Lundi 14 mars 2022
Affaire Amar : sordide guerre entre bureaucrates autour d'un viol
Une fois l’émotion retombée, il faut prendre le temps d’un peu de recul, pour apprécier toutes les réactions, et pour faire le tri entre toutes les informations qui nous sont parvenues depuis notre article précédent (« Benjamin Amar suspendu de la CEC après une plainte pour viol aggravé »).
1) Un viol
La première et seule chose certaine, c’est qu’une camarade a porté plainte pour viol à l’encontre de ce responsable.
Il serait bon, que personne ne l’oublie avant de se lancer dans des explications aventureuses, ou des anathèmes qui pourraient ressembler à de la négation pure et simple.
Une camarade a porté plainte pour VIOL.
Quelles que soient les motivations et explications plus ou moins tortueuses, il n’y a aucune raison de remettre en cause la parole de la camarade, le principe de sincérité est déterminant, et sur le fond la sanction décidée par la CEC est juste. Et le refus de la CE de l’UD 94 de prendre position est consternant.
C’est pourtant ainsi que l’on a jugé correct de procéder dans toutes les affaires similaires (artistes, comédiens etc.) et on ne voit pas pourquoi il faudrait faire différemment à la CGT !
#CGTMetoo
2) Les dénonciateurs
Cela dit, il ne faut pas être angélique et donner le bon dieu sans confession aux responsables confédéraux qui ont dégagé Amar.
Plusieurs choses nous sont revenues aux oreilles.
- La plainte a été connue le lundi 21 février, et la direction confédérale est arrivée à la CEC le mardi 22 avec un communiqué complètement plié, sans fournir les termes mêmes du débat, ni même le texte précis de la plainte. En particulier personne n’a pu juger de la qualification « d’actes de torture et de barbarie ».
- Cette affaire était plus ou moins connue dans les couloirs depuis un an, on savait qu’une plainte allait être déposée, et aucune mesure n’a été anticipée, ce qui a abouti à une forme de coup d’Etat contre Amar lors de la CEC.
- Les camarades de la CEC n’ont eu d’autre choix que de voter la motion, dans l’urgence, quasiment sans élément, au risque de se voir accuser de complicité d’un viol. Sans vouloir les excuser, le camarade qui a voté contre et les trois abstentions se sont sans doute trouvé pris dans un piège dont ils n’ont pas su sortir. La seule position correcte était le refus de vote, le refus d’être manipulé par la direction confédérale – tout en affirmant haut et fort leur solidarité avec la victime.
- Car chacun sait bien que Benjamin Amar représente le courant dit « FSM » ouvertement opposé à la direction confédérale (UD 13 et 94, Chimie, Commerce, Agro…), et que celle-ci voulait sa peau depuis un moment, d’autant qu’il prenait une certaine importance médiatique. Afin d'être parfaitement au clair, précisons que nous ne nous retrouvons pas du tout dans ce courant.
- Autrement dit, quelque part, la plainte pour viol n’a été qu’un prétexte pour se débarrasser d’un gêneur - sans doute à la veille du congrès confédéral. Et la direction confédérale n’en a en fait pas grand-chose à faire de la victime… Nous aimerions bien connaître les mesures qui ont été prises depuis qu’elle est informée des faits, c’est-à-dire évidemment bien avant le lundi 21 février.
C’est sordide, nous le disons dans le titre. Même si, nous le répétons, sur le fond la sanction est juste. Mais la manière dont ça s’est passé est juste misérable. Et nous regrettons de voir comment certains se font manipuler sans prendre le recul pour réfléchir… : qu’il s’agisse des « Communistes libertaires dans la CGT », ou le « Collectif pour un Metoo syndical ». Attention : nous partageons l’essentiel des arguments de ces camarades pour dénoncer les prétendus défenseurs, mais nous refusons de nous aligner la bouche enfarinée sur les dénonciateurs confédéraux en fait très intéressés.
L’essentiel, nous le répétons, c’est qu’une camarade a porté plainte pour VIOL, et utiliser ce crime pour des manœuvres d’appareil est lamentable et bien significatif de l’ambiance actuelle dans les structures de direction de notre syndicat.
3) Les défenseurs
Mais les défenseurs ne valent pas mieux.
- L’accusé a attendu une semaine pour faire une déclaration (voir ci-contre) du même tonneau que celles de tous les prédateurs dénoncés ici ou là depuis ces derniers mois. « Mon honneur », « je ne sais pas de quoi je suis accusé », « innocent calomnié », « mon avocat », « mon nom est sali », « cette cabale », menace de plainte en diffamation et tutti quanti.
N’importe quel accusé à tort aurait réagi dans l’instant pour dénoncer la calomnie, dénoncer les manœuvres cachées derrière le communiqué etc. - L’UD 94 a sorti un communiqué pathétique (voir également ci-contre, désolé nous n’avons pas réussi à avoir le pdf) qui non seulement laisse toutes ses responsabilités à Amar (bonjour l’ambiance à l’UD, déjà que c’était pas top !!!), mais argumente avec les pires arguments de la justice bourgeoise : présomption d’innocence, laissons la justice suivre son cours, Etat de droit etc. Bref une défense à peine voilée de Benjamin Amar.
Et ben, si c’est ça l’opposition radicale à la direction confédérale dans la CGT, on n’a pas le cul sorti des ronces…
De la même manière que les dénonciateurs, le fait qu’une camarade ait porté plainte pour VIOL ne les dérange pas vraiment, moins en tous les cas que la dénonciation de son agresseur présumé… A moins qu’ils considèrent qu’il s’agit d’une dénonciation calomnieuse et une manœuvre d’appareil – mais dans ce cas, il faut le dire très clairement, les allusions du communiqué de l’UD sont tout à fait insuffisantes pour clarifier le débat.
Bref, derrière cette affaire terrible, un viol présumé quand même - rappelons que c'est un crime ! -, des bureaucrates plus ou moins réformistes règlent leurs comptes. Cela renvoie à la situation calamiteuse de notre syndicat en ce moment. L’absence d’orientation, d’initiatives, laisse la place à la lutte des clans qui chacun tentent de préserver leur petite féodalité et les avantages qui y sont attachés (détachements, sous de la formation professionnelle, paritarisme etc.).
Heureusement qu’il reste sur le terrain des syndicalistes combatifs (désespérés de cette situation d’ailleurs) pour défendre les travailleurs pour les salaires, l’emploi, contre la précarité et la sous-traitance, la pénibilité etc.
Ce qui est néanmoins surprenant, c’est qu’une telle affaire ne fasse pas plus de bruit. Ça reste très confidentiel pour l'instant. Ça tranche avec ce qui s'était produit autour du bureau et de l'appartement de Lepaon – et c’était pourtant bien moins grave. Quand l'affaire avait été rendue publique, plein de monde était déjà au courant, ça en parlait partout.
Est-ce que c'est lié à la nature des faits ? Un viol, c'est dégueulasse, et ça renvoie à une société dégueulasse incapable de rompre avec des pratiques patriarcales – qui plus est à l’intérieur d’un syndicat supposé combattre de telles pratiques. Une sorte de refus d'affronter la réalité en face. De même que ce sont les victimes de violences sexuelles qui ont honte et pas les agresseurs. Des réflexions sans réponse... Mais en tous les cas pas à l’honneur de notre syndicat !