui décideront », « s’il n’y a pas d’avancées on continuera ». Mais on aura noté que la CGT a fixé comme délai un mois
pour tenir les négociations d’entreprise, un mois de démobilisation qui nous mène… aux fêtes de fin d’année. Bien joué. Et la dernière déclaration commune (mercredi soir, 22h00) à la Confédération, la FNME, la fédération des Transports et celle des Cheminots se
termine par une formule bien connue : "la CGT demande (aux travailleurs) d’apprécier les avancées constatées et de prendre en
assemblées générales les décisions qui préservent leurs forces et l’unité syndicale"... Quand on voit la CFDT appeler à la reprise du travail ce vendredi 16, ce qui était évidemment
complètement prévisible, on comprend parfaitement l'allusion... On n'attend plus que les appels à la reprise.
Les syndicalistes un minimum honnêtes ne se laisseront pas abuser. Pour la direction confédérale, il faut aller vite, très vite, pour empêcher à tout prix la jonction avec les étudiants, la
jonction avec la journée du 20 novembre qui avait tendance à se transformer en journée de grève générale, en grève politique anti-Sarkozy, en un front commun contre le paquet des mesures
gouvernementales et leur cohérence.
Sarkozy et Fillon ont un programme général qu’ils développent de front dans tous les domaines, celui des grands monopoles et du MEDEF. Il s‘agit de la modernisation de la France impérialiste
(gains de productivité, transformation de l’appareil d’Etat, relations sociales, idéologie, éducation etc.) pour l’adapter à la période moderne de la mondialisation généralisée, de la guerre
économique mondiale. Et ce programme général, ils le développent sur tous les fronts en même temps : éducation (loi Pécresse), santé (franchises médicales), retraites, chasse aux sans-papiers,
code du travail et contrat unique, « travailler plus pour gagner moins », appareil judiciaire etc.
Aussi, la convergence des résistances a quelque chose d’évident, de naturel pour tous les militants un minimum combatifs, tellement évident
qu’à l’intérieur de la CGT, jusqu’au sein du CCN on a retrouvé des velléités (bien entendu, sans suites) de faire du 20 novembre une journée de grève nationale. C’est la volonté logique, normale,
saine de mettre un coup d’arrêt au rouleau compresseur capitaliste, d’affirmer la force du mouvement ouvrier et populaire.
La direction de la CGT a explicitement choisi de s’opposer à ce mouvement, pourtant très fort. Le Reste (fédé des cheminots) a affirmé que la grève était sociale, pas politique. Le Duigou, sur France Inter ce mercredi matin a été encore plus clair, puisqu’il admet
ouvertement la réforme des régimes spéciaux, en ne mettant en avant que des questions salariales... Nous donnons ci-dessous à nos lecteurs le moyen de juger par eux-mêmes en ré-écoutant
l’émission dans sa totalité.
Pourquoi cette attitude ? Au nom du réalisme, par crainte d’être éliminée du champ de la « négociation », d’être brisée à la mode Thatcher .Encore que cela n’était pas vraiment l’objectif du gouvernement, il s’agissait simplement de les forcer à se coucher, quitte ensuite sur cette base, à frapper, et très fort, les résistants, qu’ils soient jeunes, sans-papiers, syndicalistes de classe ou simples démocrates.
Les choses sont désormais claires. La bourgeoisie a son programme, ses perspectives politiques, elle a son quartier général, l’Etat et le gouvernement, et son syndicat, le MEDEF, ses alliés dans notre propre camp. Tous ils sont en ordre de bataille, ils nous font la guerre. En face, nous sommes encore faibles et désorganisés, et nous constatons chaque jour un peu plus la trahison de nos dirigeants qui vont manger la soupe dans l’écuelle de nos ennemis. Mais il va falloir qu'ils rendent des comptes, dans les structures comme les congrès, de la Chimie la semaine prochaine, de la Métallurgie en mars prochain. Et cela les inquiète, car les tensions sont vives dans la Confédération ! A lire des points de vue (évidemment très orientés...) lus dans Le Monde ou Le Parisien...
Ne nous laissons pas décourager, isoler, éparpiller. L’enjeu du rapport de forces actuel repose (comme il l’a été pour le CPE) dans les mains des syndicalistes de classe. Ils peuvent compter sur un fort mouvement de soutien parmi les militants les plus combatifs, sur la volonté d’en découdre qui existe dans un certain nombre de secteurs. Et au-delà de la lutte immédiate, la question qui en découle c’est bien celle de construire notre programme, notre quartier général, le parti des exploités.
Dans toutes les assemblées, il faut se battre contre tous les liquidateurs pour la reconduction de la grève, au moins jusqu'au 20, pour renforcer la grève, faire la jonction avec la fonction publique et tous les secteurs du privé qui se mobilisent pour l'occasion...
On le comprend, la journée du 20 novembre prend une importance encore plus essentielle pour marquer les camps et regrouper tous les militants honnêtes, contre le syndicalisme de collaboration de classe, contre la cogestion capitaliste !