Samedi 26 mars 2022
La lettre de démission de la CEC de Baptiste Talbot
Nous publions ci-dessous l’intégralité du courrier de démission de Baptiste Talbot (ancien secrétaire général de la FD des Services Publics, les Territoriaux), démission lue en réunion de la CE confédérale le 9 mars, complétée par une présentation de cette démission.
Ce texte circule largement dans les structures, et de nombreuses CE, fédérales ou départementales, l’ont mis à l’étude, pour ce qu’il pose des problèmes de démocratie interne à la CGT. Il est important que tou.te.s les militant.e.s y aient accès pour se faire un avis.
Au-delà des manipulations autour de l’affaire Amar (voir « Sordides guerre entre bureaucrates autour d’un viol »), le texte aborde deux sujets :
- Les manipulations grossières pour dégommer Amar – qui ont conduit Talbot à voter contre la sanction (il aurait sans doute mieux fait de refuser de voter) et le climat général d’instrumentalisation autour d’une plainte pour viol, en se foutant royalement de la victime…
- Le fonctionnement foncièrement antidémocratique de la CGT et la nécessité de remettre les choses à plat, de revenir à un fonctionnement transparent pour reconstruire l’unité de notre syndicat, en bien piteux état. Là, on ne peut qu’applaudir des deux mains.
Ce que Baptiste Talbot rapporte conforte ce que nous connaissons bien.
Pour notre part, le caractère démocratique du débat et de l’acceptation des contradictions ne peut être séparé du contenu des positions affichées et défendues. Il y a par exemple une vraie cohérence entre la défense du paritarisme et de la cogestion du capitalisme, des contre-plans industriels, du rôle des experts et des cadres d’un côté, et le refus de débattre à fond et de faire, au sens propre, les travailleurs les plus exploités, les syndiqués et les syndicats de base acteurs de leurs orientations. C’est l’affrontement entre le réformisme cogestionnaire (par exemple via le paritarisme) et le potentiel anticapitaliste de la révolte qui se matérialise sur le terrain de la démocratie interne. On y reviendra une autre fois.
Cela dit, le texte de Talbot a un certain courage et un intérêt évident, parce qu’il met ouvertement et publiquement les pieds dans le plat, autour d’un acte fort, sa démission de la CEC. Il y a eu le 49ème Congrès de Nantes en 2010 (voir ICI) avec la contre-candidature d’opposition symbolique de Jean-Pierre Delannoy, il y a eu l’affaire Lepaon fin 2014 (voir ICI). Aujourd’hui, l’affaire Amar ou plutôt ses ricochets ouvre une nouvelle séquence où les failles internes apparaissent pour ce qu’elles sont, béantes…
Le texte de Baptiste Talbot a été accompagné de deux autres expressions :
- Une dénonciation outrancière de son vote contre la sanction, sans prendre le temps de réfléchir au contexte et à la situation. Ou plutôt peut-être, pour soutenir de manière masquée l’orientation confédérale dans le règlement de compte entre bureaucrates qui se jouait à ce moment. Ce texte intitulé « Pour que le Metoo syndical s’amplifie » a été publié sur Mediapart (voir ICI). Nous l’avons dit dans notre article précédent : il ne faut pas être angélique et chercher des boucs émissaires inutilement, là où ils ne sont pas.
- Un communiqué de certains camarades du SDEN 94 qui livre un certain nombre d’informations complémentaires autour de l’affaire Amar, en fait en sa défense (voir ci-contre). Nous le publions tout en étant très circonspects. Le SDEN94, dont fait partie Benjamin Amar, est en pleine crise depuis plusieurs années – ce qui est d’ailleurs indiqué honnêtement en fin de document, et présente à l’évidence un point de vue unilatéral. Le fait même que ces contradictions internes au SDEN 94 vont maintenant se régler au tribunal, comme il est désormais d’usage dans la CGT (CGT Poissy, CGT-HPE et UD de Paris, Commerce…) souligne s’il était nécessaire le problème démocratique général posé par Baptiste Talbot.
Voilà longtemps que la crise interne de la CGT n’était pas apparue ainsi en pleine lumière. Dans la confusion complète pour ce qui est de l’orientation, dans l’absence d’une vraie direction pour la mobilisation, l’élaboration et la discussion, ce sont les guerres entre bureaucrates, la défense des féodalités et des privilèges, la « guerre des places » qui prennent le dessus.
Dans l’immédiat, nous suivons attentivement les rebondissements de cette affaire, car la démocratie dans la CGT, c’est quand même un sujet à part entière qui intéresse tous les syndiqués et si la crise actuelle peut permettre de débloquer quelques verrous, on ne crachera pas dessus. Si on peut avoir de vrais débats à la base de la CGT sur les cadres et la hiérarchie, sur l’emploi industriel, sur la pénibilité ou la sous-traitance, ce serait déjà un vrai progrès !!
Une pensée pour tou.te.s les camarades qui se battent au quotidien, sur le terrain privé ou public, contre une exploitation de plus en plus féroce, qu’il s’agisse d’emploi et de salaire, de répression et d’humiliation de la hiérarchie, de sous-traitance et de précarité, de temps de travail et de flexibilité, de pénibilité, d’égalité des droits, bref tout ce qui fait le lot quotidien des prolétaires les plus exploités, bien loin des magouilles et privilèges des bureaucrates qui prétendent nous défendre…
Et bien sûr, en n’oubliant pas la camarade qui a porté plainte pour viol, la victime quand même, celle par qui le scandale est arrivé comme on dit, mais qui a quand même refusé le machisme et le patriarcat très forts dans nos rangs – là encore un débat à avoir démocratiquement ?