Mercredi 1er juin 2022
53ème congrès : après Martinez, un virage réformiste de plus ?
Martinez vient de faire sensation en annonçant à la CEC du 31 mai qu’il ne se représentait pas et proposait la candidature de Marie Buisson pour le remplacer. Illustre inconnue pour la masse des syndiqué.e.s, prof en lycée professionnel, écoféministe (comme on dit aujourd’hui) et actrice du regroupement « Plus jamais ça » (https://plus-jamais.org), rassemblement de syndicats, associations et ONG « pour une vision sociale et environnementale de la société », autrement dit une vision néo-réformiste et verte d’aménagement du capitalisme.
C’est certainement une rupture avec une vision productiviste de l’économie, la vision étatique du progrès portées par des experts (politiques ou syndicaux) qui savent ce qui est « bon pour nous », et donc avec le modèle archaïque du capitalisme d’Etat porté par exemple par certains secteurs liés à la FSM.
Il n’empêche que cela n’en fait pas pour autant un projet anticapitaliste et progressiste, même si ça fait plus moderne.
Nous publions ci-contre l’intégralité du rapport introductif du secrétaire général, proposant la candidature de Marie Buisson au mépris de toutes les règles démocratiques, rapport validé par seulement 32 voix pour, 9 camarades ayant refusé de prendre part au vote, voté contre ou s’étant abstenu.
On peut se féliciter de voir une femme à la tête de la CGT – bien sûr. Mais le genre n’escamote pas les positions politiques, et il y a des femmes, comme des hommes, parfaitement réformistes ou parfaitement bureaucrates, ou les deux. On en connaît d’autres dans notre syndicat.
Ce qu’il va falloir juger c’est le débat d’orientation.
Et soyons clairs, même si celui-ci n’est qu’effleuré, certaines formules de Martinez font craindre le pire. C’est le cas quand on lit : « Cette démarche porte d’abord sur le rapport au travail et le sens du travail. Tout ce que nous développons depuis 3 mandats. C’est un thème incontournable aujourd’hui, toutes générations ou catégories sociales confondues. Nous avons besoin d’une CGT toujours plus ouverte vers d’autres, à l’écoute d’un monde qui change, qui bouge et notamment le monde du travail ». On sait très bien que ces formules creuses et floues aboutissent à toutes les fantaisies sur « améliorer la qualité de vie au travail », et autres « nouveautés » qui, année après année, tentent d’effacer la lutte des classes de l’orientation confédérale, avec la bénédiction des nouvelles couches salariées que sont cadres, ingénieurs, petite-bourgeoisie intellectuelle et autres salarié.e.s, certes exploité.e.s, mais parfaitement intégrés aux rouages du capitalisme.
D’autres formules de Martinez font juste rigoler (« il ne faut pas mettre la poussière sous le tapis » non, mais LOL !), lui qui n’a cessé de faire l’autruche face aux multiples conflits internes qui se sont multipliés dans la Confédération. Le scandale de la FD du Commerce, l’exclusion de la CGT PSA Poissy, les Transports, la Construction, la FILPAC, on ne compte plus les guérillas internes et les règlements de compte entre petits chefs qui veulent défendre leurs privilèges de bureaucrates…
C’est là le problème actuel de la CGT : il n’y a plus d’orientation claire et nette, plus de politique mobilisatrice et de combat, mais un réformisme latent qui s’accentue depuis des décennies, ce que nous appelons la « CFDTisation de la CGT ». Et l’arrivée de Marie Buisson à la tête du syndicat peut en outre illustrer une « ONGisation » de la CGT et de la lutte des classes.
Une coalition hétéroclite tente de se constituer pour s’opposer à la direction confédérale actuelle, qui regroupe les opposants proches de la FSM, ainsi que d’autres structures plus traditionnelles (voir leur initiative pour le 31 mars (« 31 mars : étrange convergence de mobilisations »). Lors du CCN du 11 mai dernier, elles ont avancé un projet de texte ouvertement oppositionnel – qui devrait être finalisé courant juin, dans la perspective du 53ème congrès qui doit se tenir l’an prochain. Nous attendrons de voir le contenu de cette opposition pour nous prononcer, nous sommes quelque peu circonspects…
Quoiqu’il en soit, on est évidemment rentré dans une séquence d’affrontement majeur dans notre syndicats. Affaire Amar (« Sordide guerre entre bureaucrates autour d’un viol »), sortie du bois des opposants, succession de Martinez… on n’a pas le cul sorti des ronces comme on dit.
D’autant que l’immense majorité des syndiqués ne sont pas là pour tel ou tel clan de bureaucrates, mais pour se défendre au quotidien contre les attaques incessantes du capital. Ce sont elles et eux qui se battent pour les salaires, contre la précarité et la sous-traitance, contre la pénibilité et les morts au travail, pour les embauches à l’hôpital et dans l’éducation, contre les temps partiels et la flexibilité, pour les papiers et les CDI, bref contre tous les volets de l’exploitation que nous subissons au quotidien.
Alors nous verrons bien ce qui va sortir de ces affrontements internes. Quant à nous, dans l’immédiat c’est le travail dans la lutte des classes, sur le terrain, c’est la formation syndicale anticapitaliste, ce sont les solidarités locales, nationales et internationales que nous construisons.